Les faits.
Une SNC était composée de deux associés, tous deux gérants. Les statuts prévoyaient que les décisions des associés devaient être adoptées à l’unanimité et qu’elles pouvaient être prises en assemblée générale ou, au choix des gérants, par voie de consultation écrite, sauf pour l’approbation des comptes ou si un associé demandait la réunion d’une assemblée.
En cas de consultation écrite, le texte des résolutions proposées était envoyé aux associés, qui étaient considérés avoir accepté la décision s’ils n’avaient pas fait parvenir leur réponse dans un délai de 15 jours.
L’un des associés convoqua une assemblée ayant notamment pour objet de révoquer l’autre de ses fonctions de gérant et lui envoya un formulaire de vote par correspondance.
L’associé convoqué, ne pouvant se rendre à l’assemblée, renvoya le formulaire de vote plus de 15 jours après l’avoir reçu.
L’associé présent à l’assemblée considéra que la décision de révocation était adoptée et la fit inscrire au registre du commerce et des sociétés.
L’associé révoqué contesta cette décision et demanda son annulation.
La solution.
La cour d’appel annula l’assemblée et la décision de révocation, estimant que les statuts n’autorisaient pas le vote par correspondance à une assemblée. La Cour de cassation confirma cette solution, en rappelant les principes suivants :
- Les statuts d’une SNC fixent les règles de fonctionnement des assemblées des associés et peuvent prévoir que les décisions collectives sont prises par voie de consultation écrite selon des modalités qu’ils fixent
- La consultation écrite et la tenue d’une assemblée sont deux modes de prise des décisions collectives distincts. En cas de consultation écrite, aucune assemblée n’est convoquée et les associés se prononcent par écrit sur les résolutions proposées. En cas d’assemblée, les associés se réunissent et votent oralement ou par écrit sur les résolutions soumises au vote
- Le vote par correspondance à une assemblée, par lequel un associé envoie un formulaire de vote avant une assemblée à laquelle il ne peut pas ou ne souhaite pas se rendre, n’est pas prévu par la loi pour les SNC. Il doit donc être expressément autorisé par les statuts et encadré par des modalités précises
- A défaut de clause statutaire prévoyant le vote par correspondance à une assemblée, un associé empêché d’assister à une assemblée ne peut pas voter par correspondance. Il peut seulement se faire représenter par un autre associé, si les statuts le permettent
- Les associés peuvent déroger ponctuellement aux statuts par un accord exprès unanime, mais cet accord ne peut pas avoir pour effet de rendre applicable à un vote par correspondance à une assemblée une clause statutaire prévue exclusivement pour la consultation écrite.
En l’espèce, les statuts de la SNC ne prévoyaient pas la possibilité de voter par correspondance à une assemblée, mais seulement dans le cadre des consultations écrites. L’associé qui avait convoqué l’assemblée n’avait pas reçu dans les délais le formulaire de vote de son coassocié et ne pouvait donc pas le considérer comme ayant voté en faveur de sa révocation.
La décision de révocation n’avait donc pas été adoptée à l’unanimité des associés, comme l’exigeaient les statuts.
Conclusion.
Cet arrêt illustre la nécessité pour les associés de SNC de rédiger avec soin les statuts de leur société et de prévoir les modalités de prise des décisions collectives.
Le vote par correspondance à une assemblée n’est pas une faculté légale pour les SNC, contrairement aux sociétés anonymes ou aux sociétés en commandite par actions.
Il doit être expressément prévu par les statuts et respecter les conditions fixées par ceux-ci.
A défaut, les associés ne peuvent pas y recourir, sauf à conclure un accord exprès unanime pour déroger aux statuts.
Cette solution est également applicable aux autres formes sociales dont le fonctionnement est laissé à la liberté statutaire, comme les sociétés par actions simplifiées ou les sociétés civiles.