L’anonymat du don étant une règle d’ordre public sanctionnée pénalement et l’est toujours. Le droit d’accès aux origines est une donnée variable selon les pays du Conseil de l’Europe : La tendance est d’autoriser la levée du secret sous certaines conditions elles-aussi variables (2).
En France depuis la loi du 2 août 2021 n° 2021-1017 relative à la bioéthique, les enfants peuvent avoir accès aux données du tiers donneur à leur majorité et à la condition qu’il y ait consenti au moment de son don.
Cette possibilité a été élargie aux enfants nés avant la loi de 2021 sous la même condition du consentement du donneur (3). Le décès du donneur ne permettant pas de recueillir son accord, le dossier est définitivement fermé pour Mme Gauvin-Fournis. Une décision juridiquement motivée mais criticable. D’autres options auraient pu être envisagées (4).
1- L’Arrêt Gauvin-Fournis et Silliau c. France du 7 septembre 2023.
1-1. Procédure.
La Cour Européenne a joint deux requêtes françaises s’agissant de deux recours d’enfants nés par PMA se revendiquant privés de leur identité au visa de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
La première requête, de Mme Audrey Gauvin-Fournis, née en 1980, dont les parents lui avaient révélé le mode de sa conception à l’âge de 29 ans, en raison du refus par la CADA, la commission d’accès aux documents administratifs, d’ordonner au CECOS, centre d’études et de conservation des œufs et du sperme, l’accès à ses données d’origine. Refus confirmé devant le tribunal administratif et le Conseil d’Etat.
La seconde requête étant présentée par M.Clément Silliau, né en 1989 suivant le même mode de procréation, informé par ses parents à l’âge de 17 ans des conditions de sa conception, lui- aussi débouté de sa demande d’accès à son dossier après l’épuisement des voies de recours internes.
La cour n’a pas sanctionné la France :
« la cour considère que la France a maintenu un juste équilibre entre les intérêts concurrents en présence en ce qui concerne les informations médicales non identifiantes. Elle note d’ailleurs que cet aspect de l’anonymat du don de gamètes, sous réserve des questions liées à l’élargissement de l’accès aux informations concernées (paragraphe 57 ci-dessus), n’a jamais été, contrairement au secret des origines, remis en cause dans son principe au cours des débats législatifs successifs. Partant, le rejet des demandes des requérants pour les raisons liées au respect du secret médical ne caractérise pas un manquement par la France à son obligation positive de garantir le droit de ces derniers au respect de leur vie privée »
(note 27).
La décision qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention a été rendue par quatre voix contre trois.
1-2. Motifs de l’arrêt : recherche du juste équilibre entre des intérêts concurrents.
La cour a rappelé qu’en France, le don d’un produit ou d’un élément de son corps est gratuit et anonyme. Le principe a été posé dans le Code Civil :
Article 16-8 du Code Civil :
« Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur.
En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci ».
Disposition d’ordre public sanctionnée pénalement [1].
Les dispositions sur la PMA posent le secret au consentement à la procréation assistée par un tiers donneur [2]. Seule est prévue une exception de nécessité thérapeutique en cas d’anomalie génétique grave pour en informer le donneur et les enfants issus des de son don [3].
La cour a rappelé les justifications de l’anonymat faites à l’époque qui était de préserver la vie privée familiale du donneur et du receveur lesquels avaient le droit d’avoir une vie privée et familiale ainsi que l’enfant. Que lever l’anonymat pouvait être un obstacle au don comme l’avait souligné le Conseil d’Etat dans sa décision du 28 décembre 2017 :
« Plusieurs considérations d’intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles d’un donneur de gamètes puis à écarter toute modification de cette règle de l’anonymat, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps. Au regard de cette dernière finalité, qui traduit la conception française du respect du corps humain, aucune circonstance particulière propre à la situation d’un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu’au rejet des demandes en litige, comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la Convention ».
2- L’anonymat du don en Europe : une tendance à lever le secret.
La Cour a rappelé l’étude du Sénat : « En 2008, le Sénat français a publié une étude de législation comparée (no 186) relatif à l’anonymat du don de gamètes qui conclut que l’examen des législations de huit pays européens, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, les Pays Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, met en évidence une tendance à la levée de l’anonymat ».
La Cour a également rappelé un questionnaire soumis à vingt-six Etats du Conseil de l’Europe : A part la Turquie, sur les vingt-cinq Etats autorisant le don, quinze Etats autorisaient l’accès au nom du donneur :
« Sur ces quinze États, un ne le permet que pour des raisons médicales (Espagne). Certains États l’admettent depuis longtemps comme la Suède (1985), l’Allemagne (1989), l’Autriche et la Suisse (1992), la Norvège (2003), les Pays-Bas (2004), le Royaume-Uni (2005) et d’autres l’ont reconnu plus récemment, comme l’Irlande (2015), Malte et le Portugal (2018). Dix États interdisent l’accès aux origines (Belgique, République tchèque, Grèce, Lettonie, Monténégro, Macédoine du Nord, Pologne, Serbie, Slovénie, Ukraine). Parmi ces dix États, la Belgique, la Grèce et l’Ukraine signalent avoir des perspectives d’évolution et la République tchèque
indique avoir fait deux tentatives pour consacrer un droit d’accès aux origines ».
L’intérêt de l’enfant à la recherche de son identité devant prévaloir. La demande étant à faire, selon les Etats, à l’âge de 18 ans ou de 16 ans.
3- La loi française n° 2021-2017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (Loi de 2021).
La Cour a rappelé que la loi de 2021 reconnait le droit des personnes nées d’une PMA avec tiers donneurs à accéder à l’identité de leur donneur :
Article 16-8-1 alinéa 2 du Code civil :
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du Code de la santé publique ».
Désormais, tous les donneurs devront donner leur consentement à l’accès à leurs données non identifiantes et à leur identité, sauf à ne pas être admis comme donneur.
La loi prévoit, en outre, la possibilité pour les enfants nés antérieurement de former une demande auprès de la CAPPAD, nouvel organisme administratif, pour obtenir le dossier et les données non identifiantes et l’identité du donneur. Celui-ci devant donner son consentement.
Cette réforme favorable à l’intérêt de l’enfant et au principe de la transparence s’inscrit dans la tendance du droit européen.
4- Le secret enfoui à jamais de Mme Audrey Gauvin-Fournis.
Madame Gauvin-Fournis présenta une nouvelle demande. Il lui fût répondu que son géniteur était décédé. Le dossier est définitivement clos.
Il est regrettable que l’administration n’ait pas demandé aux héritiers du géniteur, titulaires du droit moral de leur auteur, leur consentement. Une démarche qui aurait peut-être pu enfin révéler qui était son père géniteur et répondre à un besoin existentiel de savoir d’où l’on vient.
La possibilité de lever l’anonymat du donneur est ainsi une bonne réforme : pour l’enfant d’abord qui comme l’enfant né sous X a besoin d’apprendre qui était son père géniteur comme les enfants adoptés le ressentent également.
En outre, elle responsabilise les géniteurs : un bébé n’est pas un tube, une paillette, selon le vocabulaire des laboratoires : redonner une valeur humaine à ce don gratuit de la Vie. Dans la loi bioéthique, il y a éthique.
Discussions en cours :
Bonjour Maître,
Le droit (en général) et le domaine de la filiation sont des domaines extrèmement techniques pour le profane que je suis...
Comme je ne suis pas certain d’avoir tout compris, puissiez-vous éclairer ma lanterne.
Suivant les "développements" récents de la "PMA pour toutes" et notamment son ouverture aux femmes seules...
Dois-je comprendre, que contrairement "aux annonces politiques", les donneurs ne sont pas à l’abris d’être (un beau jour...) attirés en justice aux fins d’établissement de leur lien de filiation paternelle ?
Et ce avec 1, 2, 3, X... ex-bébés PMA en mal d’origines ???
Avec toutes les implications qui s’en suivent :
+ Contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants... (éventuellement rétroactif à la date de naissance...)
+ Patrimoniales...
Remarque très personnelle :
A mon humble niveau, j’ai des fois l’impression que les politiques jouent les apprentis sorciers.
Qu’en pensez-vous ?
En vous remerciant par avance, pour votre éventuelle réponse ou commentaire.
Bien à vous,
EM
Cher Monsieur,
La loi française a réglé le pb de l accès aux origines comme je l ai indiqué.
Désormais, un donneur devra donner son consentement à l accès au données identifiantes de son géniteur. Sinon il ne peut pas être un donneur.
Cela ne donne en rien un lien de filiation juridique.
Un enfant a ses parents qui peuvent être deux femmes.
Rien de biologique. Il est prévu d reconnaître l enfant par devant notaire avant la mise en œuvre d une PMA.
La loi bioéthique a tout prevu.
Chère Madame,
Je vous remercie de faire suite à ma question mais vous me voyez étonné par votre réponse !
>> La loi française a réglé le problème de l’accès aux origines
>> Un donneur devra donner son consentement à l’accès à son identité
Oui, donc, nous sommes d’accord, un "enfant PMA" pourra à l’age adulte "remonté" jusqu’à son généreux donateur / géniteur.
Ensuite, vous enchainez sur :
>> Un enfant a ses parents qui peuvent être deux femmes.
Oui mais avec la PMA pour femmes seules, il pourra aussi n’avoir qu’une branche de sa filiation biologique établie - bien évidement avec mère.
Hors, comme le rappelle régulièrement, la CEDH :
<< Pour la CEDH, un enfant a intérêt à voir reconnue sa "filiation réelle" >>
En quoi, la loi Française protège les généreux donateurs / géniteurs de se voir (un beau jour) attirés devant la Justice par ces "bébés PMA femmes seules" (devenus grands) pour voir leur filiation (Paternelle) réelle établie.
Telle était ma question.
Au contraire de votre réponse : << La loi bioéthique a tout prévu >>
Je ne vois pas, de mon coté, en quoi la loi bioéthique, protège les donateurs en privant les enfants "PMA femmes seules" de voir établir leur lien de filiation et ce contrairement à la jurisprudence constante de la CEDH....
En vous remerciant, par avance.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.
PH
Je vous renvoie à l article L 2143-2 du code de la santé publique et vous comprendrez du moins je l espère.
Bonsoir Madame,
Je vous remercie pour la référence à l’ Article L2143-2 en relation avec votre présent article.
Mais ma question, il est vrai, se trouve, en effet, à la marge de votre article.
Peut-être est-ce pour cette raison que vous n’y vous aventurez pas ?! :)))
Je réitère, une dernière fois, c’est promis :))).
De façon précise et concise :
Dans le contexte d’un enfant né d’une "PMA femme seule",
La loi Française, protège elle le donneur de toute Action en Recherche de Paternité future ?
Et si, oui, sauriez-vous m’orienter vers l’article idoine.
En vous remerciant.
Cordialement,
L article 342-9 du code civil précise l absence de lien de filiation entre l auteur du don et l enfant issu de la PMA.
Il n’y a pas de lien de filiation entre le donneur et l’enfant issu du don. Article 342-9 du Code Civil.