Pour mémoire l’action ut singuli est une action qui permet à un associé/actionnaire de rechercher la responsabilité d’un dirigeant, pour les fautes commises dans l’exercice de ses fonctions, au nom et pour le compte de la société elle-même. Cela signifie que c’est la société elle-même qui recevra l’indemnisation du préjudice s’il est reconnu par les juges.
Depuis quelques années, les juges construisent régulièrement les concours d’une telle action, en considérant par exemple qu’un mandataire ad hoc doit impérativement être désigné lorsque les associés assignent le dirigeant, compte tenu de l’évident conflit d’intérêt [1].
Les fondements textuels sont différents en fonction de la forme sociale visée. Pour les sociétés anonymes particulièrement, c’est l’article L225-252 du Code de commerce qui l’encadre en ces termes :
« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, intenter l’action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués ».
Aux prémices de ce contentieux, une société anonyme d’explosifs et de produits chimiques (ci-après « La Société ») a conclu divers contrats de prestations administratives et informatiques avec son associée majoritaire et sa filiale.
Ces conventions réglementées, non approuvées en assemblées générales, sont contestées par l’associé minoritaire qui invoque des conséquences préjudiciables pour la Société.
L’associée minoritaire décide donc d’assigner les dirigeants de la Société, mais également, les dirigeants de la société associée majoritaire, et de sa filiale en responsabilité.
Déboutée par les juges du fond, l’associée minoritaire se pourvoit en cassation, faisant grief à ceux-ci d’avoir déclaré l’action irrecevable à l’égard des dirigeants de la société associée majoritaire et de la filiale, pour « défaut de qualité à défendre », ce qui les a mis hors de cause.
Dans l’espoir de réussir à faire évoluer le droit prétorien, le demandeur au pourvoi interroge les juges de la Haute Cour pour déterminer si l’action ut singuli intentée contre les dirigeants de la Société pouvait être étendue aux dirigeants des autres sociétés visées par cette action, c’est-à-dire les sociétés cocontractantes ?
Les juges du Quai de l’Horloge rejettent le pourvoi en ces termes :
« Il résulte de l’article L. 225-252 du Code de commerce que les actionnaires d’une société anonyme ne peuvent, au nom et pour le compte de la société, intenter d’autre action en responsabilité que celle, prévue par ce texte, dirigée contre les administrateurs ou le directeur général.
6. Il s’ensuit que les actionnaires d’une société anonyme ne peuvent exercer l’action sociale en responsabilité contre les personnes intéressées au sens des articles L225-38 et L225-41 du code de commerce dès lors qu’elles ne sont pas dirigeantes de la société pour le compte de laquelle l’action est exercée ».
La Cour de Cassation est catégorique : l’action ut singuli ne concerne que les dirigeants de la société, et pas ceux des sociétés cocontractantes.