Le 14 novembre dernier, la sanction est tombée après des semaines de lutte « sportivo-juridique », le Paris-Saint-Germain décide de mettre à pied son attaquant Péguy Luyindula [1]. Au-delà de la polémique purement sportive liée au niveau de jeu de l’ancien lyonnais, plusieurs problèmes juridiques sont soulevés par la procédure engagée par le club en vue de se séparer du joueur. La première question avait déjà été anticipée par la défense du joueur et repose sur la rétrogradation de l’attaquant parisien en équipe réserve.
Rétrogradation = modification du contrat de travail ?
La jurisprudence en droit du travail distingue la modification d’un contrat de travail du salarié, qui nécessite son accord, de la modification des conditions de travail, qui peut être décidée unilatéralement par l’employeur. Les exemples ne manquent pas pour illustrer cette distinction. Ainsi la Cour de cassation a décidé à plusieurs reprises que la modification de la rémunération [2] ou de la qualification [3] constituaient des modifications du contrat de travail nécessitant l’accord préalable du salarié.
Au contraire, la Cour de cassation considère que :
« En l’absence d’une quelconque répercussion sur la rémunération ou le temps de travail des salariés, la modification de la cadence de travail constitue un simple changement des conditions de travail [4] ».
La question en l’espèce concernant « le salarié Luyindula », va reposer sur cette problématique : la rétrogradation d’un joueur professionnel en équipe réserve constitue-t-elle une modification de son contrat de travail ou une modification de ses conditions de travail soumise au pouvoir unilatéral de l’employeur et pouvant mener, en cas de refus du salarié, à un licenciement.
Dans le cas présent, les seules informations reposent sur des éléments parus dans la presse et sur les déclarations du joueur et du club. Il en ressort que le joueur aurait été exclu du groupe professionnel. Choix sportif de l’entraîneur de l’équipe première, le joueur a alors été contraint de jouer avec l’équipe réserve évoluant en CFA. Ainsi, le joueur n’a pu accéder aux terrains d’entraînement sur lesquels ses coéquipiers s’entraînaient, obligé alors d’évoluer avec des joueurs amateurs au sein d’un championnat tout aussi amateur. Ce sont les conditions d’exercice de sa profession qui ont été modifiées. Plus encore, c’est l’objet même du contrat liant le PSG à son joueur qui a été altéré. La semaine précédant la mise à pied du joueur, la commission des affaires juridiques de la Ligue de football professionnelle se déplaçait au Camp des Loges. Les membres de la commission venaient vérifier que le PSG respectait les dispositions de l’article 507 de la Charte de football. Ce dernier énonce que :
« Les clubs doivent donner à leurs joueurs professionnels sous contrat les moyens de s’entraîner pour leur permettre d’atteindre ou de conserver un niveau de condition physique suffisant à la pratique du football professionnel en compétition. Dans l’hypothèse où un second groupe d’entraînement serait constitué, il doit être composé d’un minimum de 10 joueurs sous contrat professionnel, élite ou stagiaire pour les clubs de Ligue 1 et de 8 joueurs sous contrat professionnel, élite ou stagiaire pour les clubs de Ligue 2. Les conditions de préparation et d’entraînement des joueurs professionnels de ce second groupe doivent être les suivantes :
L’accès aux vestiaires éventuellement différents mais de qualité identique ;
La fourniture des équipements prévus pour tous les joueurs professionnels ;
L’accès aux soins médicaux éventuellement différents mais de qualité identique ;
L’accès à des infrastructures d’entraînement différentes mais de qualité identique ;
Des horaires d’entraînement compatibles avec les autres conditions de préparation et d’entraînement du groupe principal des professionnels ainsi que respectueuses de la santé des joueurs ;
L’accès à des entraînements encadrés par un entraîneur titulaire d’un diplôme fédéral sous le contrôle de l’entraîneur du club titulaire du DEPF ou du CF.Il est entendu que dans l’hypothèse où les installations sportives du club se trouvent sur un seul site, le second groupe d’entraînement devra s’entraîner nécessairement sur ce même site. Les clubs ne disposant pas d’un site unique d’entraînement pour l’effectif professionnel devront demander une dérogation à la sous-Commission de dérogation de la CCNMF s’ils souhaitent pouvoir bénéficier d’un second groupe d’entraînement dans les conditions ci-dessus et ce, pour application après le 31 Août de la saison ».
La commission a constaté en l’espèce, que les conditions d’entraînement de Péguy Luyindula ne respectaient pas les dispositions précitées et que le club n’avait pas effectué de demande de dérogation pour organiser son effectif en deux groupes distincts.
La commission a validé alors l’idée selon laquelle, en rétrogradant le joueur en équipe CFA de manière durable et en lui refusant l’accès à certain lieu d’entraînement, il y avait une modification du contrat de travail lui-même qui nécessitait l’accord du salarié. La semaine suivant la visite de la commission, l’effectif professionnel du club s’entraînait à huit clos, empêchant Péguy Luyindula d’accéder à l’échauffement de ses coéquipiers. Sans faire un parallèle trop rapide avec le « lock out », Péguy Luyindula a dû penser que l’on essayait de l’empêcher d’accéder à son lieu de travail.
En outre, le fait de faire évoluer un joueur en équipe réserve tout en maintenant son salaire correspond à une modification du contrat et à une perte de chance considérable pour le joueur en réduisant son employabilité.
Non saisine de la commission = licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
Et pourtant, les décisions sanctionnant l’absence de saisine de la commission juridique en matière de licenciement ne sont pas rares. Ainsi, dans un arrêt en date du 18 mai 2011, la Cour d’appel de Reims explicitait de façon très précise la procédure à suivre :
« L’article 265 de la Charte de football professionnelle prévoit ainsi, que le litige en cas de rupture anticipée du contrat doit être porté devant la commission juridique qui convoque immédiatement les parties ou leur demande de faire valoir par écrit leurs observations par lettre recommandée avec accusé de réception. En cas de non conciliation dans un délai de dix jours partant de la date de réception de la notification de la décision de la commission juridique, le litige peut être porté en appel devant la commission nationale paritaire d’appel. Lorsque l’employeur ne respecte pas cette règle conventionnelle, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse [5] » .
En l’espèce, les délais ne semblent pas avoir été respectés, pas plus que la procédure d’appel, puisque la procédure de licenciement du salarié a été effectuée à la suite de la visite de la commission.
En l’absence de saisine de la Commission, le licenciement est requalifié par la Cour en licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu’il soit besoin de statuer sur la réalité des fautes graves alléguées [6].
Une faute grave ?
L’article L.1243-1 du Code du travail énonce que :
« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail ».
La formule est limpide et pourtant son application au droit du sport et au sportif en contrat à durée déterminée est complexe. Pour le club, Péguy Luyindula, au-delà de son refus de jouer en janvier 2011 en Coupe de la Ligue, de sa présumée influence sur certains joueurs ou de ses moqueries envers certaines stars du vestiaire, aurait commis une faute grave [7] . Pour autant comment aurait-t-il pu mal exécuter son contrat en n’ayant pas eu accès au groupe professionnel ni aux infrastructures réservées aux joueurs de l’équipe première ?
Il sera important de rappeler que le refus de jouer, pour un joueur professionnel, n’est pas reconnu par la jurisprudence comme étant constitutif d’une faute grave. Dans une décision en date du 4 juin 2009 [8] , la Cour de cassation avait considéré comme étant abusif le licenciement d’un gardien de but professionnel, Vincent Fernandez. Son club de l’époque avait, pour motiver le licenciement, affirmé que Vincent Fernandez avait refusé de jouer en équipe réserve et manqué l’entraînement. Plus encore, son club de l’époque avait, pour sa part, omis de saisir la commission juridique de la Ligue de Football Professionnel. Le licenciement du joueur était alors intervenu pour faute grave, entremêlée à une décision plus sportive que juridique. Cette décision de la Cour de cassation est venue renforcer l’obligation de saisine préalable de la commission juridique de la Ligue de football professionnelle et fit dire à certains que Vincent Fernandez avait effectué là un très bel arrêt [9] . Quelques mois plus tôt, il avait porté les couleurs d’un autre club, le Paris-Saint-Germain.
Il appartiendra au Conseil de démontrer que la rupture du contrat de travail de Péguy Luyindula n’est pas liée à un choix purement sportif, qui consisterait à licencier un salarié pour mauvais résultats ou plus encore parce qu’il ne rentre pas dans les « plans de l’entraîneur ». Ainsi, le club ne pourra invoquer l’incompétence pour justifier sa position alors qu’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour améliorer la compétence du joueur.
Il sera déterminant, lors de la procédure, de ne pas exclure le droit du travail. Ce dernier ne devra pas assister, depuis les tribunes, à l’opposition entre employeurs et salariés sportifs.
Plus encore, il sera important de ne pas faire passer Péguy Luyindula pour un rebelle, alors même qu’il aura juste fait valoir ses droits et qu’en réalité, il prend lui-même le risque aujourd’hui que l’on porte atteinte à son image et à son attractivité.
Quoiqu’il en advienne, cette confrontation entre le PSG et le joueur viendra répondre à la question de la nature de la rétrogradation d’un joueur d’une équipe professionnelle à une équipe réserve. A défaut, l’affaire Luyindula pourrait venir uniquement gonfler le dossier des licenciements de footballeurs professionnels, déjà très marqué par une autre affaire opposant, à l’époque, Vikash Dhorasso au…Paris Saint Germain [10].