D’un point de vue juridique et social, les plateformes collaboratives doivent se montrer extrêmement vigilantes quant au risque de requalification en travail déguisé.
I. Comment se prémunir contre le délit de dissimulation d’activité ?
Lorsque les prestations deviennent récurrentes, l’article L. 8221-3 du code du travail présume qu’elles sont accomplies à but lucratif.
Dans l’attente de la loi numérique qui pourrait venir définir précisément ce qu’est une activité récurrente et partant du postulat qu’à ce jour tout prestataire qui s’inscrit sur une plateforme collaborative pour y rendre un service entend le faire de façon récurrente, la plateforme collaborative devra s’assurer que le prestataire régularise sa situation en se dotant d’un statut légal (travailleur indépendant ou société commerciale).
Le statut le moins contraignant est celui de l’auto-entrepreneur : un seul et même formulaire de déclaration de début d’activité au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers suffit pour se déclarer à tous les organismes sociaux. Il est, de plus, ouvert à toute personne physique, quelque soit sa situation professionnelle. Il convient cependant de rappeler que l’exercice de certaines activités (en particulier les activités artisanales nécessitant une inscription au répertoire des métiers) est subordonné à certaines conditions, notamment de qualification professionnelle (diplôme ou expérience professionnelle), de formation, d’honorabilité (absence d’interdiction d’exercer l’activité concernée), du suivi d’un stage de préparation à l’installation et de la souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle.
Rien ne s’oppose à ce qu’un salarié exerce une activité de prestataire, dès lors qu’il respecte son obligation de loyauté à l’égard de son employeur. Le prestataire peut également être un fonctionnaire, dès lors qu’il a obtenu l’autorisation de son administration et que l’exercice de l’activité accessoire ne porte pas atteinte au fonctionnement normal et à la neutralité du service public.
II. Comment se prémunir contre le délit de dissimulation d’emploi salarié ?
Ce risque existe dès lors que l’exécution de l‘activité s’inscrit dans le cadre d’un lien de subordination « salarié- employeur ».
Pour éviter que soit caractérisé un lien de subordination du prestataire à son égard, la plateforme devra s’assurer que le prestataire est libre d’accepter ou non une prestation et se gardera de lui donner des instructions précises et de lui fixer des objectifs. Bien entendu, la plateforme évitera tout aussi soigneusement d’exercer tout pouvoir de sanction à l’encontre du prestataire.

Du point de vue fiscal, la principale difficulté résulte dans la qualification des revenus générés par les prestataires. En l’état du droit, la règle est la taxation à l’impôt sur le revenu des sommes perçues par les prestataires (que l’activité soit exercée à titre professionnel et lucratif ou non) mais se pose la question de la déduction des charges correspondantes (notamment de l’amortissement des actifs utilisés). De même, en matière de TVA, si toute prestation de services est, par principe, taxable dès lors qu’elle est réalisée par un assujetti et qu’elle n’est pas exonérée, l’application ou non de la TVA suppose que le prestataire agisse en tant qu’assujetti, c’est-à-dire en tant que personne qui effectue de manière indépendante une activité économique. Une telle qualification suppose la réalisation répétée de prestations de services mais à partir de combien d’opérations ce critère doit-il être réputé rempli ? Du fait de la franchise de TVA applicable dès lors que le chiffre d’affaires généré ne dépasse pas certains seuils, les opérateurs concernés ont tout intérêt à se déclarer assujetti et à appliquer l’exonération.
Appliquer les règles ci-dessus doit apporter aux sites collaboratifs et à leurs utilisateurs la sécurité juridique attendue. L’enjeu est de taille car de cette sécurité dépend la réussite de leur modèle économique. Le cas d’UberPOP est là pour nous le rappeler.