Le comité d’entreprise bénéficie, en effet, de deux budgets :
une subvention obligatoire de fonctionnement égale à 0,2% de la masse salariale (C. trav. art. L.2325-43) et
une contribution patronale aux activités sociales et culturelles.
Ce dernier budget sert, notamment, à financer les cadeaux de l’arbre de Noël.
Il ne sera pas ici question d’étudier la série de jugements et d’arrêts, déjà été largement commentés, relatifs à la question de l’assiette de calcul de ces budgets (DADS ou compte 641 du plan comptable général), mais de revenir sur le caractère facultatif ou obligatoire de la contribution patronale et la détermination de son taux.
A ce titre, la Chambre sociale de la Cour de cassation, par une décision en date du 12 novembre 2015 (n°14-12830), a apporté une précision importante sur l’éventuel taux minimum légal de cette contribution dans les entreprises dotées de plusieurs comités établissements.
Notion d’activité sociale et culturelle
La contribution patronale permet au comité d’entreprise de financer des activités sociales et culturelles, notion qui n’est pas définies légalement, la réglementation se contentant de donner des exemples (C. trav. art. R. 2323-20 qui vise notamment les cantines, les colonies de vacances …).
La jurisprudence a tiré de ces exemples les principes permettant de définir les activités sociales et culturelles :
elle ne doit pas être obligatoire pour l’employeur ;
elle ne doit pas être la contrepartie du travail ;
elle doit avoir pour objet l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés ;
elle doit être prioritairement destinée aux salariés de l’entreprise ou à leur famille ;
elle doit être accessible sans discrimination.
A titre d’illustration, sont susceptibles d’être qualifiées d’activités sociales et culturelles :
les cadeaux ou bon cadeaux donnés, notamment, à l’occasion des fêtes de fin d’année,
le financement d’un restaurant d’entreprise,
la mise en place d’autocars pour convoyer le personnel du domicile (ou d’un arrêt de bus) au lieu de travail,
le financement de voyages.
Gestion des activités sociales et culturelles
Le comité d’entreprise bénéficie du monopole de la gestion des activités sociales et culturelles (C. trav. art. R.2323-21).
Il appartient ainsi au comité d’entreprise de définir ses actions en la matière (Cass. soc. 8 janvier 2002 n°00-10818).
Il peut, néanmoins, faire le choix de laisser à l’employeur le soin d’assumer cette gestion pour des motifs pratiques et/ou techniques. Le comité exerce alors un contrôle de cette gestion déléguée.
L’activité dont la gestion est ainsi déléguée demeure une activité sociale et culturelle, le comité ayant la possibilité :
de reprendre la gestion directe de cette activité lorsqu’il le souhaite,
de faire évoluer cette activité,
de supprimer cette activité pour récupérer les fonds qui y étaient affectés afin de financer une autre activité (Cass. soc. 24 février 1983 n°81-14118).
Même si la gestion de l’arbre de Noël est laissée à la direction de l’entreprise, le contrôle de celle-ci entre dans les attributions des membres du comité d’entreprise, sans qu’ils aient besoin pour autant d’une délégation spéciale (Cass. soc. 18 novembre 1960 n°59-40213 à propos d’une cantine).
Financement des activités sociales et culturelles
En matière d’activité sociales et culturelles, le comité d’entreprise est susceptible de bénéficier de ressources en provenance diverses : budget patronal, cotisations facultatives des salariés, dons et legs… (C. trav. art. R. 2323-34).
En pratique, le financement est quasi exclusivement patronal.
Or, le sujet du financement patronal des activités sociales et culturelles est complexe. La contribution est tantôt obligatoire, tantôt facultative pour l’employeur. Les règles permettant de fixer le montant du budget sont parfois impossible à appliquer.
- Minimas légaux
Les contributions minimales résultent des articles L.2323-86 et R.2323-35 du Code du travail.
- Minimas de l’article L.2323-86 du Code du travail
Les minimas légaux prévus par cet article n’existent que si l’employeur avait bénévolement pris en charge des dépenses sociales et/ou culturelles avant la mise en place d’un comité d’entreprise.
A défaut, ils n’existent pas.
Cet article dispose que :
« La contribution versée chaque année par l’employeur pour financer des institutions sociales du comité d’entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d’entreprise, à l’exclusion des dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu.
Le rapport de cette contribution au montant global des salaires payés ne peut non plus être inférieur au même rapport existant pour l’année de référence définie au premier alinéa. » (C. trav. art. L. 2323-86)
L’alinéa 1er de l’article L. 2323-86 du Code du travail prévoit un minimum en valeur fixé au moment de la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d’entreprise.
L’alinéa 2 de l’article L. 2323-86 du Code du travail fixe un montant en pourcentage qui permet de tenir compte de l’évolution de la masse salariale. Il s’agit du taux minimum légal.
La détermination de ces minimas légaux implique, compte tenu des dispositions précitées, de procéder aux étapes suivantes :
1° Déterminer la date de prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d’entreprise,
2° Déterminer les dépenses à retenir,
3° Retenir, parmi les trois années ayant précédé la date de prise en charge, celle pour laquelle les dépenses sociales ont été les plus élevées, c’est-à-dire l’année de référence,
4° Calculer le rapport entre ces dépenses et le montant total des salaires versés pendant la même année.
La contribution patronale minimale légale ne peut, alors, être inférieure :
ni au total des dépenses sociales effectuées pendant l’année de référence définie au 3° (minimum en valeur),
ni au pourcentage défini au 4° (minimum en pourcentage ou taux légal).
Il est bien souvent impossible de déterminer ces minimas en raison de la disparition, avec le temps, des informations permettant de les calculer.
Minimum de l’article R.2323-35 du Code du travail
Il dispose que :
« La contribution versée chaque année ne peut être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise atteint au cours de l’une des trois dernières années.
Sont exclues du calcul de cette contribution les dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu. » (C. trav. art. R 2323-35).
Le minimum en valeur prévu par cet article est égal aux dépenses sociales de la meilleure des 3 années précédentes.
Toutefois, la jurisprudence a précisé que ce montant n’est maintenu que si la masse salariale reste constante. Si celle-ci diminue, la contribution subit la même variation (Cass. soc. 6 juin 2000 n°98-22159).
- Contributions plus favorables que la loi
En vertu d’un usage, d’une décision unilatérale de l’employeur ou d’un accord, l’employeur peut être amené à verser une contribution :
alors qu’il n’y est pas légalement tenu,
d’un montant plus élevé que le minimum légal applicable.
Cas particulier des entreprises à établissement multiples
- Bénéficiaire de la contribution
Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise et de plusieurs comités d’établissements, sont bénéficiaires du budget servant à financer les activités sociales et culturelles chacun des comités d’établissements.
La Cour de cassation estime, en effet, que le comité central d’entreprise n’a aucune attribution propre en matière d’activités sociales et culturelles.
Un accord collectif ne peut « ni enlever aux comités d’établissements la gestion des activités sociales et culturelles propres à chaque établissement, ni les priver du droit de percevoir directement de l’employeur la subvention calculée sur la masse salariale de l’établissement » (Cass. soc. 30 juin 1993 n°90-14895).
Il appartient aux seuls comités d’établissement, s’ils le souhaitent, de reverser tout ou partie de la contribution patronale dont ils bénéficient au comité central d’entreprise afin qu’il puisse assumer la gestion d’une activité sociale et culturelle commune à tous les établissements.
L’arbre de Noël demeure, ainsi, du ressort des comités d’établissement, sauf s’ils mandatent le comité central d’entreprise pour gérer cette activité sociale.
Taux de la contribution et répartition
- Taux uniforme légal et répartition selon la masse salariale de l’établissement
A quel niveau doit être calculé l’éventuel taux minimum légal de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles, au sens de l’alinéa 2 de l’article L. 2323-86 du Code du travail ?
A supposer que les informations permettant ce calcul soient disponibles, le taux minimum légal du budget se détermine au niveau de l’entreprise, selon la jurisprudence élaborée par la Cour de cassation dans des arrêts « Renault » (Cass. soc. 18 mars 1971 n° 69-11020) et « Michelin » :
« c’est par une exacte application de l’article L 432-9 [L.2323-86] du Code du travail que la Cour d’appel a retenu que la contribution devait être calculée dans le cadre de l’entreprise, en tenant compte de l’ensemble de la masse salariale » (Cass. soc. 9 juillet 1996 n°94-17688).
En présence d’une unité économique et sociale, la Cour de cassation applique le même raisonnement :
« les sociétés (…), rassemblées en une UES constituaient une entreprise elle-même divisée en établissements distincts et que le montant global de la contribution était inchangé, la cour d’appel en a exactement déduit que cette contribution au financement des institutions sociales devait être calculée dans le cadre de l’entreprise, c’est à dire de l’UES (…) » (Cass. soc. 25 septembre 2012 n°10-26224).
Une fois ce taux uniforme calculé au niveau de l’entreprise, le budget revenant à chaque comité d’établissement est déterminée par l’application de ce taux à la masse salariale de cet l’établissement (Cass. soc. 17 septembre 2003 n°01-11532).
Ce mode de calcul légal de la contribution conduit mathématiquement à privilégier les sièges sociaux, hébergeant les plus hauts salaires pour un effectif relativement réduit, au détriment des sites de production.
Ex :
Etablissement A (usine) |
Etablissement B (siège social) |
Total | |
Masse salariale | 1.000.000 | 1.000.000 | 2.000.000 |
Effectif | 100 | 50 | 150 |
Contribution à 1% | 10.000 € | 10.000 € | 20.000 € |
Contribution € par salarié | 100 € | 200 € |
- Répartition selon l’effectif respectif de chaque site
Pour éviter la répartition « inégalitaire » ci-dessus, qui est fonction de la seule masse salariale de chaque site, des entreprises pratiquent une répartition selon les effectifs des sites concernés en vertu d’un usage ou d’un accord.
Très concrètement, les masses salariales des sites en cause sont additionnées avant d’être divisées par l’effectif des sites concernés.
Ex :
Etablissement A (usine) |
Etablissement B (siège social) |
Total | |
Masse salariale | 1.000.000 | 1.000.000 | 2.000.000 |
Effectif | 100 | 50 | 150 |
Une masse salariale individuelle moyenne est ainsi obtenue (2.000.000/150 = 13.333,3333).
Elle est, ensuite, multipliée par l’effectif du site concerné :
Etablissement A : 13.333,3333 X 100
Etablissement B : 13.333,3333 X 50
La contribution patronale est déterminée par l’application du taux sur cette masse salariale reconstituée pour chaque site.
Ex :
Etablissement A (usine) |
Etablissement B (siège social) |
Total | |
Masse salariale reconstituée | 1.333.333,33 | 666.666,67 | 2.000.000 |
Contribution à 1% | 13.333,33 € | 6.666,67 € | 20.000 € |
Contribution € par salarié | 133,33 € | 133,33 € |
Avec cette technique, le comité d’établissement B obtient un budget inférieur à celui résultant de l’application du taux uniforme légal dans cet établissement.
Cette méthode permettant de privilégier le plus grand nombre (les 100 salariés de l’établissement A au détriment des 50 salariés de l’établissement B) dans un souci de solidarité de la part des établissements regroupant les salariés les mieux rémunérés, il pourrait être soutenu que le caractère plus favorable d’un tel engagement doit s’apprécier au niveau de l’entreprise et non d’un établissement.
La Cour de cassation ne l’accepte pas : la contribution versée dans chaque établissement doit au moins être égale à l’application du taux minimum légal de l’article L. 2323-86 du Code du travail.
Elle juge, ainsi, dans l’arrêt référencé en introduction :
« lorsqu’une entreprise est divisée en établissements dotés chacun d’un comité d’établissement, un accord collectif peut prévoir de répartir la contribution patronale aux activités sociales et culturelles selon les effectifs des établissements et non selon leur masse salariale, cette répartition ne peut priver un comité d’établissement de la contribution calculée sur la masse salariale pour la fraction de la contribution correspondant au minimum calculé selon l’article L. 2323-86 du code du travail » (Cass. soc., 12 novembre 2015 n°14-12830).
En application de cette jurisprudence, le Comité d’établissement B pourrait réclamer un rappel de contribution de 3.333,33 € (10.000 – 6.666,67), notamment pour financer l’arbre de Noël, dans la mesure où il n’a pas bénéficié de la contribution minimale légale.
- Des taux différents par établissement et plus favorables
Il est fréquent qu’à la suite d’acquisition d’un ou plusieurs établissements par une entreprise, ou en vertu d’un accord, d’un usage ou d’une décision unilatérale de l’employeur, certains comités d’établissement bénéficient d’un taux plus élevé que d’autres établissements de la même entreprise.
Cette situation ne contrevient pas à l’uniformité de l’éventuel taux légal, dans la mesure où il s’agit d’un taux minimum.
Rien ne s’oppose au fait qu’un ou plusieurs établissements bénéficient d’une contribution calculée selon un taux plus élevé que d’autres établissements de la même entreprise, dès lors que chaque comité reçoit, à tout le moins, la contribution résultant de l’application de l’éventuel taux minimum légal.
Le financement des activités sociales et culturelles du comité d’entreprise, notamment le budget de l’arbre de Noël et des étrennes, dépend essentiellement d’une contribution patronale tantôt facultative, tantôt obligatoire.
En cas de budget obligatoire, ses modalités de calcul sont parfois si complexes qu’il devient impossible de définir le montant de l’éventuel taux minimal légal de la contribution.
En dehors de toute obligation légale ou au-delà de cette obligation, un employeur peut, bien entendu, accorder au comité d’entreprise un budget servant à financer des activités sociales et culturelles, dont l’arbre de Noël et les étrennes.
Des engagements plus favorables (usage, décision unilatérale de l’employeur ou accord) permettent, aussi, le versement d’une contribution différentiée aux différents comités d’établissement de l’entreprise, dès lors que chaque comité bénéficie de la contribution résultant de l’éventuel taux uniforme légal.
Dans le cadre de la réforme à venir du Code du travail (à la suite du rapport Combrexelle) une simplification du régime juridique de cette éventuelle contribution patronale et une incitation la négociation collective serait souhaitable.