Les FAITS :
Dans cette affaire, Mme X avait été embauchée par la société Y par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 1981 en qualité de contrôleur de gestion. Son contrat fut transféré, le 1er juin 1995, avec reprise de son ancienneté, à la société B., où elle exerçait déjà, dans le cadre d’un détachement, les fonctions de chef comptable depuis mai 1990. Elle devint ensuite responsable de la comptabilité générale de cette société.
Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 8 janvier 2008.
POSITION de la Cour d’appel :
Pour les juges du fond, par son courrier du 8 novembre 2007 destiné au DRH, Mme X qui exprimait son désaccord avec des décisions prises par la direction d’entreprise, mettait également directement en cause la compétence et les qualités professionnelles du directeur du contrôle de gestion de la société et étaient en outre de nature à créer à tout le moins un doute sur l’honnêteté et la probité des instructions qui avaient pu lui être données par la direction de l’entreprise.
Ce courrier, émanant d’un cadre exerçant des responsabilités importantes dans l’entreprise, était donc de nature à faire courir un risque grave et évident à la crédibilité, à l’équilibre et à la cohésion de l’ensemble de l’équipe dirigeante de la société.
En conséquence, "les propos tenus dans ce courrier ne peuvent être considérés, contrairement à ce que soutient l’appelante, comme relevant d’un exercice normal de la liberté d’expression de celle-ci au sein de l’entreprise".
En effet, "s’il est exact qu’en droit positif, les salariés jouissent dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de leur liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées aux buts recherchés peuvent être apportées, l’exercice d’une telle liberté peut néanmoins donner lieu à des abus susceptibles d’être sanctionnés, voire d’être analysés comme des fautes graves justifiant la rupture immédiate du contrat de travail".
Ainsi, les propos tenus par Mme X étaient constitutifs d’une faute grave justifiant la rupture immédiate et sans préavis de son contrat de travail.
Je ne suis pas certaine qu’en l’espèce, toutes les Cours rendraient le même arrêt...
Certes, de par leurs fonctions les cadres et notamment les cadres dirigeants se voient imposer une obligation de réserve et de loyauté renforcée. La jurisprudence est dès lors plus sévère à leur égard.
Toutefois en l’espèce, les critiques émises ne l’ont pas été de façon publique. En outre, il convient de distinguer la dénonciation « légitime » de la délation prohibée (propos mensongers, ou émis avec légèreté ou mauvaise foi).
Il est vrai que le salarié doit se garder de tenir des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Bref, ça se discute.
(CA Douai, 31 mai 2011, n° 10/02589)