La question du stationnement peut être épineuse en matière de permis de construire. Ce constat est d’autant plus vrai que la raréfaction du foncier conduit à une densification grandissante du bâti. Synthétiquement on construit plus sur des terrains de moins en moins importants.
Or, si la réalisation de stationnements en souterrain, lorsqu’ils sont autorisés par le Plan Local d’Urbanisme (PLU), semble une solution attractive, les contraintes techniques et financières conduisent à relativiser le recours à ce procédé.
A ce stationnement 4 roues/automobile viennent désormais s’ajouter la nécessité grandissante de prévoir du stationnement ou des espaces pour les 2 roues. On parle parfois de « local poussette ».
Les porteurs de projets sont donc à la recherche de solutions à ces problématiques. La loi dite Climat et Résilience vient apporter certaines réponses à ces questions.
En effet, cette loi emporte notamment création d’un nouvel article L152-6-1 du code de l’urbanisme qui dispose que :
« En tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, lorsque le règlement du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés, réduire cette obligation à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins six vélos par aire de stationnement ».
Ainsi, ce nouveau dispositif autorise dans certaines hypothèses, par un arrêté motivé, de déroger aux règles fixées par le PLU/PLUi/PLU-H relatives au stationnement pour les véhicules motorisés.
Le mécanisme est le suivant : la possibilité de réduire les obligations relatives au stationnement 4 roues en les substituant par du stationnement 2 roues en respectant un ratio minimum de 6 places vélos pour une place automobile.
Immédiatement la question se pose de savoir si cette substitution, cette réduction pour reprendre le texte, peut être totale et conduire à ne réaliser aucun stationnement pour les véhicules motorisés ?
Le Tribunal administratif de Grenoble par deux jugements du 22 novembre 2022 a répondu par l’affirmative. Il s’agit à notre connaissance de la première jurisprudence prenant position en ce sens.
Dans le cadre d’un premier recours la légalité d’un permis de construire autorisant la création d’une résidence étudiante de 56 studios sur la commune de Chambéry était en débat. A ce titre, un syndicat des copropriétaires contestait la légalité de ce permis notamment au regard de la méconnaissance des dispositions du PLU relatives au stationnement.
Le projet ne prévoyait en effet aucune place de stationnement pour les voitures mais uniquement pour les vélos.
C’est dans ce cadre et au visa de l’article L152-6-1 du Code de l’urbanisme que le juge administratif grenoblois a considéré que :
« (…) Les dispositions citées au point précédent ne fixent pas un minimum ou une proportion de places pour véhicules motorisés devant être conservées. Dès lors, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que le maire de Chambéry ne pouvait légalement autoriser un projet ne comprenant aucune place de stationnement pour véhicules motorisés (…) ».
Afin d’ôter tout doute sur l’interprétation qu’il convient de donner à ce mécanisme, le jugement précise ensuite que :
« (…) Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la « réduction » prévue par ces dispositions peut aller jusqu’à une compensation totale des places de stationnement pour véhicules motorisés par des espaces permettant le stationnement sécurisé des vélos (…) ».
Le même jour, dans le cadre de la contestation du permis de construire modificatif relatif au même projet, le Tribunal a indiqué :
« (…) Contrairement à ce que soutiennent M. et M E, la « réduction » prévue par ces dispositions peut aller jusqu’à une compensation totale des places de stationnement pour véhicules motorisés par des espaces permettant le stationnement sécurisé des vélos (…) »
La compensation totale de stationnement automobile par du stationnement vélo est donc en principe possible en application de l’article L152-6-1 du Code de l’urbanisme.
A ce titre récemment, un permis de construire a été délivré en région lyonnais en retenant ce principe et donc en autorisant une compensation totale du stationnement automobile par du stationnement pour les vélos. La motivation de l’arrêté était fondée sur des contraintes techniques pour réaliser du stationnement automobile en raison de la faible superficie du foncier.
Il conviendra d’être attentif afin de savoir si cette jurisprudence est confirmée mais aussi d’identifier les cas dans lesquels la compensation totale est validée par le juge. Affaire à suivre donc.
Références :
- TA Grenoble, 22 novembre 2022, n°2107997 ;
- TA Grenoble, 22 novembre 2022, n°2108243.