C’est ce que vient de juger le Conseil d’Etat dans un arrêt Webcarcenter du 16 octobre 2015.
1) Définition de la carte de presse
La carte de presse n’est pas « la » condition pour prétendre à la qualité de journaliste professionnel. Ce n’est qu’un moyen de preuve de la qualité de journaliste.
Elle permet « de se prévaloir de la qualité de journaliste soit à l’occasion de l’établissement d’un passeport ou de tout autre acte administratif, soit en vue de bénéficier des dispositions prises en faveur des représentants de la presse par les autorités administratives ».
Mais, ajoute la jurisprudence constante de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, elle n’a aucune incidence sur les relations entre le journaliste et son employeur.
Ainsi, un employeur n’a pas le droit d’exiger la possession de la carte de presse pour faire bénéficier à un journaliste du statut de salarié et des avantages de la convention collective des journalistes.
Celui-ci pourra cependant prouver par d’autres moyens sa qualité de journaliste professionnel ; il devra établir qu’il répond aux définitions des articles L.7111-3 du Code du travail.
Cependant la carte de presse reste le moyen le plus simple.
La CCNTJ indique que tout journaliste doit faire sa demande après trois mois d’exercice de la profession.
En effet, les entreprises de presse ont l’interdiction d’ « employer plus de trois mois des journalistes professionnels qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle ou pour laquelle cette carte n’aurait pas été demandée ».
Il faut pour cela remplir un dossier qu’il est possible de se procurer au siège de la Commission de la Carte (221, rue de Lafayette, 75010 Paris).
A l’appui de leur demande, les pigistes doivent fournir la justification de leur activité de journalistes pendant trois mois.
Le renouvellement (annuel) se fait sur justification de l’activité de journaliste pendant l’année civile.
2) L’arrêt Webcarcenter du 16 octobre 2015
2.1) Les faits : un rédacteur en chef du site Webcarcenter réclamait la carte de journaliste
Il s’agissait d’un rédacteur en chef du site Webcarcenter qui réclamait la carte de journaliste.
La Commission de la Carte a refusé la carte de journaliste à l’intéressé ; ce dernier a ensuite saisi la Commission supérieure de la carte.
Cette dernière a également refusé la carte de journaliste et l’intéressé a saisi le tribunal administratif.
Par un arrêt du 6 février 2014, la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement n° 1113721/6-1 du 31 mai 2013 du tribunal administratif de Paris et enjoint à la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels de délivrer à M. A la carte d’identité de journaliste professionnel pour l’année 2011.
2.2) Un journaliste peut être employé par un site Internet qui peut être considéré comme une publication au sens de l’article L. 7111-3 du Code du travail
Le Conseil d’Etat rappelle que la qualité de journaliste professionnel suppose :
1) que l’intéressé exerce une activité dans une entreprise de presse, une publication quotidienne ou périodique, une agence de presse, ou une entreprise de communication au public par voie électronique,
2) qu’il ait pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession et en tire le principal de ses ressources.
Ceci est une confirmation de la jurisprudence du 26 juillet 2007 concernant un journaliste du site Internet de la Cité des sciences et de l’industrie.
Le Conseil d’Etat affirme sans ambiguïté que « le mode de diffusion d’informations par voie électronique, notamment par un site Internet, ne fait pas, par lui-même, obstacle à la qualification de publication au sens de l’article L. 7111-3 du Code de travail cité ci-dessus ou à la reconnaissance de la qualification de journaliste professionnel dans une entreprise de communication au public par voie électronique en application de l’article L. 7111-5 du même Code ».
2.3) En revanche, pour employer valablement un journaliste, le site Internet ne doit pas avoir pour objet principal la « promotion publicitaire » mais l’information des lecteurs
Cette solution est classique. Il faut rappeler qu’est journaliste celui qui exerce une contribution intellectuelle en vue de l’information des lecteurs.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat relève que si le site Webcarcenter comportait des rubriques d’actualité et divers dossiers ou analyses, il a pour objet principal la promotion de ventes de voitures et a un contenu essentiellement publicitaire, y compris sous forme rédactionnelle.
Il ajoute qu’en se fondant sur la circonstance que M. A était rédacteur en chef de ce site et qu’il avait rédigé lui-même divers articles.
Pour pouvoir être journaliste, l’intéressé doit travailler pour une publication en vue de l’information des lecteurs.
Or, la promotion publicitaire n’est pas de l’information.
Logiquement, le Conseil d’Etat refuse la carte de journaliste au « rédacteur en chef » de Webcarcenter.