En l’espèce, un agent administratif du département de la Haute-Marne n’avait pas rejoint le pôle technique dans lequel il était affecté au terme d’une période de congés.
Par courrier en date du 12 novembre 2009, le Président du conseil général l’a mis en demeure de justifier de son absence depuis le 26 octobre 2009 ou, à défaut de reprendre son service au plus tard le 18 novembre 2009, sous peine d’être radié des cadres de l’administration sans procédure disciplinaire.
La réponse apportée par l’intéressé par un courrier du 18 novembre 2009 ne comportait pour le Président du conseil général aucun élément de nature à justifier de son refus de rejoindre son poste.
Dès lors, par arrêté en date du 17 décembre 2009, ledit Président l’a radié des cadres.
L’intéressé a alors formé un recours de plein contentieux à l’encontre de cette décision et en a obtenu l’annulation par jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 octobre 2012 ainsi que la condamnation du conseil général à lui verser une somme de 25 000 €.
Le conseil général alors interjeté appel de ce jugement et sollicité le sursis exécution de ce dernier.
La Cour d’appel Nancéienne a tranché ces deux requêtes par un même arrêt.
La Cour a tout d’abord rappelé le principe selon lequel une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée à l’encontre d’un agent que si ce dernier a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu’il appartient à l’administration de fixer (voir notamment en ce sens CE, 11 décembre 1998, n°147511-147512).
En outre, la mise en demeure qui doit être un courrier écrit notifié à l’intéressé, doit l’informer du risque qu’il encourt d’une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable s’il ne se soumet pas à cette mise en demeure.
En ce domaine, la jurisprudence a également considéré que lorsque l’agent ne s’est ni présenté ni n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, l’administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé (voir notamment en ce sens CE, 10 octobre 2007, Centre hospitalier intercommunal André Grégoire, n°271020).
Les juges de la Cour administrative d’appel de Nancy ont relevé que l’intéressé n’avait accusé réception de la mise en demeure du département que la veille du jour fixé par l’administration pour reprendre son service.
Ce dernier a en outre indiqué à son administration dans son courrier de réponse du 18 novembre 2009 qu’il se trouvait dans l’impossibilité de reprendre ses fonctions en raison d’une panne de véhicule automobile.
Or, l’intéressé se trouve à une soixantaine de kilomètres de son lieu d’affectation, ainsi ce dernier à besoin d’un véhicule pour rejoindre son service.
A ce titre, la Cour d’appel de Nancy a considéré que l’intéressé avait fourni les raisons légitimes de son absence et manifesté sa volonté de ne pas rompre tout lien avec son administration.
Dès lors, la Cour a confirmé l’annulation de la décision attaquée.
Le raisonnement retenu peut à notre sens être généralisé.
En effet, il convient de considérer que tout dysfonctionnement, rendant inutilisable le véhicule utilisé par l’agent pour rejoindre son service est de nature à constituer un motif légitime d’impossibilité de reprendre ses fonctions.
Il convient toutefois à notre sens d’ajouter une condition à la validité de ce motif d’absence et de reprise du service : l’éloignement du domicile de l’agent par rapport à son poste de travail.
Assurément, si en l’espèce, le domicile de l’agent ne se serait trouvé qu’à une faible distance de son poste de travail, il n’est pas certain que la panne de son véhicule aurait constitué un motif légitime d’absence.
Il en serait pareil, toujours à notre sens et selon un raisonnement analogue, si l’utilisation du véhicule ne constitue pas un besoin pour l’agent mais seulement un choix de complaisance.
Malgré la confirmation de l’annulation contentieuse de la décision attaquée, sur le plan indemnitaire, la Cour a réformé le jugement contesté en considérant que le Tribunal administratif avait fait une évaluation excessive du préjudice de l’intéressé et a ramené ce dernier à 5 000 €.
Par voie de conséquence, la Cour a également rejeté les conclusions à fin de sursis à exécution formées par le département.
Références : CAA Nancy, 17 octobre 2013, Département de la Haute-Marne, n°12NC02040 ; CE, 11 décembre 1998, n°147511-147512 ; CE, 10 octobre 2007, Centre hospitalier intercommunal André Grégoire, n°271020
Discussion en cours :
Cher Maître LOUCHE,
Je découvre votre commentaire du 13 janvier 2014 sur le dossier C.A.A. NANCY 12NC02040 et 12NC02041.
Je suis l’agent précisément concerné par cette affaire de révocation m’opposant à l’administration du Conseil Général de HAUTE-MARNE : Alex MARECHAL.
Bien sûr, mon présent propos tardif ne viendra en rien changer votre brillante analyse. Et ce n’est d’ailleurs pas mon but.
Mais je n’ai pas résisté au besoin de vous préciser ceci : mon affaire dont vous vous êtes inspiré était beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Je ne sais d’ailleurs pourquoi les juges avaient accepté de retenir la panne de voiture, car j’étais aussi et surtout au moment de la décision de révocation du 17 décembre 2009, en arrêt de travail pour accident de service reconnu par arrêté. Cette révocation était bel et bien illicite en ce sens que j’étais victime d’un double accident de service ( 10 septembre 2008 puis encore 5 février 2009 ). D’ailleurs les juges qui ont annulé la révocation, avaient aussi ordonné la reconstitution de ma carrière en ces termes ( je cite ) : " Il appartiendra le cas échéant au Président du Conseil Général de la HAUTE-MARNE en cas d’annulation de la révocation décidée le 17 Décembre 2009, de prendre en compte les congés maladie pour la reconstitution de carrière de M. MARECHAL … ". Car il faut préciser que ce jour là, près de 10 dossiers étaient traités simultanément entre le CG52 et moi.
Voyez comme cette affaire est invraisemblable !
Aujourd’hui encore 14 septembre 2014, le Conseil Général condamné à reconstituer ma carrière en tenant compte des arrêts de travail, ne m’a toujours pas réglé intégralement et c’est une double ordonnance d’ouverture de procédures juridictionnelles qui a été prononcée le 26 mai 2014 par le Président du T.A. de Châlons pour faire exécuter les condamnations par l’administration récalcitrante.
Enfin cher Maître dernière précision, c’est 85 kilomètres ( et non 60 ) qui séparaient mon domicile de mon travail ( Bourmont Haute-Marne / Auberive Haute-Marne ). Mais quelle importance finalement ?
Merci. A votre disposition,
Respectueusement,
Signé Alex MARECHAL,