La demande en changement de nom pour motif légitime est une requête en apparence très simple à rédiger.
Cependant, le motif légitime n’est pas défini par les textes et il s’agit avant tout d’une construction jurisprudentielle.
Selon la jurisprudence, et à titre d’exemples, sont considérés comme un motif légitime :
la consonance étrangère d’un nom patronymique (CE 21 avril 1997 décision n° 160716) ;
l’intérêt légitime de l’enfant au regard notamment de la gravité des faits pour lesquels son père a été condamné et des conséquences que ces faits ont eu sur l’enfant (CE 4 décembre 2009 décision n° 309004) ;
un motif d’ordre affectif en cas de circonstances exceptionnelles tel que l’abandon brutal de l’enfant (CE 16 mai 2018, décision n°409656) ;
le désir d’harmoniser son nom avec celui d’autres membres de la famille ayant bénéficié d’un changement de nom définitif (CE 14 janvier 1976, décision n°95724) ;
lorsque le nom est menacé d’extinction (CE 19 mai 2004, n° 236470) ;
l’usage constant et continu du nom depuis au moins trois générations (TA Paris, 26 mai 2000 : D.2000. IR 269) ;
l’homonymie avec un terme péjoratif ou grossier (CE 6 avril 1979 : Lebon 738, CAA de Paris 20 septembre 2012, n°11PA05086).
En revanche, ne sont pas considérés comme un motif légitime :
le désir d’avoir le même nom de famille que son père ne constitue pas à lui seul un motif légitime (CE 16 mai 2018 n° 408064) ;
l’absence de tout lien de filiation entre le demandeur et son père biologique dont il voudrait perpétuer le nom (CE 19 février 2009 n°323510) ;
le fait pour le conjoint, dont l’intérêt légitime à changer de nom a été reconnu, de prendre définitivement le nom de son conjoint, ce nom n’étant qu’un nom d’usage prenant fin à la dissolution du lien matrimonial, sauf convention contraire entre les époux. (CE 18 novembre 2011 n°346670) ;
l’exercice d’une activité professionnelle (CE 12 mars 1999, n°179718) ;
les raisons de pure convenance personnelle (Circ. DACS, 17 févr. 2017, NOR : JUSC1701863C, BOMJ nº 2017-05, 31 mai).
Il convient donc de faire une analyse très précise de la jurisprudence, avant de procéder à la demande en changement de nom : en effet, une seule demande en changement de nom pour motif légitime peut être effectuée par personne. Il est très important de travailler le dossier en amont.
De plus, la définition du motif légitime étant jurisprudentielle, il est possible d’être créatif et d’ouvrir la voie à d’autres motifs légitimes que les motifs légitimes habituellement retenus.
Au regard de ce qui précède, prendre les services d’un avocat est plus que recommandé.
Il faut également savoir que la Direction des Affaires Civiles et du Sceau n’est pas joignable par téléphone.
Aucun délai légal n’étant imparti à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau pour rendre sa décision, les délais de traitement des dossiers de demande de changement sont souvent traités au-delà du délai raisonnable, comme le précise le Défenseur des droits dans sa décision du 4 décembre 2018 (Décision du Défenseur des droits du 4 décembre 2018, n°2018-252).
Le Défenseur des droits déplore que certains dossiers soient traités sur un délai pouvant atteindre six années, sans que le demandeur soit tenu informé de l’avancement de son dossier.
Si la demande de changement de nom n’est pas traitée dans un délai raisonnable, et après plusieurs relances restées sans effet, il est possible de saisir le Défenseur des droits qui se rapprochera de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau afin qu’elle rende sa décision.
La décision de la Direction des Affaires civiles et du Sceau est directement adressée au domicile du requérant, en LRAR, même si la demande en changement de nom a été introduite par un avocat.
Il est possible, en cas de refus, d’introduire un recours gracieux (attention le délai est de deux mois à compter de la décision de refus), ou un recours contentieux pour excès de pouvoir (le délai est également de deux mois). Il est recommandé d’introduire l’un, puis l’autre. La demande de changement de nom est alors réexaminée. Ces deux recours doivent cependant présenter des éléments nouveaux par rapport à la requête initiale.
Discussions en cours :
Bonjour Aude et merci pour votre article,
J’ai en effet déposé mon dossier par LRAR auprès du Ministère de la Justice en octobre 2018 concernant ma demande de changement de nom (motif lié à un nom difficile à porter pour connotation sexuelle). J’ai effectué une relance il y a deux mois, là encore par LRAR. Et à ce jour, aucune réponse.
C’est clairement compliqué à vivre, outre le fait de désirer modifier son nom en urgence, la démarche est onéreuse et fastidieuse, j’ai pris beaucoup de temps à monter un dossier complet, seule.
Que ce soit moi ou les autres demandeurs, nous n’avons aucun moyen de savoir où en est l’étude du dossier, aucun interlocuteur attitré, aucun retour. Rien. Ignorance absolu du citoyen.
J’ai tenté une approche avec le Défenseur des droits, mais j’ai abandonné faute de conviction envers l’administration française. A force, on perd patience et énergie.
Quels conseils auriez-vous afin d’accélérer ce procédé ?
Merci pour votre temps et votre empathie.
Cordialement, Laure
Chère Madame,
Je vous recommande la saisine du défenseur des droits afin de faire accélérer votre dossier.
Très cordialement.
Aude du Parc
Bonjour merci pour cet article. J’ai eu un refus de changement de nom pour une demande effectuée en 2011. Après plusieurs années d’attente et des relances j’ai eu un refus pour motif non légitime. A l’époque je pensais que la demande serait très simple. Mes parents venaient de se marier et je souhaitait porter désormais le nom de mon père comme ma mère l’avait obtenu en se mariant. Mais non refus, je porte toujours le nom de jeune fille de ma mère. J’ai pris un avocat et fait appel mais toujours refus car je pense que mon avocat n’avait pas l’habitude de ce type de dossier. Je voudrais juste adjoindre le nom de mon père à celui de ma mère et en nom patronymique car je l’ai déjà en nom d’usage mais celui ci ne se transmet pas à ma fille ni à ma future épouse qui désespère aussi de porter ce nom de jeune de fille de ma mère... quels conseils pouvez vous m’apporter ? Et je tenterai la procédure même s’il n’est soi disant possible qu’une seule fois de faire la demande. Cordialement
Cher Monsieur, pour vous apporter une réponse concrète, il faudrait que je puisse voir les pièces de votre dossier, notamment les pièces de procédure. Je suis à votre disposition. Bien cordialement Aude du Parc
Article très intéressant.
Je fais partie des personnes qui ont déposé leurs demandes sans aucune nouvelle depuis 6 années à part l’accusé de réception du dossier (papier de la poste).
J’ai déjà saisi les défenseurs de droit de l’Homme. Ils m’ont demandé des preuves de mes échanges avec la DACS car les accusés de réception ne suffisent pas. Or, comment obtenir une quelconque preuve supplémentaire si le service ne répond pas au téléphone, aux courriers de relance ainsi qu’aux messages envoyés sur le site internet (sans aucune copie envoyée par mail) ? On est face à un mur.
C’est également difficile de savoir la manière dont chaque dossier est instruit en lisant divers témoignages en ligne. En effet, certains obtiennent une réponse assez rapidement autour de 2 ans d’attente. Pour d’autres des pièces supplémentaires sont demandées. Pour les restes, il faut supporter le silence pendant des années sans possibilité de savoir où en est votre dossier.
Bonjour Maria, les accusés de réception suffisent, d’autant que vous ne devriez pas avoir à relancer la DACS. Il faut bien leur préciser que la DACS ne vous a jamais répondu. Bien cordialement. Aude du Parc