Le choix du bail emphytéotique pour l’installation de fermes de panneaux photovoltaïques.

Participant au phénomène de diversification des véhicules d’investissement, les projets récents de « fermes solaires » constituent sur le long terme une stabilité de rendement, et un pas vers la transition écologique.
C’est ainsi que de nombreux particuliers qui disposent de terrains susceptibles d’accueillir de larges surfaces de panneaux photovoltaïques sont sollicités par des sociétés qui leur propose de signer un bail emphytéotique.
Quels avantages ? Quels inconvénients ? Quels réflexes ? Comment procéder ?

L’énergie solaire, qu’elle soit exploitée et convertie en électricité sous la technologie thermique ou photovoltaïque, est une voie encore peu développée sur le territoire.

L’implémentation de nouveaux parc solaires, sur les terrains nus ou directement sur les toitures permettrait d’assurer la résilience énergétique nationale, à l’instar des grands plans de développement réalisés en Chine ou aux Etats-Unis.

Ces nouveaux projets d’investissement conduisent les propriétaires de terrain ou toitures à recevoir des sollicitations de la part d’entreprises qui cherchent à investir et accroître la production d’énergie solaire.

L’installation de ces parcs de panneaux photovoltaïques permet notamment aux détenteurs de valoriser leurs espaces, à court, moyen et long termes, en monnayant le droit d’accès et d’utilisation des sociétés d’exploitation.

De telles relations nécessitent toutefois un encadrement juridique adéquat. Si plusieurs schémas peuvent être envisagés, l’instrument le plus utilisé semble être le bail emphytéotique, notamment parce qu’il permet une bonne articulation des intérêts respectifs des parties.

L’enjeu est alors de présenter comment cette volonté d’accroître le nombre de panneaux solaires sur notre sol peut s’assortir d’un réel encadrement juridique avantageux, tant pour l’investisseur que pour le propriétaire du bien ou du terrain.

En ce sens, pourquoi l’outil du bail emphytéotique apparaît comme pertinent dans le cadre de l’installation des centrales solaires ? Quels écueils doivent néanmoins être évités ?

Qu’est-ce qu’un bail emphytéotique ?

Le bail emphytéotique est un contrat qui se distingue des instruments voisins en ce qu’il est prévu pour une durée particulièrement longue. Fonctionnant fondamentalement de la même manière qu’un contrat de bail classique, le bail emphytéotique est toutefois conclu pour une période allant de 18 à 99 ans.

En principe, le propriétaire du terrain ou du hangar destiné à l’installation des centrales solaires confère un droit d’usage au preneur, dit emphytéote, contre un loyer. Le contrat vise ainsi à régir l’articulation des droits et obligations des parties tout au long du bail.

A l’issue de la période prévue, aucune reconduction tacite n’est envisagée, et le bailleur peut opter pour une conservation des installations érigées sur son terrain ou bâtiment, sans qu’une indemnité supplémentaire ne soit due.

Une clause peut toutefois prévoir le contraire, mais à défaut, aucun recours n’est théoriquement possible pour obtenir le versement d’une quelconque indemnité. A l’inverse, si le bailleur souhaite retrouver son terrain à l’état d’origine, c’est au preneur d’assurer le retrait des installations à ses frais.

Un tel contrat confère un droit réel immobilier à l’emphytéote, pouvant pleinement faire l’objet d’une saisie ou d’une hypothèque. Cette dernière possibilité est en pratique une excellente garantie pour les établissements de crédit venant financer les projets d’installations solaires.

Plus encore, la possibilité de céder ce droit permet à certains opérateurs, spécialisés seulement dans la mise en place des centrales solaires, de revendre l’ensemble du matériel avec le droit d’exploitation assorti.

Les dispositions régissant les spécificités du contrat de bail emphytéotique sont prévues aux articles L451-1 à L451-13 du Code rural.

Un outil optimal pour les partenariats d’investissement en solaire.

Le bail emphytéotique est avantageux tant pour le bailleur que pour le preneur.

En effet, il est possible de prévoir finement les différentes clauses du contrat afin d’assurer la symbiose entre la valorisation d’un espace (terrain ou toiture), et la rentabilité d’un projet d’investissement à long terme.

En dehors des règles d’ordre public, il existe en effet une véritable liberté permettant aux parties de régir leur relation contractuelle comme elles le souhaitent.

Un tel contrat de bail nécessite toutefois une attention particulière quant à la définition des droits et obligations des parties, ne serait ce que pour éviter la requalification en une autre forme de contrat, avec les conséquences qui s’y attachent.

Les droits et obligations du propriétaire bailleur.

Sur toute la durée du contrat, le bailleur cède la jouissance du terrain ou de la toiture, contre un loyer. Comme précisé ci-avant, il récupère l’usage de son bien au terme du contrat, avec une possibilité de conserver l’ensemble des améliorations qui y ont été apportées par le preneur, et ce, sauf clause contraire, sans complément financier (droit de reprise).

Le droit de jouissance accordé nécessite d’être précisément délimité dans l’espace. Ainsi, une division du bien loué doit être effectuée par volumes. Dans le cadre d’une installation sur un terrain, le propriétaire accordera un droit sur le sol et tout ce qui pourra être érigé dessus.

Dans le cadre de la pose de panneaux photovoltaïques sur le toit d’un hangar par exemple, le droit de jouissance concernera l’espace de la toiture et tout ce qui est au-dessus de cette dernière, permettant au propriétaire de conserver l’usage du dessous.

Egalement, la clause de prix revêt une importance particulière, puisqu’il est primordial de fixer le montant et les modalités de paiement du loyer perçu. A ce titre, les loyers sont indexés, et peuvent faire l’objet d’un versement annuel ou unique.

Pour cela, il est essentiel de connaître les pratiques du secteur.

Les droits et obligations du preneur emphytéote.

Le preneur n’est pas considéré comme un simple locataire, notamment en raison du droit réel conféré sur le bien. La longue durée pour laquelle le contrat est prévu renforce l’aspect de « quasi-propriétaire » de l’emphytéote.

En contrepartie du loyer, qu’il est tenu de s’acquitter dans les modalités et délais prévus par le contrat, ce dernier dispose d’un droit de jouissance bien défini.

Pour assurer la bonne exécution du contrat, il est nécessaire d’envisager à sa conclusion l’ensemble des dispositions spécifiques à son fonctionnement, et notamment pour l’accès aux installations. A ce titre, il est parfois nécessaire de prévoir des servitudes de passage indispensables à la réalisation de l’exploitation.

Le preneur ne peut dénaturer ou affecter profondément le bien laissé à bail sans un accord du propriétaire. Logiquement, il ne peut pas non plus détériorer le bien loué. A l’inverse, il peut effectuer toutes les améliorations du fond librement, même si elles ne sont pas envisagées dans le bail.

Dans le cadre du développement d’une centrale solaire, toutes les frais d’installation ou de réparations portant sur les panneaux photovoltaïques et leur structure sont à la charge du preneur, sauf dans certains cas spécifiques.

En tout état de cause, si le droit réel consenti au preneur lui accorde le droit de le démembrer (procéder à une sous location, accorder des servitudes, hypothéquer, ou vendre ses prérogatives d’emphytéote), il ne peut pas vendre le bien ou terrain loué.

Un instrument adapté à utiliser correctement.

Tout partenariat entre un propriétaire de terrain et un investisseur en parc solaire peut ainsi être encadré par un bail emphytéotique, qui se révèle être un instrument pertinent dans l’organisation de telles relations.

En effet, un projet de développement d’une centrale solaire est envisagé sur le long terme par l’investisseur, et nécessite une prévision sur plusieurs dizaines d’années pour atteindre un niveau de rentabilité suffisant. A titre d’exemple, la durée moyenne des baux emphytéotiques concernant les projets de solaire varie entre 25 et 30 ans.

L’outil permet au propriétaire de n’avoir à se soucier d’aucune question relative aux travaux d’installation, réparation ou gestion des systèmes de production durant toute la durée du bail.

Cette tranquillité se retrouve en ce qui concerne l’obtention des diverses autorisations administratives associées à un tel projet. En effet, toute construction de centrale solaire suppose le dépôt d’un dossier auprès de la mairie ou de la préfecture, et de se conformer aux règles prévues par le Code de l’Urbanisme. S’agissant plus particulièrement de l’énergie, une autorisation spécifique est requise lorsque l’installation dépasse un certain seuil de production.

Tout cela est généralement pris en charge par le preneur à l’origine de la sollicitation, même s’il est bon de le prévoir explicitement dans le contrat.

La valorisation du bien ou terrain est facilitée par le paiement du loyer.

En somme, le bail emphytéotique peut offrir un cadre propice à l’articulation des prérogatives de chacune des parties, et assure l’équilibre entre les intérêts de rentabilité de l’investisseur, et de valorisation du bien ou terrain du propriétaire.

La fiscalité du bail emphytéotique.

Quelques spécificités sont à prendre en compte en matière fiscale lors de la conclusion d’un bail emphytéotique. En effet, en vertu des articles 689 et 742 du Code général des impôts, l’acte constituant le bail emphytéotique est assujetti à la taxe de publicité foncière, au taux spécifique de 0,7%.

La taxe porte sur le plus haut montant entre le prix exprimé augmenté des charges infligées au preneur, et la valeur locative réelle des biens ou terrains loués. Elle est due sur le montant cumulé de toutes les années à courir.

Si un droit de reprise est prévu au sein du bail, après un délai de 20 ans au moins, les constructions ne sont pas prises en compte dans l’assiette de la taxe.

Toute autre transmission ou mutation des droits du propriétaire sont imposées conformément à une vente ordinaire, et doivent faire l’objet d’une estimation commune entre les deux parties (notamment concernant la valeur des biens ou droits cédés).

La conclusion du bail emphytéotique.

S’agissant particulièrement de la conclusion du bail emphytéotique, les sociétés investissant dans des projets de fermes solaires assortissent leur demande d’un contrat prérédigé, et dont il ne manque que la signature du propriétaire pour être parachevé.

De tels contrats d’adhésion comprennent souvent des clauses avantageuses pour ces sociétés, qui méritent d’être négociées. En ce sens, l’assistance d’un avocat peut s’avérer nécessaire pour assurer l’équilibre du contrat, et satisfaire au mieux les intérêts du propriétaire du terrain.

Il convient ensuite de préciser que le recours à un notaire est obligatoire. En effet, un tel instrument conférant un droit réel au preneur, le notaire doit nécessairement intervenir.

Un bail emphytéotique doit également faire l’objet d’une publication au bureau des hypothèques.

Pour être valable, le bail emphytéotique doit prévoir précisément, outre les mentions obligatoires classiques à tout contrat, les conditions de durée dans les limites posées par les textes (i.e. entre 18 et 99 ans), sans tacite reconduction.

Également, l’acte établissant le contrat de bail emphytéotique doit faire l’objet du paiement de la taxe de publicité foncière au taux spécifique de 0,7%.

Enfin, si le bien ou terrain consenti à bail appartient à une collectivité territoriale ou à tout établissement public, certaines particularités sont à envisager lors de la conclusion du bail emphytéotique. En effet, il prendra alors la forme de BEA (bail emphytéotique administratif), régi par les dispositions de l’article L13112 du Code général des collectivités territoriales.

Conclusion.

En somme, aussi adapté que soit le contrat de bail emphytéotique aux partenariats entre propriétaires et investisseurs en installations solaires, il n’en demeure pas moins un instrument juridique complexe.

Il est fortement recommandé de faire appel à un conseil pour organiser la conclusion d’un tel accord.

Plus que d’orienter la rédaction de l’acte pour satisfaire au mieux les intérêts des parties, une accompagnement est important pour éviter que le bail emphytéotique soit par la suite requalifié en bail ordinaire ou bail commercial, et pour permettre au propriétaire de terrain de bénéficier des garanties et avantages qui s’attachent à ce type d’opérations.

Charlyves Salagnon,
Avocat Associé (Cabinet BRG Nantes-Paris)
Avocat au Barreau de Nantes
salagnon chez brg-avocats.fr

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