La prise en compte des preuves est chose opportune à la manifestation de la vérité. Tout mode de preuve est admis en vue de manifestation de la vérité en droit pénal [1].
En revanche, toute preuve obtenue par violence ou fraude ne doit être admis comme pièce à conviction devant une juridiction. De plus dans la quête de la vérité, toute preuve doit être communiquée à la partie adverse afin de faire ses observations.
La recherche inlassable de la vérité a conduit les sociétés à adopter des stratégies philosophiques idoines permettant la manifestation de la véracité des faits. Cette procédure de quête de vérité peut être écrite ou orale. Lorsqu’elle est orale, toute personne intéressée dans la procédure est tenue de prendre parole selon la procédure. Les débats sont conduits par le président. Lorsqu’une partie a cité un témoin, ce dernier doit faire l’objet d’une éventuelle interrogation par toutes les parties afin d’éviter la « férocité judiciaire » et « l’erreur judiciaire ». La violation de cette règle peut entrainer des recours.
L’audition d’un témoin par la partie qui l’a cité est qualifiée d’« examination in chief » et/ou « ré-examination », l’opposé de « cross-examination ». Ce dernier est un pilier de la procédure accusatoire et se fait selon l’article 373 après déposition d’un témoin d’une partie adverse. En outre, cette procédure s’impose à certains tribunaux de droit commun à l’exception du tribunal administratif et à d’autres juridictions d’exception. Elle permet le respect de nombreux droits fondamentaux « constituant le soubassement de tout procès respectueux des droits de l’homme ».
La libre discussion des preuves ainsi que l’audition contradictoire des parties et des témoins par l’accusation ou par la défense s’inscrivent parfaitement dans ce modèle nouveau de justice inspiré du modèle anglo-saxon de due process of law. On comprend dès lors que la philosophie du droit voudrait que le positivisme juridique en la question soit pris en compte afin de permettre à l’usager de la justice d’avoir confiance en ce service public et de faire jaillir la vérité.
I- L’interrogatoire par la partie adverse d’un témoin.
Le témoin est toute personne appelée en justice pour certifier, raconter un fait où elle était présente ou encore un simple particulier invité à déposer, dans le cadre d’une enquête ou sous la forme écrite d’une attestation, sur les faits dont il a eu personnellement connaissance, après avoir prêté serment de dire la vérité. Lors d’un procès toute personne peut être appelée à témoigner, à réciter sa version des faits, ce qu’il a vue, entendu, et vécu le plus souvent. On ne demande au témoin que d’être précis, puisque ce sont des faits qu’il s’agit de rendre compte.
A- Les personnes habilités a être témoin.
Le droit processuel camerounais a connu une dynamique. Depuis l’adoption de la loi n°2005/007 du 29 décembre 2005 du Code de procédure pénale de la république du Cameroun, entré en vigueur en 2007. Il permet aux parties à citer des personnes susceptibles de faire jaillir la vérité, car le plus souvent avoir été sur les lieux des faits. Le témoin doit être cité à personne ou à parquet. Il peut s’agir de la victime elle-même ou la partie défenderesse et biens d’autres personnes ayant assisté aux faits, la fabrication des faits par un témoin est sanctionnée par la loi.
1- La qualité de témoin.
L’attestation des faits par une personne en procédure pénale se fait devant l’officier de police judiciaire, le procureur de la république, le juge d’instruction et le juge de jugement. Le témoignage est soumis à un formalisme juridique fondamental qui lui accorde une force probante. Pour être valable, il doit en principe être orale et doit être précédée de la fameuse formule contenue à l’article 183 alinéa 2 en levant la main droite « je jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ».
En droit pénal camerounais, tout individu ayant 14 ans peut être cité comme témoin devant une juridiction pénale et doit prêter serment avant de le faire. Le mineur de moins de 14 ans peut aussi le faire mais sans serment. La victime est le premier témoin de l’accusation. La personne poursuivie si elle le désire, peut être entendu comme témoin à condition qu’elle dépose sous serment.
D’autres personnes peuvent aussi témoigner en justice à condition que leur témoignage soit direct. Autrement dit, le témoignage doit émaner de celui qui a vu les faits, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être vu, de celui qui l’a entendu, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être entendu, de celui qui l’a perçu, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être perçu par tout autre sens, de son auteur s’il s’agit d’une opinion. Toutefois, en cas d’assassinat, de meurtre ou de coups mortels, la déclaration verbale ou écrite de la victime relative à son décès est admise en témoignage.
Attendu que toute règle à une exception, la qualité de témoins est refusée à certains individus. Les proches des parties au procès c’est-à-dire les descendants, les ascendants et alliés au même degré. En revanche peuvent être entendu à titre de simple renseignements, sans prêter serment.
2- Les avantages et les inconvénients du témoin.
Le témoignage est facultatif et obligatoire en même temps. Lorsqu’un témoin est requis par le ministère public ou la juridiction, il doit se présenter sous peine des sanctions. Selon une formule de Bentham, les témoins sont « les yeux et les oreilles de la justice ».
Une personne convoquée à témoigner qui refuse de se présenter, l’article 188 alinéa 2 du Code de procédure pénale camerounais donne la latitude au juge d’instruction de décerner contre lui mandat d’amener.
De plus le législateur camerounais constatant l’irrécusabilité du témoignage dans la manifestation de la vérité, se situe dans une posture contraire fasse au faux témoignage en le condamnant sévèrement. Il ira encore plus loin en frappant sévèrement le faux serment. Tout témoin n’est pas laissé à la merci de la justice.
La force probante du témoignage a permis au droit positif de lui accorder une valeur.
Lorsqu’une personne est requis par le procureur de la république pour la manifestation de la vérité, selon l’article 138 alinéa 3 du CPP doit être indemnisée selon la loi en vigueur. En outre, tout témoin a droit à une indemnisation. La cross examination [2] donne à l’avocat adverse l’occasion de poser ces questions au témoin de la partie opposée.
B- La recherche de la vérité par la partie adverse.
L’avocat est le représentant d’une partie au procès. Il peut agir en ses lieux et places. Il a pour but la défense des intérêts de son client. Il est rémunéré par celui qui sollicite son service. Il est ténu à l’obligation des moyens. Pendant cette procédure, il pose des questions à la partie adverse même celles dilatoires ou insensées.
1- L’interrogation du témoin cité par l’autre partie.
« L’écrit n’est qu’un avatar de la parole » a dit un jour, un grand plaideur, reprenant Goethe. Lorsqu’une personne cite un témoin, tout individu concerné dans la procédure peut lui poser des questions. Dans la plupart des cas, l’avocat étant le conseil d’une partie, prend la parole à la place de son client.
Pendant l’audience, le président assure la tenue et dirige les débats entre les parties. Pour jaillir la vérité par exemple sur les faits d’une rixe qui se transforme en une infraction de coups avec blessures graves ou simples ou encore légère voire mortels voire l’infraction de détournement des biens publics. Le président conduit les débats en donnant éventuellement la parole en prémices au ministère public afin d’interroger le témoin de l’accusation, qui a assisté aux faits. Par la suite hic et nunc au défenseur du prévenu de procéder à l’examen contradictoire, pour tenter d’entamer la crédibilité de la déposition.
2- La latitude de poser les questions insidieuses.
La politique de la contre interrogatoire voudrait qu’il n’y ait pas d’embargo lorsque la partie adverse procède à la cross examination. Ainsi, les auditions des témoins qui sont rédigées par la police sous forme de récits n’ont pas valeur de preuve car, ce sont des simples renseignements comme on l’a vu, ce qui a été transcrit au moment de l’enquête doit être oralement confirmé par le témoin au moment du procès.
Lors de la cross-examination, la loi permet à la partie adverse de poser toutes questions utiles à la manifestation de la vérité. En revanche, le président peut écarter des débats les questions qu’ils jugent indécente, offensante, scandaleuse, ou insidieuse ou encore qui font prolonger inutilement les débats en faisant mention dans le plumitif. Des questions insidieuses peuvent être posées pendant la cross-examination. A priori, cette possibilité d’évasion qui est donnée à la partie adverse a pour objectif d’extirper la vérité.
II- La fonction judiciaire de la cross-examination.
L’entrée de la cross-examination dans les juridictions pénales camerounaises a permis aux manipulateurs du dispositif juridique de pouvoir enfin retrouver leur place au sein des juridictions. Cette méthode vise plusieurs objectifs. Elle assure la manifestation de la vérité tout en respectant les principes directeurs du procès pénal.
A- Les objectifs recherchés.
Lors du contre interrogatoire, plusieurs objectifs sont visés par le concepteur de la règle juridique. A cet effet, le législateur en implémentant cette pratique, voudrait sonner le glas des lamentations judiciaires avec une garantie nouvelle et indispensable d’une bonne justice.
1- L’installation du doute dans l’esprit du juge.
Pour le Professeur Georges Wiederkehr, le critère de l’accomplissement d’actes juridictionnels est insuffisant pour définir le juge. Il souligne mordicus : « dire qu’est juge celui qui juge » ne peut non plus permettre de cerner la notion. Enfin de compte, selon cet auteur, ce qui fait le juge, ce n’est pas seulement qu’il soit celui qui juge un litige, seul ou en collégialité, mais celui qui décide « selon les lois » et fixe le droit.
Le doute est un état d’incertitude, un état de l’esprit qui est incertain de la réalité d’un état de fait, de la vérité de paroles, de la conduite à adopter dans une circonstance. Il est considéré comme une réserve qui empêche de se prononcer.
Selon Descartes c’est une attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même.
En outre, c’est un état de quelqu’un qui ne sait que croire, qui hésite à prendre parti.
Un principe de droit voudrait que « le doute profite à l’accusé ». Autrement dit, c’est un principe selon lequel l’absence de preuve formelle de culpabilité du prévenu doit entrainer la relaxe de ce dernier. Le droit positif dispose que « la charge de la preuve incombe au demandeur », c’est-à-dire que toute personne accusée d’avoir enfreint les dispositions légales en vigueur doit être prouvée. Elle est considérée comme une conception juridique et éthique désormais consubstantielles de la vie en société et du droit.
2- La destruction de la thèse de la partie qui l’a cite (332 cpp).
Une série des questions sont posées au témoin selon le canevas de la procédure. La cross-examination vise à affaiblir, modifier ou détruire la thèse de la partie adverse voire suscité du témoin de la partie adverse des déclarations favorables à la thèse de la partie qui procède à la cross examination.
La cross-examination vise affaiblir, modifier ou détruire la thèse de la partie adverse et à susciter du témoin de la partie adverse des déclarations favorables à la thèse de la partie qui procède à la cross-examination. Elle est une occasion de monter le dossier de votre client avec « l’aide » d’un témoin adverse. Il existe un contre interrogatoire constructif et déconstructif. Le premier est pour construire la théorie de votre client sur l’affaire et le deuxième consiste à nuire la crédibilité d’un témoin.
Plusieurs avocats s’aventurent à contre interroger le témoin de la partie adverse de peur d’être accusé de ne pas faire son travail. Habituellement, les avocats qui « s’envolent » lors d’un contre-interrogatoire sont inefficaces ou pire deviennent victimes de leurs propres turpitudes. Pour ne pas saper certains témoignages utiles, il faut comme l’a dit un jour Yogi Berra « si vous ne savez pas où vous allez, vous vous retrouverez ailleurs ». Assurez-vous de savoir où vous allez.
Marcus Tullius Cicero a exprimé un point de vue sceptique sur l’art du contre interrogatoire dans l’une de ses lettres :
« ... Rien de ce qu’un avocat fait n’est simple, mais de toutes les choses qu’un avocat doit faire, de loin la plus difficile, la plus complexe et la plus subtile est le contre interrogatoire. Le talent de contre-interroger est une denrée rare. Pas plus de trois avocats dans tout Rome l’ont, et parfois je me demande si moi-même je suis l’un d’entre-deux ».
La manifestation de la vérité est aussi l’un des piliers de la cross examination. La vérité dont il est question céans est la « vérité juridique ». Pour Hélie, la procédure pénale n’a qu’un but, la recherche de la vérité, ce qui amener Bentham à affirmer sans ambages que, le juge n’est que l’ami de la vérité.
B- Le respect des principes directeurs du procès pénal ou droits de la défense.
Les principes directeurs constituent des règles de droit qui dominent et dirigent la procédure pénale. Ces principes ont pour point commun d’être protecteurs de la personne poursuivie et de la victime car encadrant la puissance publique tout au long de la procédure pénale.
1- La présomption d’innocence.
L’arrivé de la présomption d’innocence comme l’un des principes directeurs faramineux en procédure pénale a sonné le glas de la présomption de culpabilité. Selon le droit processuel, l’innocence est présumée avant toute condamnation.
En cas de doute sur la culpabilité d’une personne poursuivit, il serait judicieux de le relaxer. Les auteurs justifient systématiquement cette solution par l’invocation de cette maxime tirée du corpus juris civilis de justinien : Satius enim esse impinitum relinqui facinus nocentis, quam innocentem damnare, que l’on traduit par : « il vaut mieux laisser échapper un coupable que de condamner un innocent ». C’est ce qui a été prouvé dans beaucoup des affaires.
En effet le législateur à travers ce principe fort « quasiment irréfragable » faire comprendre que c’est grand principe même selon les termes de Claude Lambois vous « n’allez pas le croire, ou pas trop vite ». En outre, elle renvoie à la procédure d’administration des preuves évoquée supra.
2- L’application du principe du contradictoire et le respect de l’équilibre entre les parties.
Le principe du contradictoire est un principe général existant dans toute procédure qu’elle soit civile, pénale, disciplinaire ou administrative. Certaines ambiguïtés empêchent de donner une définition précise du principe du contradictoire
Il est un principe selon lequel toutes les parties d’une procédure judiciaire doivent : avoir connaissance de la procédure, avoir connaissance de l’ensemble des arguments discutés, avoir connaissance de toutes les pièces versées au dossier, pouvoir débattre librement du procès.
Une obligation légale s’impose lors d’un procès qu’« aucune partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Ce qui voudrait que toute personne appelée en justice ait le moyen de discuter les charges portées contre elle. Considéré par la doctrine et la jurisprudence comme un principe général de droit applicable à toutes les juridictions et dans toutes les phases de la procédure, veut dire que le juge ne peut statuer sans que les parties n’aient pu faire valoir, dans la liberté et l’égalité, tous les moyens aptes à soutenir leurs prétentions. C’est dans cette voie que s’est engagé le législateur en développant un principe dit d’« égalité des armes » entre parquet, victime et personne poursuivie.
L’évasion de la cross-examination du droit anglo-saxon à d’autres droits est considérée comme une éventuelle révolution juridictionnelle apportant quelques ingrédients à la justice pénale camerounaise. Elle est une grâce du législateur permettant à tout justiciable de se faire entendre pendant le procès et donne la possibilité aux parties de se confronter mutuellement. Cette technique offre l’occasion tant rêvé aux usagers du service judiciaire de faire jaillir la vérité devant la barre tout en prenant compte des principes directeurs du procès. De surcroit, « le juge décide d’après la loi et son intime conviction ».
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