L’accès à la connaissance juridique a rapidement évolué depuis 20 ans. Nombre de fonds passent d’un obscur oubli à une lumière qui éclaire la richesse de leurs contenus. Il était temps, car pour nombre de sciences humaines, la part du débat et des argumentaires scientifiques était en plein déclin au bénéfice des données brutes.
Cette mutation prend sa source dans la progression constante de l’exigence de l’ouverture de l’information scientifique menée par les autorités de l’Union Européenne, amorcée à l’aube du siècle par le Budapest Open Access Initiative [2]. Son credo : Internet favorise le partage ouvert de la recherche scientifique pour le monde entier. Sur pratiquement tous les continents, les communautés scientifiques ont développé ce mouvement.
- Jean Gasnault
Le Ministère français de la Recherche lance son deuxième plan pour la science ouverte [3] incitant tous les chercheurs (doctorants, docteurs, universitaires et enseignants) à rendre consultable le texte intégral de tous types de travaux de recherche : articles de revues scientifiques, production destinée à des mélanges, séminaires/colloques et… thèses. Dans le même temps, plus de 100 universitaires des sciences juridiques ont unis leurs forces pour revaloriser les thèses et la recherche dans leur discipline [4].
Les docteurs avaient déjà l’obligation de déposer dans la bibliothèque universitaire de leur établissement de soutenance un exemplaire de leur thèse. Au gré de l’évolution des supports, ce dépôt consiste en un enregistrement numérique de la version de soutenance, consultable dans l’intranet de l’Université [5].
Les docteurs sont désormais incités à opérer ce dépôt du texte intégral de la version de soutenance dans une archive publique « ouverte ». HAL (Hyper Article en Ligne) [6] constitue le lieu numérique le plus fréquenté et utilisé. Les services communs de documentation des universités proposent leur aide aux docteurs pour pratiquer ce dépôt et ont mis à leur disposition plusieurs tutoriels en ligne à cet effet.
L’université de Rennes a même mis en place un site pour expliquer les avantages de ce dépôt [7]
Le dépôt garantit la preuve d’antériorité de la thèse, il rend possible la mise en œuvre de systèmes de détection de plagiat. De fait une thèse non diffusée et gardée secrète est bien plus facile à piller sans laisser de traces.
Le dépôt va aussi enrichir la thèse d’informations bibliographiques normalisées qui vont favoriser rapidement son référencement numérique et la qualité de sa citation.
Les moteurs de recherche les plus connus (Google et Google Scholar, PubMed et PubMed Central, BASE Université de Bielefeld – Allemagne, etc.) indexent ces archives. Il existe par ailleurs un moteur de recherche français spécialisé pour tous les travaux de recherche scientifique : Isidore. Ainsi ces moteurs indexent les travaux des jeunes chercheurs/chercheuses et favorisent leur visibilité en ligne.
Pour le droit, divers acteurs soutiennent la science ouverte en signalant sur leurs sites les thèses les plus remarquables. La Grande Bibliothèque du Droit et le Barreau de Paris a ouvert une collaboration avec l’Association des Avocats Docteurs en Droit. L’association Open Law a créé le prix Open Thèse [8] avec le soutien de partenaires éditeurs, de sociétés de services ou d’associations. En effet, contrairement à une idée reçue, le monde de l’édition n’est pas foncièrement hostile à la science ouverte. Cette dernière peut même servir à valoriser les productions éditoriales.
Autre idée tenace à combattre [9] : le dépôt ouvert ne nuit pas à la carrière universitaire ou de chercheur. Au contraire. Le CNRS a fait savoir dernièrement qu’il exigeait de ses chercheurs un dépôt systématique de leurs travaux en archive ouverte pour leur évaluation [10] « Toutes les productions citées dans les dossiers d’évaluation doivent être accessibles dans HAL ou éventuellement
dans une autre archive ouverte ».
La table-ronde qui s’est tenue lors des Rendez-vous de la transformation du droit en novembre 2021 au Palais des congrès à Paris va dans le même sens [11]. Comme l’annonce le président du CNU section public, M. Loïc Grard, professeur à l’université de Bordeaux : "Les cartes sont réellement rebattues".
Pour l’auteur d’une thèse, le libre accès au texte intégral permet plus de visibilité, plus de contacts et la création d’un dialogue sur ses travaux. Il partage ses connaissances et contribue à la qualité des productions des professionnels du droit. Tout le monde y gagne en définitive.
Coup de cœur au Village...
Pour illustrer les propos qui précèdent, nous vous conseillons la websérie "Coup de toner à l’université sur la science ouverte". On a bien aimé et en plus on a tout compris ! Quatre épisodes consacrés à la promotion de la science ouverte et à la publication des thèses réalisés par l’université Toulouse 1 Capitole. Ici l’épisode 1 :