Le 23 août 2021, le consul général de France prenait un refus de délivrance d’un visa de long séjour pour études, notifié quelques jours plus tard lors de la remise du passeport, aux motifs que le demandeur n’avait pas présenté d’éléments suffisants permettant à l’autorité consulaire de s’assurer que son séjour en France à des fins d’études ne présenterait pas un caractère abusif, et que les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour étaient incomplètes et/ou pas fiables.
Le requérant a souhaité contester cette décision, dans la mesure où la rentrée scolaire était prévue le 21 septembre 2021, et qu’un retard au-delà du 5 octobre 2021 entraînait une radiation de l’inscription.
En matière de refus de visa, conformément aux dispositions des articles D312-3 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la saisine la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France constitue un préalable obligatoire à l’introduction de tout recours contentieux contre une telle décision. Ce dernier pouvant ensuite être formulé contre la décision rendue par la commission ou, à défaut de réponse sous deux mois après la saisine, contre la décision implicite de rejet qui en résulte.
Mais, en matière de visa étudiant, vu l’urgence, il est possible d’intenter concomitamment une action devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui dispose d’une compétence exclusive pour l’ensemble du contentieux de refus de visa.
Quel référé ?
En règle générale, dans le cadre du contentieux visant un refus de visa aux fins d’études, le tribunal sera saisi en urgence au moyen d’un référé-suspension, formulé au titre de l’article L.521-1 du Code de justice administrative. Il appartient au requérant de démonter l’urgence de la situation et d’exciper des moyens laissant entrevoir un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée : défaut de motivation, erreurs de droit, erreurs de fait, … Dans ce cadre, le juge statue « dans les meilleurs délais », souvent un dizaine de jours. Il peut suspendre l’exécution de la décision litigieuse, et ordonner des mesures provisoires, telles que la délivrance d’un visa aux fins d’entrée.
Le juge administratif a ainsi admis que le fait d’être empêché de suivre en France un cursus universitaire ou des études porte une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant de nature à caractériser une situation d’urgence : « eu égard à la proximité du commencement des cours que le requérant souhaite pouvoir suivre, la condition d’urgence est, en l’espèce, remplie » [2] et « même si le cycle d’études pour lequel le visa a été sollicité est commencé, les circonstances particulières de l’affaire rendent nécessaire un réexamen à bref délai de la demande de Mlle G. que la condition d’urgence peut ainsi être regardée, en l’espèce, comme remplie » [3].
A noter que l’introduction d’un tel recours, fondé sur un motif d’illégalité, doit obligatoirement être précédée du dépôt d’une requête en annulation, sur laquelle il sera également statué dans les meilleurs délais.
Afin d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration publique aurait, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, porté une atteinte grave et manifestement illégale, l’article L.521-2 de ce même code prévoit que le juge doit statuer dans un délai de quarante-huit heures : c’est le référé-liberté. Ici, l’urgence à mettre un terme à la situation litigieuse se comprend au regard des enjeux. La décision n’est plus seulement présumée illégale, elle porte atteinte à une liberté fondamentale. Telle est alors la condition impérative à démontrer.
En ce qui concerne les décisions de refus de délivrance d’un visa de long séjour aux fins d’études, les effets sur les conditions d’accès à l’instruction sont immédiats.
Or, l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction et à la formation professionnelle est réaffirmé en tant que « principe particulièrement nécessaires à notre temps » par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.
Par une ordonnance n° 1903428 du 4 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant au titre de l’article L521-1, avait ainsi fait droit à l’invocabilité du droit à l’éducation et au principe d’égal accès à l’instruction, consacrée au niveau législatif par son insertion aux articles L111-1 et suivants du code de l’éducation. Laquelle ordonnance fût validée par le Conseil d’État [4], alors saisi d’un recours en annulation par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
En outre, le droit a l’éducation est réaffirmé au niveau international par, notamment l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), qui dispose que « Toute personne a droit à l’éducation » ; l’article 2 du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales tel qu’amendé par le protocole n° 11, intitulé « Droit à l’instruction », et qui dispose que « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction » ; l’article 14 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui dispose que « Toute personne a droit à l’éducation, ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue ».
Mais, l’invocation d’une liberté fondamentale à sauvegarder est une condition substantielle de la recevabilité d’un tel recours fondé sur l’urgence.
Ce que rappellera alors le tribunal administratif de Nantes : « Lorsqu’un requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l’article L521-1 du Code de justice administrative mais sur la procédure de protection particulière instituée par l’article L521-2 de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L521-2 soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. »
Or, en matière d’éducation, à ce jour, seule la liberté d’enseignement est une liberté fondamentale reconnue comme telle par le conseil d’Etat et invocable à ce titre à l’appui d’un référé-liberté [5].
Faisant une stricte appréciation de ces dispositions, le tribunal administratif de Nantes énoncera alors que « le droit de venir suivre une formation en France n’est pas par lui-même constitutif d’une liberté fondamentale. Il suit de là qu’un refus de visa pour venir étudier en France, en dehors de circonstances particulières qui feraient intervenir la sauvegarde d’une liberté fondamentale, n’est pas constitutif d’une atteinte à cette catégorie spécifique de liberté dont la sauvegarde est susceptible de donner lieu au prononcé de mesures sur le fondement de l’article L521-2 du Code de justice administrative ».
Et le tribunal de rejeter la requête pour ce motif.
En cette matière, il est important de consulter son avocat sans attendre, dès la notification du refus, afin qu’un référé-suspension puisse être formé dans les temps auprès du tribunal administratif.
Car, en l’état actuel du droit, sauf à espérer la consécration d’une liberté fondamentale nouvelle - sait-on jamais - un référé-liberté en matière de refus de visa aux fins d’études a peu de chance de prospérer.