Focus sur les conclusions du baromètre EQUANIM – LAMY LIAISONS 2024 du coût de la conflictualité inter-entreprises.
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Imaginé par Equanim International, avec le soutien de Lamy Liaisons, le baromètre 2024 du coût de la conflictualité interentreprises a été établi par le Professeur d’économie du droit Bruno Deffains (Université Panthéon-Assas). Au-delà de cette quantification inédite, l’étude conduit à réfléchir au rôle moteur de la médiation dans la préservation ou la création de valeur rendue possible par la résolution amiable des conflits dans les relations interentreprises.
Les relations informelles, sources de valeur économique
La médiation, facteur clé de la relance économique ? En permettant de restaurer ou améliorer les relations informelles entre les parties, la médiation se révèle véritablement génératrice de valeur pour les entreprises. Stimulant la créativité des parties dans la recherche d’accords mettant fin à une situation conflictuelle, elle favorise le recours aux contrats dits relationnels (i.e. ceux qui visent à organiser une relation économique durable entre des agents juridiquement autonomes) dans le règlement des différends. Or, ces derniers se révèlent souvent bien plus efficients que des accords purement formels, dans lesquels l’autonomie des parties demeure limitée.
Et si l’intérêt pour la médiation connaît actuellement un fort regain, l’autonomisation des acteurs économiques dans le règlement des différends qu’elle promeut n’est pas récente. Au Moyen Âge, dans le commerce méditerranéen et la ligue hanséatique, des systèmes propres aux marchands et commerçants, comme les guildes marchandes ou la justice des foires, ont été institués afin de leur permettre de gérer de façon pragmatique et autonome les contentieux nés de leurs activités.
La confiance : moteur de la croissance économique - Dès 1970, l’économiste George Akerlof [1] l’avait déjà démontré : les garanties informelles, comme la confiance, sont indispensables aux échanges et à la production. Sans elles, les transactions sont freinées. Cette vision a évolué vers une approche positive, mettant en lumière les bénéfices de la confiance pour les performances économiques des nations, comme le souligne également Eloi Laurent [2].
Depuis les années 1990, de nombreuses études confirment ce lien, démontrant que la confiance stimule la participation aux associations professionnelles ainsi que la satisfaction envers le système judiciaire, et améliore les indicateurs économiques (La Porta et al.,1997). D’autres travaux prouvent une corrélation claire entre la confiance, la croissance par habitant et le taux d’investissement (Knack et Keefer, 1997).
Et tout cela influe positivement sur l’entrepreneuriat ! Une étude de 2006 (Guiso et al.) révèle ainsi que plus de confiance signifie plus d’entrepreneurs, quand une autre, datée de 2018, établit un lien entre confiance, revenu et entrepreneuriat (Falk et al.). Bref, la confiance est un ingrédient clé du succès économique.
Des relations interentreprises apaisées : facteur de compétitivité pour les ETI et PME
La création de valeur engendrée par un recours accru à la médiation, en plus de la baisse de la conflictualité dans les relations économiques, bénéficierait à toutes les entreprises, notamment aux ETI et PME. En effet, la France compte très peu de grandes entreprises, seulement 265 sur près de 4 millions, tandis que 95 % sont des TPE ou PME. Souvent, ces grandes entreprises ont recours à la sous-traitance (62 % d’entre elles), en particulier dans la construction (76 %) et l’industrie (74,3 %), auprès d’autres entreprises, notamment des ETI et PME.
Or, les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants sont souvent marquées par des tensions, et ce malgré un cadre juridique protecteur (sanction des pratiques abusives et retards de paiement, encadrement des ruptures de contrats, etc.). Ces tensions sont d’autant plus marquées qu’elles s’inscrivent dans une asymétrie entretenue plutôt en faveur des grandes entreprises, fruit de la politique industrielle des années 1950 à 1970. Ce contexte constitue donc un véritable frein au développement des ETI et PME.
A titre de comparaison, un rapport de l’Assemblée nationale (n° 2076, juin 2019) compare ce type de relations en France à celles d’autres pays, notamment l’Allemagne. Outre-rhin, les relations entre les grandes entreprises et les PME, souvent familiales (dites du « Mittelstand »), apparaissent plus apaisées, notamment grâce à une culture de coopération et de solidarité entre elles, favorisant des relations à long terme et le travail en écosystème.
Le résultat ? La France compte un nombre réduit d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), avec environ deux fois moins d’entreprises de 250 à 5000 employés [3] en France qu’en Allemagne. Les stratégies de collaboration, y compris dans le règlement des différends, semblent ainsi constituer un facteur clé de compétitivité.
Il semble donc essentiel de renforcer la confiance et la coopération entre entreprises françaises, sans toutefois imiter des pratiques issues de contextes culturels différents.
Des efforts ont été faits, comme l’accompagnement des sous-traitants lors de la crise de 2008 et la charte « Relations fournisseurs responsables » de 2010. Toutefois, de nombreuses mauvaises pratiques subsistent. Un usage plus répandu de la médiation pourrait améliorer la qualité de ces relations, favorisant ainsi l’innovation et la compétitivité dans un moment où notre pays en a bien besoin.
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Baromètre EQUANIM – LAMY LIAISONS 2024 du coût de la conflictualité inter-entreprises