En effet, ces armateurs dont le siège social est situé à l’étranger, et notamment dans des paradis fiscaux comme l’île de Man, Saint Vincent et Grenadine ou encore Malte, font appel à des sociétés gestionnaires basées en France. Or ces sociétés ne contractent pas directement le contrat de travail (dit contrat d’engagement maritime) avec les marins et ne peuvent être considérées comme employeur de ces derniers.
La pratique a subtilement contourné ce principe de base du droit, à savoir qu’est considéré comme employeur celui qui signe le contrat de travail, pour permettre à des sociétés intermédiaires d’endosser cette qualité. Conséquence ? La possibilité pour les marins d’être affilié à la protection sociale française et pour l’armateur d’échapper aux cotisations afférentes.
Une régularisation de la situation des marins employés par des sociétés gestionnaires est urgente et nécessaire notamment au regard du nouveau cadre réglementaire introduit par la loi 2013-619 du 7 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable et de l’entrée en vigueur courant mars 2014 de la Convention sur le travail maritime (MLC 2006 ).
Les problématiques ?
* Les entreprises gestionnaires de marins pour le compte d’armateurs étrangers non basés en France peuvent-elles recevoir la qualification d’armateur ou d’employeur notamment dans le cadre de l’évolution des définitions du marin et de l’armateur par la loi du 16 juillet 2013 ?
* Quelles sont les conséquences en termes de droit du travail et de régime de protection sociale pour les marins ?
Que dit les textes ?
Article L 5511-1 du Code des transports (Article 22 de la loi DADDUE)
1° Armateur, toute personne pour le compte de laquelle un navire est armé ;
2° Entreprise d’armement maritime, tout employeur de salariés exerçant la profession de marin ;
3° Marin, toute personne remplissant les conditions mentionnées à l’article L. 5521-1, qui contracte un engagement envers un armateur ou s’embarque pour son propre compte, en vue d’occuper à bord d’un navire un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l’entretien et au fonctionnement du navire ;
4° Gens de mer, tout marin ou toute autre personne exerçant, à bord d’un navire, une activité professionnelle liée à son exploitation.
La loi DADDUE introduit également des notions plurielles concernant la définition d’armateur, d’entreprise de travail maritime, d’entreprise de placement simple, de société de gestion et d’entreprise de travail temporaire.
L’armateur
Selon le Code des transports :
« L’armateur est toute personne pour le compte de laquelle un navire est armé.
Est également considéré comme armateur, pour l’application le propriétaire du navire ou tout autre opérateur auquel le propriétaire a confié la responsabilité de l’exploitation du navire, indépendamment du fait que d’autres employeurs ou entités s’acquittent en son nom de certaines tâches »
Les entreprises de placement simple ou société de placement (Art. L 5546-1-1 et s. du Code des transports)
Ces entreprises mettent en relation le marin et l’armateur mais ne signent pas le contrat d’engagement maritime en leur nom. Elles ne sont pas employeur du marin et n’ont aucune obligation d’apporter une couverture sociale aux marins.
Il existe un double contrat :
Le contrat de travail entre l’armateur et le marin
Un contrat de mise en relation entre l’entreprise de placement simple et l’armateur
Entreprises de travail maritime (Article L. 5546-1-6 du Code des transports)
« Est entreprise de travail maritime toute personne, hors les entreprises de travail temporaire mentionnées à l’article L. 1251-2 du code du travail, dont l’activité est de mettre à disposition d’un armateur des gens de mer qu’elle embauche et rémunère à cet effet. A ce titre, elles signent le contrat d’engagement maritime sans pour autant être responsable des conditions de travail à bord qui restent à la charge de l’armateur ».
Les entreprises de travail maritime établies en France font l’objet d’un agrément par l’autorité administrative (label OIT). Par dérogation aux dispositions de l’article L. 5321-1 du code du travail, elles ne sont autorisées à mettre à disposition des gens de mer qu’à bord des navires immatriculés au registre international français ou de navires battant pavillon autre que français.
Il existe un double contrat :
Le contrat de travail entre le marin et l’entreprise de travail maritime
Un contrat de mise à disposition du marin entre l’entreprise de travail maritime et l’armateur
Il y a ici un déplacement du lien contractuel de l’armateur vers l’entreprise de travail maritime vis à vis du marin.
La loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013, article 25 II précise que les entreprises exerçant cette activité à la date de la publication de la loi bénéficient d’une présomption d’agrément. A cet effet, elles doivent se déclarer dans un délai de deux mois en vue d’être inscrites sur le registre national prévu à l’article L. 5546-1-1 du Code des transports.
Au regard de ces dispositions, il sera donc urgent de rétablir une situation légale sans pénaliser les marins mais en mettant les armateurs et les entreprise gestionnaires devant leurs responsabilités respectives.