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Sujet : l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

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Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Camille   le Ven 15 Avr 2011 18:25

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Bonjour,
cricri a écrit :La réponse de Snowhite m'apparait s'appliquer exactement à la suspension des poursuites régissant la liquidation du débiteur professionnel.

En fait, même pas. Si l'entreprise est liquidée, radiée du RC, en principe c'est définitivement terminé. La société n'a plus d'existence légale. C'est ce qui fait la différence, le particulier - lui - ayant toujours une existence légale et physique.

Par contre, s'il y a procédure de redressement (à supposer qu'elle se terminera bien), c'est autre chose, mais normalement il n'y pas effacement des dettes "à la hussarde" par le juge. Et, toujours normalement, le juge ne prononcera la clôture du redressement, et donc la poursuite normale de l'exploitation, qu'une fois toutes les dettes épongées.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de cricri   le Ven 15 Avr 2011 20:42

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Camille a écrit :
cricri a écrit :La réponse de Snowhite m'apparait s'appliquer exactement à la suspension des poursuites régissant la liquidation du débiteur professionnel.

En fait, même pas. Si l'entreprise est liquidée, radiée du RC, en principe c'est définitivement terminé....


à cela je vous redemande :

cricri a écrit : .... je ne vois pas dans la Loi régissant le surendettement des professionnels une disposition équivalente à l'article L332-5 code de la consommation .


et L332-9 que vous avez si bien rappelé.

Vous évoquez une évidence que l'on peut résumer
"on ne peut pas tondre un chauve" ou "la plus belle fille du monde ne peut pas donner ce qu'elle n'a pas" bien que ...

Il est aussi bien évident qu'une créance sur un mort insolvable, qu'il soit professionnel ou pas, a peu de chance d'être recouvrée, le retour à meilleure fortune est plus rare. :ange:

Celà vaut pour tout le monde, professionnel ou particulier. Il n'y a pas besoin d'une loi pour constater une telle évidence.

Aussi ma demande ne porte pas sur les chances ou les risques de recouvrement d'une créance, mais sur une LOI qui prive un créancier de son bien, même s'il est immatériel (le bien) et parfois aussi le créancier, au regard de la constitution.

Que penseriez-vous d'une loi qui vous priverait de la propriété d'un de vos biens conservé contre votre gré par un tiers, au motif qu'il ne peut vous le rendre à un moment donné. Puis plus tard, ce bien réapparait mais vous ne pouvez le revendiquer car une LOI a annulé votre droit de propriété du reste sans contrepartie et dans un intérêt particulier?

Mieux que penseriez vous demain et à l'heure de la "crise du logement" d'une LOI qui priverait tout propriétaire de l'usufruit d'un immeuble au profit de son occupant au motif qu'à un moment donné il ne peut le rendre.

D'où ma question, la Loi qui annule une créance, ne violerait-elle pas la constitution qui garantit le droit inviolable de propriété.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Camille   le Sam 16 Avr 2011 10:26

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Bonjour,
Le hic, c'est que, si on lit très attentivement la loi dont vous parlez, laquelle d'ailleurs se garde bien de légiférer directement sur l'effacement des dettes, elle ne fait qu'apporter à un juge la possibilité d'y avoir recours en encadrant assez strictement cette possibilité, ou les textes d'articles qui en découlent, les situations apocalyptiques que vous décrivez ne correspondent pas du tout à la réalité.
On dirait que, d'après vous, un juge aurait le droit d'éponger des dettes comme ça lui chante et selon son seul bon vouloir. Ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout, ce que disent ces textes.

- Lorsque l'actif réalisé est insuffisant pour désintéresser les créanciers,
- lorsque le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou
- lorsque l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale,
le juge prononce la clôture pour insuffisance d'actif.

Une partie peut contester devant le juge de l'exécution les mesures imposées par la commission en application de l'article L. 331-7 ainsi que les mesures recommandées par la commission en application de l'article L. 331-7-1 ou de l'article L. 331-7-2, dans les quinze jours de la notification qui lui en est faite...

ce qui ne correspond pas clairement à ce que vous décrivez.

Et si l'on appliquait votre raisonnement tel quel, on pourrait tout aussi bien considérer que sont anticonstitutionnelles la législation actuelle sur la liquidation des sociétés dites "à responsabilité limitée" puisque la plupart des créanciers ne revoient jamais ni leur pognon ni le matériel qu'ils ont livrés, la législation sur le droit des successions en ce qu'elle permet à un héritier de n'accepter un héritage que sous bénéfice d'inventaire, voire la législation actuelle sur le droit des contrats en ce qu'il permet des clauses qui peuvent limiter l'indemnisation par le fournisseur d'un sinistre en cours d'exécution du contrat. Et j'en oublie certainement.

Je vous invite à relire très attentivement TOUS les articles du code de la conso à partir du L331-1, notamment celui qui parle des expulsions…

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Mon ego et moi   le Sam 16 Avr 2011 21:44

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Allons plus loin dans le fondement de l'inconstitutionnalité : l'article 17 de la DDHC dit que "nul ne peut en être privé [de sa propriété] si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité"

Nécessité publique > la mort (et l'incapacité juridique du défunt) n'est-elle pas une nécessité (au sens logique du terme autant que juridique, n'oublions jamais que le droit est un produit de la raison dans les systèmes romanistes) ? L'impossibilité matérielle de la réalisation d'un droit, de même, ne doit-elle pas en logique donc en droit, avoir une valeur à son tour ?

Légalement constatée > les textes dont on parle offrent cette possibilité au juge.

L'exige évidemment > le terme n'a pas de valeur juridique mais uniquement logique. Il est bien ici question de rattacher le droit à la raison (est quidem vera lex recta ratio...)

Juste et préalable indemnité > zéro peut être juste et préalable en effet.

Je n'ai pas lu le texte de la loi mais je ne vois pas en quoi elle ne serait pas compatible avec la DDHC.
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   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Camille   le Lun 18 Avr 2011 12:39

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Bonjour,
Mon ego et moi a écrit :Je n'ai pas lu le texte de la loi mais je ne vois pas en quoi elle ne serait pas compatible avec la DDHC.

Euh… vous cherchez à démontrer quoi ? Que cette loi, du moins la disposition critiquée par cricri, est anti/inconstitutionnelle ou, au contraire qu'elle est conforme à la Constitution et à la DDHC ?

Ou alors, ai-je mal interprété…
Mon ego et moi a écrit :Camille, puisque vous vous refusez à l'évidence (qui par définition se dispense de démonstration) de l'inconstitutionnalité de l'effacement des dettes

:?:

Mon ego et moi a écrit :Nécessité publique > la mort (et l'incapacité juridique du défunt) n'est-elle pas une nécessité (au sens logique du terme autant que juridique, n'oublions jamais que le droit est un produit de la raison dans les systèmes romanistes) ? L'impossibilité matérielle de la réalisation d'un droit, de même, ne doit-elle pas en logique donc en droit, avoir une valeur à son tour ?

Juste et préalable indemnité > zéro peut être juste et préalable en effet.

A ce sujet, vous avez noté quand même qu'un défunt paye des impôts, l'IRPP, l'éventuel ISF, et j'en passe ? Bon, d'accord, matériellement, ce sont plutôt ses héritiers qui casquent, mais c'est bel et bien au nom et pour le compte du de cujus. Idem pour les dettes contractées du vivant de l'ex-vivant. Donc, normalement, le décès d'un contribuable/redevable n'interrompt pas le recouvrement. Parfois, il l'accélère même.

Sauf, éventuellement… si les héritiers demandent à être placés sous le régime de l'acceptation de l'héritage sous bénéfice d'inventaire (voire s'ils refusent directement l'héritage). Là, il pourra bien se faire qu'un créancier ne voie/revoie jamais ses sous.

Zéro n'est pas "juste et préalable" mais "juste matériellement impossible". Or, "à l'impossible, nul n'est tenu"…
La procédure de rétablissement personnel, donc d'effacement total ou partiel de tout ou partie des dettes suit un raisonnement assez similaire au cas d'un gérant/actionnaire/associé dont la boîte "XARL" a été liquidée, radiée et qu'on ne peut retenir aucune faute délictuelle à l'encontre de ces personnes.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Mon ego et moi   le Jeu 21 Avr 2011 13:12

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Ah, il me semblait pourtant clair que je penchais pour la constitutionnalité d'un concept porté par un texte que je n'ai toujours pas lu. Donc, oui, je plaisantais un peu.

Le de cujus est encore contribuable l'année de son décès, j'ai un doute qu'il le soit encore dix ans plus tard (lui, pas le prolongement de sa personnalité juridique dans ses héritiers).

Pour le zéro, l'impossibilité de recouvrer quoi que ce soit amène à considérer que c'est la seule solution juste, parce que si le réel tord la justice, l'impossible en semble encore plus éloigné.
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   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de tedylou   le Jeu 21 Avr 2011 13:28

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Mon ego et moi a écrit :Pour le zéro, l'impossibilité de recouvrer quoi que ce soit amène à considérer que c'est la seule solution juste, parce que si le réel tord la justice, l'impossible en semble encore plus éloigné.

L'impossibilité prétendue de recouvrement n'est que déclarative et de surcroît à un instant donné. A mon sens, il n'y a donc pas d'impossibilité de recouvrement, surtout si le créancier n'effectue pas à ce moment une action en recouvrement de la totalité de sa créance, attendant un moment pour opportun pour le recouvrer.

En tous cas dans ces conditions, zéro ne peut être une juste indemnité.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de cricri   le Jeu 21 Avr 2011 16:03

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La Loi sur l'annulation des créances ne me semble pas avoir été établie pour effacer les dettes des morts.

Si cette Loi existe et qu'elle contrarie les créanciers et pour réjouir les débiteurs, c'est qu'elle présente un intérêt divergeant entre ces deux citoyens autrement à quoi bon légiférer pour prononcer l'annulation de quelque chose qui n'existe plus dans les faits au présent et à l'avenir.

Du reste, si vous estimez que c'est l'état d'insolvabilité du débiteur qui justifie l'annulation des dettes, ce qui me semble un argument insuffisant pour déposséder une personne en faveur d'une autre ... mais comment expliquez vous que toutes les créances ne sont pas logées à la même enseigne..."l'exception des dettes visées à l'article L. 333-1, de celles mentionnées à l'article L. 333-1-2 et des dettes dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques" lesquelles échappent à cette annulation, y aurait-il lieu de s'interroger de la constitutionalité de cette Loi au regard de l'article 1er de la constitution visant l'égalité entre citoyens....

Vous n'apportez aucune réponse que l'intérêt collectif à la privation de propriété d'un citoyen alors que l'intérêt semble manifestement personnel au seul débiteur.

Vous n'apportez pas non plus d'argument sur l'obligation d'une juste indemnisation absente de la Loi.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Camille   le Jeu 21 Avr 2011 17:01

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Bonjour,
Mon ego et moi a écrit :Le de cujus est encore contribuable l'année de son décès, j'ai un doute qu'il le soit encore dix ans plus tard (lui, pas le prolongement de sa personnalité juridique dans ses héritiers).

Dix ans, c'est un hasard ? C'est pile poil le délai de reprise/redressement accordé à l'administration fiscale dans certains cas de dissimulation (par exemple, le fisc découvre une île aux Seychelles et un compte en Suisse après le décès...).
Et encore, au 31 décembre de l'année en cours, donc pour celui qui est décédé le 2 janvier, ce n'est qu'onze ans plus tard qu'il pourra dormir tranquille d'un éternel repos (et donc ses héritiers sur leurs deux oreilles...).
:ange:
Mais, effectivement, déclarations IRPP et ISF proprement dites, seulement pour la période de vie de l'année du décès, à déclarer l'année suivante.

   Re: l'annulation des dettes est-elle anticonstitutionnelle ?

de Camille   le Ven 22 Avr 2011 10:54

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Bonjour,
tedylou a écrit :L'impossibilité prétendue de recouvrement n'est que déclarative et de surcroît à un instant donné.

Plaît-il ?
tedylou a écrit :A mon sens, il n'y a donc pas d'impossibilité de recouvrement, surtout si le créancier n'effectue pas à ce moment une action en recouvrement de la totalité de sa créance, attendant un moment pour opportun pour le recouvrer.

Pardon ? Avez-vous vraiment fait ce que je vous ai conseillé ? Lire très attentivement tous les articles L330-1 à L333-2 ?
B-l

tedylou a écrit :En tous cas dans ces conditions, zéro ne peut être une juste indemnité.

Dans ce cas, on peut en dire autant dans le cadre des liquidations judiciaires à titre professionnel pour des xARL et dans les cadre des successions sous bénéfice d'inventaire. Entre autres situations...
:ange:

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