Le prestataire réalisant un site internet pour son client est soumis à une obligation de délivrance conforme en vertu des articles 1604 et suivants du Code civil.
En d’autres termes, la chose vendue doit être conforme aux spécifications contractuelles afin que le prestataire puisse satisfaire l’obligation de conformité qui lui incombe.
Que s’est-il passé ?
- Le 17 avril 2014, la société « Sovimo » (client), a conclu un contrat de licence d’exploitation d’un site internet avec la société « Meosis » (prestataire).
- Le 28 août 2015, le prestataire assigne en paiement la société Sovimo car des mensualités sont restées impayées, malgré une mise en demeure préalable. Le client refuse de payer à la suite de dysfonctionnements non résolus sur le site internet.
- En février 2017, le Tribunal de commerce d’Angoulême condamne le client à payer les sommes litigieuses. En décembre 2019, la Cour d’appel de Bordeaux confirmera ce jugement.
- En avril 2022, la Cour de cassation vient finalement donner raison au client et annule sa condamnation à payer les mensualités restantes.
Quels sont les arguments des parties ?
Les arguments du client.
Le client fait valoir que la signature d’un PV de livraison et de conformité ne lui interdit pas de contester l’exécution par le prestataire de son obligation de délivrance. En l’espèce, de nombreux dysfonctionnements sur le site sont intervenus de 2014 à 2015.
Les arguments du prestataire.
Le prestataire fait valoir que, conformément aux conditions générales acceptées par le client, le procès-verbal interdit au client d’invoquer à l’encontre du prestataire un défaut de délivrance et vaut engagement irrévocable du client à honorer le paiement des loyers. Le prestataire rajoute qu’il s’est acquitté de sa propre obligation qui est de mettre à disposition le site à la disposition du client.
Quelle est la solution de la Cour de cassation ?
- La Cour de cassation rappelle que : « l’obligation de délivrance de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ».
- La cour poursuit en reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si « la création et la mise au point effective du site internet ne concernait pas un produit complexe, de sorte que la signature du procès-verbal de livraison et de conformité n’interdisait pas à la société Sovimo de contester l’exécution par la société Meosis de son obligation de délivrance ».
- Il s’agit d’une jurisprudence constante puisque la Cour de cassation avait déjà abouti plusieurs fois à une solution identique [1].
Que faut-il retenir ?
- La signature d’un PV de livraison par le client ne libère pas le prestataire de ses obligations. Le prestataire demeurera responsable d’éventuels dysfonctionnements du site internet qui pourraient intervenir après la signature du PV.
- Si des défauts subsistent après la livraison, le client pourra reprocher au prestataire un manquement à son obligation de délivrance. Cela se traduira par une possible résolution du contrat et des dommages-intérêts pourront être réclamés par le client.