La Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt, selon lequel :
« Mais attendu que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel, exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. »
Elle confirme ensuite la condamnation de l’employeur à verser à la victime des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant :
D’une part, des conséquences du harcèlement effectivement subi ;
D’autre part, de l’absence de prévention du harcèlement conformément à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur ;
Elle poursuit, sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
« Mais attendu qu’ayant rappelé les termes de la lettre de démission, qui ne comportait aucune réserve, et constaté, d’autre part, que les faits de harcèlement s’étaient produits plus de six mois avant la rupture, d’autre part, que l’employeur y avait rapidement mis fin, la cour d’appel a pu décider que la démission du salarié n’était pas équivoque, que le moyen n’est pas fondé. »
Il ressort ainsi qu’en l’absence de réserves figurant dans la lettre de démission du salarié celle-ci ne saurait être équivoque et par la même s’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce, peu important que ce dernier ait subi un harcèlement moral ayant engagé la responsabilité de l’employeur.
Par ailleurs, le harcèlement s’était produit plus de six mois avant la rupture du contrat de travail par le salarié, de plus, l’employeur avait rapidement mis fin aux agissements en question.
Concernant l’obligation de sécurité de l’employeur :
Soucieuse d’assurer l’effectivité des devoirs mis à la charge des employeurs par la loi et la réglementation en matière de prévention et de sécurité, le jurisprudence a déclaré que l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur est une obligation de résultat.
C’est à la faveur de trente dossiers relatifs à la contamination par l’amiante que ce principe a été énoncé :
« Et attendu enfin qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de résultat… » [1].
Par ailleurs, en vertu de l’article L.4121-1 du Code du travail :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
La Cour de cassation fait donc application de l’obligation de sécurité en matière de santé mentale.
Ainsi, dans une décision du 21 juin 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat concernant la prévention du harcèlement moral.
Partant, lorsqu’un cadre salarié s’est livré à des actes de harcèlement moral à l’égard de ses subordonnés, il est responsable mais son employeur l’est aussi, et ce malgré le fait qu’il n’ait commis aucune faute.
Dans cette espèce, l’employeur avait fait intervenir un médiateur puis avait suspendu le harceleur de ses fonctions d’encadrement. Cependant, sa réaction avait été jugée trop tardive [2].
Mais la Cour de cassation est encore allée plus loin. Elle affirme en effet, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales ou de harcèlement, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même, il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements [3].
Autrement dit, l’employeur doit agir le plus en amont possible pour éviter le risque de harcèlement ou de violence au travail. Une fois que la situation incriminée est caractérisée, il est trop tard. La responsabilité de l’employeur sera automatiquement mise en cause.
La décision de la Cour de cassation du 19 novembre 2014 est dans la lignée des arrêts précités.
Concernant la démission d’un salarié pour des faits de harcèlement :
Tout salarié lié à l’entreprise par un contrat de travail à durée indéterminée est en principe libre de rompre son contrat de travail à tout moment.
Ainsi, la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié peut revêtir plusieurs formes, notamment la démission, mode de rupture unilatéral.
Par ailleurs, et surtout, même présentée par écrit, la démission n’empêchera pas le salarié de faire valoir ultérieurement devant le Conseil de prud’hommes que la rupture est imputable à l’employeur suite à un manquement à ses obligations et donc requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, une telle remise en cause n’a rien d’automatique puisqu’il appartient au juge d’apprécier le caractère équivoque ou non de ladite démission. Ainsi, certes, la requalification est encourue lorsque le départ du salarié fait suite à un différend qui l’oppose à son employeur [4], mais elle ne pourra être prononcée en cas de saisine effectuée plusieurs mois après une démission non assortie de réserves [5].
Donc si le salarié démissionne sans formuler de réserves, autrement dit si la lettre ne contient aucune motivation ou allégation à l’encontre de l’employeur, alors la démission sera considérée comme non équivoque et ne pourra de ce fait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est ainsi ce qui ressort de la décision de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 19 novembre 2014, puisque malgré des faits de harcèlement établis, la lettre de démission ne contenait aucunes réserves l’a rendant ainsi non équivoque.
Par ailleurs, cette démission était intervenue bien après ces agissements, à savoir six mois après et alors que l’employeur avait mis rapidement fin à ces agissements.
Discussion en cours :
Cette décision de la cour de cassation est somme toute logique.
Pas de réserves donc démission non équivoque sinon requalification en prise d’acte de rupture.
Si le salarié reproche à son employeur des faits de harcèlement qu’il l’écrive...