La destitution du maire.

Par Daniel Tasciyan, Avocat.

131275 lectures 1re Parution: Modifié: 19 commentaires 4.92  /5

Les citoyens connaissent en général les modalités d’élection du maire. Peu d’entre eux savent en revanche comment celui-ci peut être démis de ses fonctions. La présente note aura donc pour objet de présenter les cas dans lesquels il est possible de destituer le maire.

-

Premier magistrat de la commune, le maire est le président du conseil municipal. Il est élu au scrutin secret et à la majorité absolue par ses pairs, les conseillers municipaux.

Une fois élu cependant, des dissensions peuvent très vite apparaître entre le maire et sa majorité. Celles-ci peuvent être liées à des divergences politiques ou à une perte de confiance (en raison par exemple de fautes commises par le maire).

Ainsi, huit mois après les élections municipales de mars 2014, certains maires se trouvent déjà isolés sur l’échiquier politique.

Toutefois, ne disposant pas d’un pouvoir de « censure », le conseil municipal ne peut pas destituer son maire ; pas plus que ce dernier ne peut dissoudre son conseil municipal.

En effet, hormis les situations d’incompatibilité ou d’inéligibilité, le maire ne peut être destitué de ses fonctions que par un décret pris en conseil des ministres. C’est la révocation.

I – L’impossibilité pour le conseil municipal de destituer le maire

Le conseil municipal ne dispose d’aucun pouvoir lui permettant de destituer son maire. Il peut en revanche provoquer sa démission, en émettant des critiques négatives à son encontre, ou contraindre le gouvernement à organiser de nouvelles élections.

A – La possibilité pour le conseil municipal de critiquer le maire

Il existe deux sortes de critique pouvant être adressées au maire.

1 – Les critiques indirectes

En premier lieu, le conseil municipal peut émettre des critiques visant indirectement le maire. A cette fin, il peut adopter des délibérations sur les actes de gestion du maire et porter sur eux un jugement de valeur, favorable [1] ou défavorable [2].

Par ailleurs, il peut indiquer dans ses délibérations quelles solutions lui paraissent souhaitables et ordonner des mesures d’instruction sur les moyens d’y parvenir [3].

2 – Les critiques directes

En second lieu, le conseil municipal peut directement s’en prendre au maire, et critiquer sa politique ou son comportement. A cette fin, il peut lui adresser un blâme [4].

Le vote d’un blâme contre un maire est toutefois très rare dans les faits. En effet, bien que ne constituant pas une sanction mais l’expression d’une opinion, le blâme, en tant qu’il vise directement une personne nommément désignée, est un acte grave. Il suppose que les relations entre le maire et son conseil municipal se soient fortement dégradées, et qu’aucune solution n’a été trouvée.

En votant le blâme, le conseil municipal désavoue son maire. Il lui demande en somme de démissionner. Mais ce dernier n’est pas obligé de démissionner. Dans ce cas, et si le conflit persiste, la seule solution consistera alors à organiser des élections anticipées. Celles-ci peuvent survenir en cas de démission collective des membres du conseil municipal ou après la dissolution du conseil municipal.

B – La démission collective des membres du conseil municipal et l’organisation de nouvelles élections

Dans les communes de plus 1000 habitants, lorsqu’un conseiller municipal démissionne, il est remplacé par le candidat, appartenant à la même liste que lui, venant après le dernier élu. Néanmoins, lorsque ce système ne peut plus être appliqué et que le conseil municipal compte au moins un tiers de sièges vacants, de nouvelles élections doivent être organisées pour procéder au renouvellement intégral du conseil municipal [5]. Le renouvellement opéré, les nouveaux élus pourront procéder à l’élection d’un nouveau maire. Pour ce faire, il conviendra donc de veiller à ce que, d’une part, un tiers des élus démissionne et, d’autre part, il ne puisse être procédé au remplacement de ce tiers par leurs suivants de liste.

Dans les communes de moins de 1000 habitants, la démission des conseillers municipaux ne peut entrainer que l’organisation d’élections partielles complémentaires [6], sauf si le maire est également démissionnaire. Les élections partielles complémentaires ne portent que sur le renouvellement des sièges vacants, de sorte que le mandat du maire ne saurait être remis en cause. Celui-ci restera ainsi en place, même si tous les conseillers municipaux, excepté lui, ont démissionné et qu ?il a été procédé au renouvellement intégral du conseil municipal [7]. En synthèse, la démission des conseillers municipaux n ?est pas susceptible de conduire à l’élection d’un nouveau maire.

C – Le refus de voter les délibérations proposées par le maire : un refus pouvant entrainer la dissolution du conseil municipal

Mesure exceptionnelle et solution de dernier recours [8], l’article L. 2121-6 du CGCT dispose qu’un conseil municipal peut être dissous par décret motivé rendu en conseil des ministres et publié au Journal officiel.

Deux conditions doivent être remplies pour qu’il puisse y avoir dissolution [9] : les dissensions au sein du conseil municipal ont des répercussions sur son fonctionnement et elles revêtent un degré de gravité tel que la gestion de la commune est mise en péril.

Ces deux conditions sont le plus souvent remplies lorsque le conseil municipal refuse de voter le budget de la commune [10].

Dès lors, un conseil municipal qui refuserait de voter systématiquement le budget communal contraindrait le préfet à proposer au ministre de l’intérieur sa dissolution.

La dissolution du conseil municipal entrainera l’organisation de nouvelles élections municipales, et, par suite, l’élection d’un nouveau maire.

II – La possibilité pour le gouvernement de destituer le maire : la révocation

Aux termes des dispositions de l’article L. 2122-16 du CGCT, le maire, après avoir été entendu ou invité à fournir des explications écrites sur les faits qui lui sont reprochés, peut être révoqué par décret motivé pris en conseil des ministres.

La révocation entraîne immédiatement la perte de la qualité de maire et elle emporte de plein droit l’inéligibilité aux fonctions de maire pendant une durée d’un an. Le maire révoqué ne perd toutefois pas sa qualité de conseiller municipal.

La loi ne précise pas les motifs pouvant justifier la révocation du maire. Il ressort cependant de la jurisprudence que cette mesure, qui est une sanction administrative, ne peut intervenir que pour des faits graves.

Plus précisément, la révocation ne peut être prononcée qu’en cas de faute du maire dans l’exercice de ses fonctions [11] ou lorsque celui-ci est impliqué dans des faits, qui bien qu’étrangers à la nature de ses fonctions, entachent son autorité morale [12].

Exemple de manquements dans l’exercice des fonctions de maire :

- Le maire qui a tenu publiquement des propos outranciers au cours de la cérémonie du 11 novembre, compte tenu des circonstances de temps et de lieu [13] ;

- Le maire qui a commis des négligences dans la gestion du budget communal et qui a, en outre, refusé de manière répétée de prendre en compte les diverses recommandations émises par la chambre régionale des comptes et le préfet [14] ;

- Le maire qui a usé de ses fonctions pour falsifier un permis de construire aux fins d’obtenir, au bénéfice de la société civile immobilière dont il était le gérant, une subvention de l’Agence nationale de l’habitat d’un montant supérieur à 245 000 euros [15].

Exemple de faits étrangers aux fonctions de maire mais inconciliables avec celles-ci :

- Le maire qui est condamné à une peine de prison pour attentat à la pudeur sur mineures de moins de quinze ans [16] ;

- Le maire qui est mis en examen, lorsque la matérialité des faits n’est pas contestée (aide au séjour irrégulier des étrangers, usage de faux et corruption) [17].

Pour finir, précisons que si les faits reprochés au maire ne sont pas d’une gravité telle qu’ils doivent entrainer sa révocation, mais qui nécessitent cependant d’être sanctionnés, le ministre peut en ce cas décider de le suspendre de ses fonctions pour une durée n’excédant alors pas un mois [18].

Daniel Tasciyan
Avocat à la Cour
contact chez tasciyan-avocats.fr
www.tasciyan-avocats.fr
https://twitter.com/tasciyanavocats
06.14.57.72.00

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

836 votes

Notes de l'article:

[1CE, 12 mai 1944, Lerouxel : Lebon 136

[2CE, 29 mars 1933, Bonifacy : Lebon 365

[3CE, 25 février 1931, Commune de Sourdeval-la-Barre : Lebon 212

[7Circulaire NOR : INT/A/1405029C du 13 mars 2014

[9CE, 13 juillet 1968, Sieur Hell et autres : RD publ. 1969

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par Maxime , Le 21 avril à 22:26

    Bonjour,
    Dans une ville de 35000 habitants, un maire qui ne parvient pas à faire voter le budjet en conseil municipal suspend la séance et à l’issue d’une altercation avec un conseiller de l’opposition, fait un salut nazi en criant "Heil !"
    Est-ce un motif suffisant pout que le conseil soit dissous et/ou les maire soit révoqué ?

  • par Lefebvre , Le 22 février à 18:59

    Bonjour,

    je me demande : lorsqu’au sein d’un conseil municipal de 35 membres (ville de plus de 1000 habitants), le tiers ne démissionne pas, mais qu’il n’y est plus personne dans la liste de la majorité ? Y à t-il une élection anticipée ?
    Même cas de figure mais cette fois il ne reste plus de membres dans l’opposition, le conseil continu t-il de siéger ou faut-il en revoter un ? Enfin, au moment des élections partielles intégrales, qui vote pour les élus sur la liste (les habitants ?)

    Je vous remercie !

  • par BONNEAUD , Le 25 janvier 2023 à 22:38

    Dans une commune de moins de 1000 habitants un maire peut se retrouver minautaire au conseil municipal lors d’une élection complémentaire suite a une démission collective . On procède alors à une nouvelle élection des adjoints mais pas celle du maire...pourquoi sa fonction n’est elle pas remise au vote du conseil municipal ? cela éviterait bien des problèmes de respect du suffrage universel
    Il faut corriger ce disfonctionnement électoral et laisser les conseillers municipaux décider de la gouvernance dont le maire fait partie

  • Bonjour,

    Je vais prendre un exemple :
    Dans un conseil municipal de 15 personnes, si 5 démissionnent et que deux personnes suppléantes remplacent deux des cinq démissionnaires, est-ce que de nouvelles élections doivent avoir lieu ?
    Merci à vous.

    • par JCD , Le 24 octobre 2022 à 01:07

      Dans votre cas de figure 12 personnes siégeraient.
      Pas d’élections anticipées.

  • Dernière réponse : 26 février 2022 à 17:12
    par LEVASSEUR , Le 22 août 2016 à 14:21

    Bonjour,

    Cette article explicatif est très clairement écrit.
    Merci beaucoup !

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit, certifié 3e site Pro en France: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 154 840 membres, 25994 articles, 126 988 messages sur les forums, 3 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• "Actus des Barreaux" n°16 : Numéro Spécial Barreaux du Grand Est et des Hauts-de-France.

• Lancement du Chatbot IA de recherche avancée du Village de la justice.




21:48 Stagiaire procédures collectives

21:48 Stagiaire droit des sociétés

21:14 Legal Counsel Assistant (F/H/NB) - Stages Juillet 2024

17:57 Stagiaire en cabinet

Recrutement juridique, Annonces d'offres d'emploi et stages avocats, juristes, fiscalistes, notaires, secretaires... <base href="https://www.village-justice.com/annonces/">

 Offres d'emploi, de collaboration et stages du Village de la Justice

3631 Annonces en ligne
17668 Candidats actifs *
2228 Recruteurs récents *

 Déjà inscrit ?

Recherche d'offres d'emploi et de stages

Plus de critères

3631 annonces en ligne avec cette recherche.

Poste proposé (titre) Domaine principal d'activité pour le recruté Recruteur Type de contrat Lieu du poste Date d'entrée en poste (à partir de)
mardi 07 mai 2024 :
Stagiaire procédures collectives Droit des sociétés (corporate) Cabinet d’avocats Stage Paris 17e
Stagiaire droit des sociétés Droit des sociétés (corporate) Vinci - Société d'avocats Stage Paris 17e
Legal Counsel Assistant (F/H/NB) - Stages Juillet 2024 Droit de la propriété intellectuelle, données personnelles, TIC Ubisoft Stage Saint-Mandé 01/07/2024
Stagiaire en cabinet Droit des sociétés (corporate) LS Avocats Stage 75116 Paris 01/07/2024
Stage juriste PLA / PI (H/F) Droit de la propriété intellectuelle, données personnelles, TIC Cabinet d'avocats Stage Paris 16 01/06/2024
Collaboration H/F Droit pénal Cabinet d'Avocats Collaboration libérale Paris 8 01/06/2024
Stage : Droit Immobilier F/H Droit de l'environnement, énergies Arkema Stage Colombes 01/07/2024
Avocat collaborateur en Corporate, Private Equity, M&A - 3-5... Droit des sociétés (corporate) Lamartine conseil Collaboration libérale Paris 75008
Stage Corporate - 2nd semestre 2025 (F/H) Droit des sociétés (corporate) Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage IT/data - 2nd semestre 2025 (H/F) Droit de la propriété intellectuelle, données personnelles, TIC Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Corporate - 1er semestre 2025 (F/H) Droit des sociétés (corporate) Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Immobilier - 1er semestre 2025 Droit immobilier, urbanisme, construction Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Immobilier - 2nd semestre 2024 Droit immobilier, urbanisme, construction Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Fiscalité - 2nd semestre 2024 Droit des sociétés (corporate) Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris 01/07/2024
Stagiaire Banque & Finance - 2nd semestre 2025 Droit bancaire et financier Herbert Smith Freehills LLP Paris Stage Paris
Stage Contentieux & Arbitrage - 2nd semestre 2024 (F/H) Droit international et de l'Union européenne Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Corporate - 2nd semestre 2024 Droit des sociétés (corporate) Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris
Stage Contentieux Bancaire & Financier - 2nd semestre 2025 Droit bancaire et financier Herbert Smith Freehills Paris LLP Stage Paris 01/07/2025
Responsable Contrat en Droit des assurances F/H - Alternance... Droit des assurances Covea Alternance Le Mans
Stage en immobilier - juillet/décembre 2024 (H/F) Droit immobilier, urbanisme, construction Osborne Clarke Stage Paris Juillet 2024
Texte Annonce Emploi Premium (mise en évidence souhaitée par le Recruteur)
Texte Annonce Emploi Standard
Texte Annonce Emploi que vous avez déjà consulté

LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs

"> 17:55 Stage juriste PLA / PI (H/F)

17:46 Collaboration H/F

17:43 Stage : Droit Immobilier F/H

17:42 Avocat collaborateur en Corporate, Private Equity, M&A - 3-5 ans d'expérience (...)

17:35 Stage Corporate - 2nd semestre 2025 (F/H)

17:35 Stage IT/data - 2nd semestre 2025 (H/F)

17:34 Stage Corporate - 1er semestre 2025 (F/H)

17:34 Stage Immobilier - 1er semestre 2025

17:34 Stage Immobilier - 2nd semestre 2024

17:33 Stage Fiscalité - 2nd semestre 2024

17:33 Stagiaire Banque & Finance - 2nd semestre 2025

Forum

Formations à venir

LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs

Nouvelles parutions

Regards de juristes

Regards de juristes sur Les Aventures de Tintin.

Nouveau !


LexisNexis Presse

Printemps digital chez LexisNexis !

-40% sur la Presse.


Fonds de commerces

Fonds de commerce 2023 - Ce qu’il faut savoir

Des réponses concrètes aux différentes problématiques juridiques posées par les fonds de commerce


A côté du droit !

[Nouvelle parution] Revue "Esprit, comprendre le monde qui vient".


Sélection Liberalis du week-end : Les majestueux décors de l’hôtel Pams à Perpignan.


[Nouvelle parution] Nécropoles : du fait divers au crime contre l’humanité, un médecin légiste raconte…


Régulièrement nous partageons ici avec vous quelques images du net...

La chaîne "Vidéos et droit" du Village de la justice:

- [Vidéo] Les clichés des films de procès décortiqués par un avocat pénaliste.
- [Podcast] Comment convaincre, avec Bertrand Périer sur France Culture.
- [Podcast] CEDH, les avancées de la justice climatique.
- [Podcast] Affaires sensibles : 1972 - Le procès de Bobigny, Marie-Claire jugée pour avoir avorté.