Par un jugement du 20 janvier 2022, il a jugé que l’impossibilité d’exploiter l’activité au sein des locaux résultait de l’activité exercée dans les lieux loués et non de la chose louée, de sorte qu’il n’existe pas de perte partielle de la chose louée justifiant le non-paiement des loyers.
Pour justifier du non-paiement ou d’une demande de diminution du montant des loyers durant les périodes de confinement, les preneurs de fonds de commerce ont tenté de s’appuyer sur plusieurs arguments juridiques (la force majeure, l’exception d’inexécution ou encore la mauvaise foi du bailleur) très souvent rejetés par les juridictions.
La force majeure. Les preneurs ont, à de nombreuses reprises, soutenu que la crise sanitaire et les mesures administratives prises à leur encontre remplissaient les conditions de la force majeure édictées par l’article 1218 du Code civil, à savoir notamment l’irrésistibilité et l’imprévisibilité de l’évènement extérieur rendant l’exécution de leur obligation impossible. Les tribunaux ont très majoritairement rejeté cette position en affirmant que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent peut toujours s’exécuter, faisant ainsi échec à la condition d’irrésistibilité de la force majeure.
Par ailleurs, ils ont souvent relevé le fait que les preneurs ne démontraient pas qu’ils étaient dans l’incapacité de régler les loyers par la présentation d’éléments financiers [1].
L’exception d’inexécution. Certains preneurs ont soulevé devant les tribunaux l’exception d’inexécution afin de justifier du non-paiement des loyers durant la crise sanitaire. Les tribunaux ont rejeté cet argument en considérant que les bailleurs ne manquaient manqué à aucune de leur obligation de délivrance et que les restrictions de jouissance des locaux n’étaient pas de leur fait [2].
La mauvaise foi du bailleur. Les juridictions ont enfin refusé de constater la mauvaise foi des bailleurs dans le cadre des mesures de police administrative prises par le Gouvernement liées à la crise sanitaire dans la mesure où ils n’ont failli à aucune de leur obligation de délivrance [3].
Mais qu’en est-il de la perte de la chose louée [4] comme argument de défense opposé à un bailleur ?
La jurisprudence a admis à de nombreuses reprises que la perte de la chose louée ne s’entend pas uniquement de la perte physique mais également de la perte juridique résultant, par exemple, d’une impossibilité d’accès au bien loué.
Dans le cadre des fermetures administratives des commerces non-essentiels prononcées lors des confinements successifs liés à la crise sanitaire, les tribunaux ont parfois eu à apprécier l’interdiction faite aux exploitants d’accueillir du public dans leurs locaux à l’aune de l’article 1722 du Code civil relatif à la perte de la chose louée.
Les juridictions ont majoritairement admis que les mesures de police administrative visant les commerces non-essentiels durant la crise sanitaire ont entraîné une perte partielle de la chose à louée, en raison de l’impossibilité pour les preneurs d’exploiter leurs commerces dans des conditions normales. En effet, il a été jugé à de nombreuses reprises que les preneurs ont subi une perte partielle de la chose louée dès lors qu’ils n’ont pas pu en jouir complètement ni en user conformément à sa destination pendant la période de fermeture [5].
Par un arrêt du 16 décembre 2021, la Cour d’appel de Douai a confirmé cette jurisprudence en décidant que la fermeture administrative imposée aux commerces non-essentiels au printemps 2020 lors du premier confinement empêchait le demandeur, propriétaire d’une lingerie, d’exploiter son fonds de commerce et constituait ainsi une perte partielle de la chose louée [6].
Il s’agit, à notre connaissance, du premier arrêt d’appel dirigé contre un jugement au fond, confirmant les nombreux arrêts d’appel dirigés contre des ordonnances de référé.
Pourtant, certaines juridictions affirment le contraire en énonçant que les mesures de police administrative prises à l’encontre des commerces non-essentiels n’entraînent pas de perte partielle de la chose louée.
Certaines décisions retiennent le fait que les locaux loués n’ont pas été détruits du fait de la crise sanitaire [7] ou que le locataire peut exploiter ses locaux en dehors des périodes lors desquelles une interdiction d’ouverture au public a été prescrite [8], pour refuser la qualification de perte partielle de la chose louée.
Le Tribunal judiciaire de Paris a, quant à lui, récemment décidé que l’impossibilité d’exploiter l’activité au sein des locaux résultait de l’activité exercée dans les lieux loués et non de la chose louée, de sorte qu’il n’existait pas de perte partielle de la chose louée [9].
Bien que la tendance jurisprudentielle majoritaire accueille la perte partielle de la chose louée comme argument de défense opposé au bailleur, le débat n’est pas encore tranché pour autant. Une clarification par la Cour de cassation sera nécessaire au regard des divergences territoriales d’interprétation sur cette question, existantes et à venir.
Discussion en cours :
Le TJ de Paris se livre à une approche casuistique et n’écarte pas la perte partielle, au contraire.
La juridiction vient expliquer que le boulanger-pâtissier dont l’activité de restauration était stipulée dans la clause de destination du bail, ne pouvait pas se prévaloir de la perte partielle compte-tenu du défaut d’exploitation de ce pendant d’activité, puisqu’il avait pu exercer de manière tout-à-fait pérenne son activité principale (artisanat - boulangerie).