1) Faits et procédure.
Une salariée a été engagée en qualité de responsable d’unité de production par la société Compagnie des transports strasbourgeois le 10 avril 2012, avec une reprise de son ancienneté au 1ᵉʳ décembre 1992.
La salariée exerçait en dernier lieu la fonction de responsable de l’unité contrôle sûreté.
Elle était soumise à la convention collective des réseaux des transports publics urbains de voyageurs.
Le 18 janvier 2018, l’employeur l’a licenciée pour insuffisance professionnelle.
La salariée a alors saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. Ce dernier l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes, la salariée a interjeté appel.
La Cour d’appel de Colmar, dans un arrêt du 7 juin 2022, a jugé que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a ordonné la remise à la salariée d’un bulletin de salaire conforme aux dispositions de l’arrêt.
La société a alors formé un pourvoi en cassation.
2) Moyens.
La Société fait valoir au soutien de son pourvoi que :
- Les dispositions de l’article 17 de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs énonçant que « les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave sur avis motivé du conseil de discipline » ne sont applicables qu’en cas de licenciement pour motif disciplinaire ;
- Si la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs comporte des dispositions portant sur le licenciement disciplinaire (articles 17 et 49), le licenciement économique (article 58) ou la rupture du contrat « par suite de réforme (régime CAMR), d’invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d’inaptitude à la conduite reconnue » (article 62), ces dispositions n’ont pas pour effet de limiter les causes de licenciement à ces seuls motifs.
3) Solution.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.
Elle se fonde sur deux principes :
- Une convention ou un accord collectifs, s’ils manquent de clarté, doivent être interprétés comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.
- Les conventions et accords collectifs de travail peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu’ils déterminent et qui ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail.
Or, en l’espèce, la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 limite le droit de licenciement aux motifs limitativement énumérés :
- L’article 17 les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline ;
- Le chapitre VII intitulé « conditions de rupture du contrat de travail » énumère les cas de rupture : la modification des conditions d’exploitation, la démission et le licenciement collectif ;
- L’article 62 relatif à l’indemnité de départ à la retraite prévoit le versement d’une indemnité à tout agent ayant moins de dix ans d’ancienneté partant à la retraite ou quittant l’entreprise par suite de réforme, d’invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d’inaptitude à la conduite reconnue.
Ainsi, selon la Cour de cassation, la cour d’appel a exactement décidé que la convention collective n’envisageait pas, pour les agents titulaires, de rupture du contrat de travail pour un autre motif que disciplinaire, économique avec le licenciement collectif ou pour inaptitude et en a déduit à bon droit que le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle de la salariée était sans cause réelle et sérieuse.
4) Analyse.
Cet arrêt démontre la grande importance des conventions et accords collectifs qui peuvent être parfois plus contraignants que la loi.
Il est donc impératif de se renseigner sur les normes collectives applicables dans votre entreprise.
Source.