Dans un arrêt à paraitre au bulletin, la Cour de cassation rappelle qu’« un avocat n’engage pas sa responsabilité professionnelle en ne soulevant pas un moyen de défense inopérant » (Civ. 1re, 28 octobre 2015, pourvoi n° 14-24616).
Ce faisant, la Haute juridiction ne consacre aucun régime de faveur mais se borne à faire une stricte application des principes qui gouvernent la responsabilité civile.
En effet, la fonction même de la responsabilité civile est « de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit » (Civ. 1re, 17 juillet 1996, Bull. I, no 327 ; Civ. 2e, 2 juillet 2014, Bull. I, n° 119).
Or, si le moyen omis par l’avocat était voué à l’échec, sa présence ou son absence dans le débat n’aurait rien changé à l’issue du procès et à la situation de son ancien client. La faute de l’avocat, à supposer que l’on puisse la qualifier ainsi, n’est donc pas à l’origine de la perte du procès et ne peut lui être imputée, le lien de causalité faisant défaut.
L’originalité de l’arrêt commenté est de se placer sur le terrain de la faute : ne manque donc pas à ses obligations le professionnel du droit qui ne soulève pas un moyen inopérant. Cette solution avait déjà fait l’objet de deux arrêts précédents dont la particularité était de concerner des revirements de jurisprudence en cours de procédure (Civ. 1re, 31 janvier 2008, Bull. n°31 ; Civ. 1re, 14 mai 2009, Bull. n°92).
Si en l’espèce tel n’était pas le cas, il convient néanmoins de noter que pour retenir la responsabilité de l’avocat, les juges du fond avaient considéré que le moyen non soulevé aurait pu avoir une chance de succès dès lors que « les décisions de justice même émanant de la Cour de cassation n’ont pas force de loi et que de surcroît, dans d’autres espèces, il a été jugé que les dires pouvaient être déposés au plus tard cinq jours avant la date de tenue effective de l’audience éventuelle ayant fait l’objet de renvois ».
Ainsi, ce faisant, les juges nient l’autorité de la Cour de cassation et se fondent sur l’existence de décisions dissidentes pour considérer que le moyen omis aurait pu prospérer. La Cour de cassation ne manque pas de censurer ce raisonnement en rappelant que ce moyen était inopérant « conformément aux dispositions alors en vigueur et à une jurisprudence constante ».
Cette solution ne peut qu’être approuvée. Si une jurisprudence est constante sur un point, toute décision qui retiendrait le contraire encourrait la censure de la Cour de cassation ou de la Cour d’appel. On ne saurait dès lors reprocher à un avocat de ne pas avoir soulevé un moyen dont le succès impliquerait une erreur d’appréciation du magistrat saisi de l’affaire.
La responsabilité de l’avocat doit en effet uniquement s’apprécier par rapport au droit positif tel qu’il est défini par la loi et la jurisprudence de la Cour de cassation.
Discussion en cours :
Bonjour
lorsque le moyen en question est tiré de la CEDH par exemple le fameux article 6, ne peut on pas considérer que l’avocat à la cour de cassation est en faute du fait même que ne soulevant pas le moyen il ne pousse pas le juge national à être aussi le juge du respect de la convention comme cela est de son ressort, et qu’il empêche ainsi la recevabilité d’une requête devant la cour européenne pour violation de ce droit pour cause de non épuisement de tous les recours devant les juridictions nationales. Le moyen peut être inopérant devant la cour de cassation mais opérant devant la CEDH.... ;
qu’en pensez vous ??
merci