Le Cameroun n’a cessé depuis qu’il en est membre d’y faire ses pas majeurs sur la scène internationale et d’y faire entendre sa voix [2]. Ainsi, dans tous les principaux aspects des missions poursuivies par l’ONU telles le maintien de la paix et la sécurité internationale, la lutte pour le recul de la pauvreté ou encore la sauvegarde de l’environnement sans oublier la protection et la promotion des droits de l’Homme, le Cameroun y apporte sa contribution en sa qualité de membre et dans le respect des normes qui encadrent l’action des Etats en matière internationale.
C’est d’ailleurs cette contribution du Cameroun en matière des droits de l’homme au sein de l’ONU qui intéresse la présente étude. Mieux, déterminer la somme des obligations de notre Etat vis-à-vis des différents mécanismes érigés au sein des nations unies en matière de droit de l’homme.
Toutefois, au regard de la kyrielle des mécanismes existants dans ce cadre, la présente analyse se limitera au seul mécanisme dit des organes de traités afin d’en mener une étude des plus convaincantes.
Pour ce faire, il nous semble utile d’arrêter ce travail autour de questions capitales à sa réalisation. Qu’entend-t-on par organes de traités [3] et quels sont les particularités de ce mécanisme ? De plus, quelle est à ce jour la somme des engagements du Cameroun vis-à-vis des entités issues de ce mécanisme mais surtout quelles en sont les implications ?
A l’heure où le contexte sécuritaire est de plus en plus délicat sur le plan national et la question des droits de l’homme au cœur des préoccupations du gouvernement et des populations, il parait essentiel de rappeler que le Cameroun est, et demeure un Etat de droit en vertu de ses divers engagements sur le plan constitutionnel et international. Il doit de ce fait respecter les droits des citoyens qui au demeurant, disposent le cas échéant de voies de droit « onusiennes » pour obtenir réparation en cas de violation desdits droits.
Au regard de ce qui précède, et dans le souci d’offrir une analyse des plus abouties, nous allons dans un premier temps de nos développements présenter les caractéristiques générales des organes de traités (I) suivi d’un exposé des obligations qui incombent au Cameroun relativement à ses engagements vis-à-vis organes de traités (II) avant de conclure par les perspectives souhaitables en ce qui concerne les relations entre les deux entités à l’étude (III).
I. Exposé des caractéristiques générales du mécanisme des organes de traités de l’ONU.
L’on évoquera d’abord leurs fondements et missions avant de s’attarder sur les principaux éléments qui gouvernent leur organisation et leur fonctionnement.
A) Fondements et missions des organes de traités.
1) Fondements des organes de traités.
Avant de décliner leur fondement, il convient de les énumérer suivant une approche chronologique.
Le Comité sur les discriminations raciales (CERD) institué par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD) de 1965.
Le Comité des droits de l’Homme (CDH/HRC) institué par le pacte international sur les droits civils et politiques (ICCPR) de 1966.
Le Comité des droits économiques et socioculturels (CESCR) institué par le pacte international sur les droits économiques et socioculturels (ICESCR) de 1966.
Le Comité sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) institué par la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes (ICEDAW) de 1979.
Le Comité contre la torture (CAT) institué par la convention contre la torture (CAT) de1984.
Le Comité sur les droits des enfants (CRC) institué par la Convention sur les droits des enfants (CRC) de 1989. Le Comité sur les droits des travailleurs migrants (CMW) institué par convention internationale sur les droits des travailleurs migrants… (ICMW) de 1990. Le Comité sur les disparitions forcées institué par la Convention internationale sur la protection des personnes victimes de disparition forcée (ICED) de 2006. Le Comité sur les droits des personnes handicapées (CRPD) institué par la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées (ICRPD) de 2008.
Enfin, le sous comité pour la prévention de la torture (SPT) institué par le protocole facultatif sur la convention contre la torture (OPCAT) de 2002.
On peut relever à l’endroit des organes de traités un double fondement dont le premier assez direct est d’ordre juridique. Il réside dans les conventions précitées qui les instituent et leurs protocoles facultatifs adoptés sur l’égide des nations unies. Si les premiers consacrent l’existence desdits comités et des droits dont ils veillent à l’application, les seconds instituent un droit de plainte ou communication individuelle [4] à l’égard des citoyens des Etats-partie auxdites conventions et dans certains cas, un pouvoir d’enquête à la faveur de leur comité.
Le second fondement, à l’origine du premier selon nous est d’ordre politique. Il réside dans la volonté des nations unies d’engager davantage sur le plan politique ses Etats membres dans la lutte pour les droits de l’homme sur un plan textuel mais surtout organique et donc procédural [5], avec en toile de fond la possibilité d’une mise en jeu de leur responsabilité devant les différents comités. Ce faisant, l’ONU donne une dimension plus concrète, plus effective et surtout plus crédible à sa mission en matière de droits de l’homme dont d’aucun ont souvent tendance à penser qu’elle relève plus du symbole qu’autre chose. Le fondement politique de ce mécanisme peut encore se vérifier dans une seconde série d’éléments qui lui sont à la fois endogènes et exogènes [6]. Les fondements précités sont également à l’origine des missions poursuivies par les organes de traités.
2) Missions poursuivies par les organes de traités.
Bien que ces missions soient nombreuses, nous nous limiterons à celles essentielles constituant les grandes articulations de leur travail. On citera au premier chef ce que l’on peut considérer comme la mission première des organes de traités à savoir : veiller à l’application des conventions qui les instituent. Pour se faire, elles doivent sans cesse inviter les Etats défaillants à soumettre leur rapport périodique [7], examiner lesdits rapports, adresser des observations finales et recommandations après examen aux Etats concernés et assurer le suivi de la mise en œuvre desdites observations.
Au second chef, les comités doivent recevoir et examiner les plaintes individuelles ou Etatique [8], procéder aux enquêtes en temps que de besoins, effectuer une enquête rapide ou une intervention d’urgence le cas échéant [9], arrêter des mesures provisoires quand cela est nécessaire et pour finir, adresser un rapport annuel à l’autorité désignée à cet effet par la convention qui la fonde [10]. Le sceau de la similitude qui marque les fondements et missions des organes de traités ou comités onusiens des droits de l’homme marque également leur organisation et leur fonctionnement.
B) Organisation et fonctionnement des organes de traités.
Il serait fastidieux de vouloir relever tous les éléments d’importances qui régissent ces deux aspects de la vie des organes de traités. Ainsi, seuls les éléments majeurs et déterminants à la compréhension du mécanisme étudié retiendront notre attention et ce, relativement à l’organisation dans un premier temps (1) suivi du fonctionnement dans un second temps des entités étudiés (2).
1) Les principaux éléments régissant l’organisation des organes de traités.
Ici, la composition ainsi que certains éléments attachés à la personne et la structure des comités nous intéressent principalement.
Relativement à la composition l’on doit noter que les comités sont constitués pour la plupart de 18 membres [11] qui siègent en qualité d’expert indépendant. Ils sont élus parmi les ressortissants des Etats-parties à la convention qui fonde le comité pour un mandat de 04 ans renouvelable. L’éligibilité est basée sur des critères de haute expertise reconnue dans le domaine traité par la convention concernée, l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité… présumés ou reconnus des candidats.
En ce qui concerne la structuration des comités, l’on doit relever le fait qu’ils sont dirigés par un panel d’experts ayant à sa tête un président et dont la moitié des membres est renouvelé tous les deux ans. Ce panel est assisté d’un secrétariat permanent qui est l’organe administratif de l’institution. Le panel peut créer en son sein un ou plusieurs groupes de travail [12] pour faciliter l’exécution des tâches. Toute chose qui facilite aussi son fonctionnement.
2) Les principaux éléments régissant le fonctionnement des organes de traités.
En ce qui concerne le fonctionnement des comités onusiens de droits de l’homme, l’on doit dire qu’il se fait essentiellement autour des sessions périodiques que lesdits comités tiennent dans le cadre de leurs activités. Ces sessions se tiennent deux (02) à trois (03) fois par an pour une durée de deux (02) à quatre (04) semaines en fonction des comités [13]. Elles ont toute lieu à Genève et selon la nature de la séance à tenir, elles peuvent être publiques ou à huis clos. C’est le lieu des rencontres avec les ONG, d’audition des Etats, de lecture des observations ou recommandation, d’adoption du rapport annuel… Hors session, le fonctionnement des comités n’est point arrêté mais il ne peut en résulter aucune décision majeure et le travail est dirigé par le président et le secrétaire permanent.
Les organes de traités présentés dans leurs généralités, il convient à présent de s’interroger sur la position du Cameroun vis-à-vis du mécanisme étudié et les implications qui en découlent.
II) Le Cameroun face au mécanisme des organes de traités de l’ONU.
La posture du Cameroun face aux organes de traités peut être qualifiée de mitigée dans la mesure où s’il a contracté des engagements vis-à-vis des conventions relatives aux organes de traités. Il ne nous parait pas erroné de dire qu’il reste très hésitant au regard de celles non ratifiées, de la lenteur affichée pour celles ratifiées et du tri qu’il opère en ce qui concerne la ratification des protocoles facultatifs. Toutefois, les engagements pris par le Cameroun ont un fondement et diverses implications tant sur le plan textuel (A) que pratique (B) pour notre Etat et ses citoyens.
A) Fondement et implications des engagements du Cameroun vis-à-vis des organes de traités.
L’analyse du fondement (1) des engagements du Cameroun vis-à-vis des organes de traités précèdera celle des implications qui en découlent sur le plan textuel ou conventionnel (2).
1) Le fondement des engagements du Cameroun vis-à-vis des organes de traités.
Le Cameroun est parti au mécanisme des organes de traités à raison des conventions relatives audit mécanisme qu’il a ratifié et certains des protocoles facultatifs qui les accompagnent. Plus précisément, le mécanisme sous étude à produit à ce jour dix huit (18) textes tous adoptés sous l’égide des nations unies et le Cameroun en a signé seize (16) dont six (06) [14] restent toujours sans suite. Il a ratifié ou adhéré définitivement à neuf (09) textes dont six (06) conventions et trois (03) protocoles facultatifs [15]. Au final, il est lié à l’égard de quatre (04) organes de traités ou comités sur dix (10) actuellement en vigueur dans le système des nations unies. Lien né du fait qu’il a reconnu explicitement leur compétence à son égard conformément aux dispositions pertinentes des textes qui les instituent. Ce faisant, il a généré à son égard diverses obligations ou implications dont il convient d’analyser la substance.
2) Les principales implications nées des engagements du Cameroun vis-à-vis des organes de traités.
Elles sont plutôt nombreuses mais on peut en retenir principalement deux :
Il s’agit tout d’abord de l’obligation générale faite à tout Etat partie à l’une des conventions adoptées dans le cadre du mécanisme des organismes de traités d’élaborer et d’adresser un rapport périodique sur la situation ou l’état des lieux des droits consacrés par la convention dans son territoire au comité concerné. Cette obligation n’est point subordonnée à la reconnaissance par l’Etat de la compétence du comité à son égard. Ainsi, des l’entrée en vigueur d’une des conventions étudiées à l’égard d’un Etat, ce dernier se doit de remplir l’obligation susmentionnée. A ce titre, le Cameroun se doit de dresser et communiquer le rapport sus décrit aux six (06) comités issues des six (06) conventions qu’il a ratifiées dans le cadre du mécanisme étudié [16].
La seconde implication majeure pour le Cameroun réside dans la possibilité de mise en jeu de sa responsabilité devant les comités dont il a reconnu explicitement la compétence en matière de plainte d’individus ou de groupe d’individus pour des faits de violation par lui des droits surveillés par lesdits comités. Cette implication ne joue actuellement qu’a l’égard de quatre (04) comités [17] mais est assurément plus à risque que la première, car il y va à chaque fois qu’elle est mise en œuvre de l’honneur et de la crédibilité de l’Etat sur la scène internationale. Il faut préciser qu’eu égard aux dispositions pertinentes des différentes conventions concernées par notre étude, cette mise en jeu de la responsabilité du Cameroun peut être non seulement le fait d’un autre Etat mais aussi de ses propres citoyens. Cette dernière catégorie de plaignants représente à la fois la force et la particularité du mécanisme des organes de traités et il convient de ce fait d’en étudier au-delà de sa seule consécration textuelle son aspect pratique ou procédural.
B) La dimension pratique des implications issues des engagements du Cameroun à l’égard des organes de traités.
Cette dimension pratique ou procédurale des implications relevées plus haut constitue l’un des cœurs de notre étude. Toutefois, il serait fastidieux de vouloir décliner ces procédures dans le détail. Nous nous limiterons de ce fait à l’examen des articulations majeures de la procédure relative à l’obligation de dépôt de rapports périodiques aux comités compétents (1) d’une part. Suivi de celui de la procédure de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat via le mécanisme de plainte individuelle (2).
1) La procédure régissant les rapports périodiques des Etats.
Elle s’articule autour de quatre (04) grandes séquences que sont l’élaboration, l’examen, la formulation des observations et le suivi desdites observations. Relativement à l’élaboration, il faut dire qu’elle est l’œuvre de l’administration en l’occurrence le ministère de la justice dans notre pays. Ce dernier doit associer au mieux la société civile et les ONG et donner le compte rendu le plus exact et le plus complet possible de la situation des droits concernés dans le rapport [18].
Le rapport doit respecter un canevas sur le plan formel et substantiel calqué sur un model fourni par le comité concerné. Il est communiqué dans un certain délai qui varie d’un comité à l’autre [19].
L’examen se fait lors de l’une des sessions annuelles et est piloté par un rapporteur désigné par le président du comité. Le rapporteur prépare un résume du rapport de l’Etat et une liste de question à poser aux membres de la délégation du pays concerné lors du dialogue constructif [20] à huis clos ou séance publique selon le comité. La séance d’échange est conduite par le président du comité et peut se dérouler sur un ou plusieurs jours.
Au final, sur proposition du rapporteur, des observations finales et recommandations sont élaborées et adoptées par le comité et communiquées par voie officielle à l’Etat concerné. Les modalités du suivi desdites observations et recommandations consistent très souvent à l’envoi par l’Etat tous les six (06) à douze (12) mois d’un rapport sur leur mise en œuvre au comité. Ce rapport met l’accent sur les mesures prises par l’Etat pour une bonne réalisation des recommandations, les difficultés rencontrées et les mesures correctives adoptées.
Il faut noter que cette procédure d’examen des rapports périodiques peut parfaitement se tenir en l’absence de rapport formel adressé par l’Etat ou même de sa délégation lors du dialogue constructif sans que cela n’affecte la pertinence des observations finales et recommandations du comité à l’égard de notre pays. Quid de la procédure relative au mécanisme de plainte ?
2) La procédure régissant le mécanisme de plainte.
Bien que cette procédure soit ouverte tant à l’endroit des Etats que des individus, il faut noter d’emblée qu’elle n’a jamais été enclenchée par un Etat à l’encontre d’un autre sans doute eu égard aux répercussions politiques qu’engendreraient de pareils actes. Ainsi, l’on ne s’attardera que sur le mécanisme de plainte individuelle que l’on analysera en trois grandes séquences que sont : le dépôt de la plainte, sa réception et son traitement et enfin la décision du comité et ses effets.
Le dépôt de la plainte est la phase initiale de tout litige devant les comités, elle est l’œuvre d’un individu ou d’un groupe d’individus qui saisit à cet effet le Groupe des requêtes du Haut Commissariat au droit de l’homme des nations unies [21].
Si elle est validée à ce stade, la plainte est alors soumise au rapporteur spécial chargée des nouvelles communications (il est un membre du comité visé). C’est ce dernier qui en ultime ressort doit juger la plainte pleinement recevable et procéder à son enregistrement au titre des litiges définitivement soumis à l’examen du comité. L’Etat attaqué est à ce moment notifié de la plainte et dispose de sic (06) mois pour formuler ses observations.
L’auteur de la plainte ou l’Etat peuvent être invités à fournir des informations additionnelles, ils disposent de six mois pour le faire. La procédure est co-diligentée par un rapporteur chargé de l’affaire (désigné par le président du comité parmi les membres du comité) et le secrétariat permanent du comité. C’est une procédure essentiellement écrite.
A son terme, le comité se réunit sous l’autorité de son président à huis clos pour adopter une décision nommée constatation. Elle est communiquée par voie officielle et privée à l’Etat mis en cause mais peut être rendue publique ultérieurement sous décision du comité en cas de non-coopération de celui-ci relativement à la mise en œuvre desdites constations [22].
Au regard de ce qui précède, un constat de principe se dégage. Les organes de traités ainsi que les Etats-parties aux conventions dont elles émanent visent tous la quête d’une meilleure promotion et protection des droits de l’homme.
Toutefois, le mécanisme sus étudié tel qu’il se présente actuellement demeure malheureusement trop faillible. Il convient de ce fait d’envisager des perspectives souhaitables voire des reformes qui pourraient donner un nouvel élan aux organes de traités et au Cameroun. Et ce, dans le but de crédibiliser davantage l’action de chacun d’eux dans le domaine des droits de l’homme tout en renforçant leur coopération.
III) Quelles perspectives pour le Cameroun et les organes de traités ?
Envisager un futur sous de meilleurs auspices entre le Cameroun et les organes de traités revient nécessairement à postuler pour des innovations voire des révolutions au sein de chacune de ces entités. Cela n’est possible que sous l’impulsion d’une volonté politique forte du Cameroun qui doit se traduire par un changement de sa politique actuelle de ratification des conventions régissant les organes de traités ainsi que sa coopération avec ceux-ci (A). Ces derniers quant à eux doivent subir des réformes profondes au double niveau conventionnel et organique pour demeurer efficaces et crédibles (B).
A) Les perspectives envisageables pour un Cameroun davantage crédible au sein du mécanisme des organes de traités.
Un Cameroun plus crédible vis-à-vis des organes traités est un Cameroun davantage model sinon référentiel en termes de respect de ses engagements en sa qualité d’Etat-membre des nations unies. Cela n’est possible que s’il met un point d’honneur à prendre des engagements plus fermes sur le double plan des conventions régissant lesdits organes (1) et de la coopération avec ceux-ci (2).
1) Les perspectives relatives aux conventions régissant les organes de traités.
Tel que l’on l’a déjà relevé au cours de notre étude, le mécanisme des organes de traités est assis à ce jour sur dix huit (18) textes mêlant conventions et protocoles facultatifs. Si l’on peut à juste titre considérer certains pays comme la France, la Belgique Chypre et notamment l’Argentine tels les bons élèves [23].
Le Cameroun traîne encore le pas dans la mesure où il n’a pour l’instant officiellement ratifié et déposé que neuf (09) instruments juridiques. Il semble donc de bon ton que le Cameroun donne un coup d’accélérateur au processus de ratification en cours des autres instruments juridiques tout en prenant la peine systématiquement de faire les déclarations nécessaires à la reconnaissance de la compétence des comités concernés.
Ce faisant, l’Etat donne un plein effet à son engagement en donnant à ses citoyens des voies de droit autres que celles prévues en droit interne pour faire valoir le cas échéant leurs droits violés en engageant sa responsabilité. L’acte ici escompté de l’Etat est réalisable à court terme dans la mesure où à l’exception du second protocole facultatif du PIDCP visant l’abolition de la peine de mort et celui relatif au droit de plainte des enfants issu de la convention des droits des enfants non encore signés ou ratifiés.
Les autres instruments sont tous à ce jour signés ou ratifiés en interne par le Cameroun et attendent leur enregistrement au secrétariat des nations unies pour leur entrée en vigueur à l’égard du Cameroun [24] sur le plan international. Le cas du protocole facultatif relatif à la convention contre la torture… en est l’illustration parfaite [25].
Ainsi, si le gouvernement le veut, tous les textes issus du mécanisme des organes de traités non encore en vigueur à l’égard du Cameroun peuvent l’être quelque mois après le terme de la prochaine session parlementaire [26].
Agissant de la sorte, le Cameroun prendrait une nouvelle dimension au sein du mécanisme étudié en reconnaissant la compétence des dix (10) comités existantes à son égard relativement aux communications individuelles. Ce qui ferait de lui un Etat de « bonne foi » en matière de droit de l’homme et une référence sur la scène internationale. Il lui resterait alors à améliorer sa coopération avec les organes de traités proprement dits.
2) Les perspectives relatives aux rapports avec les organes de traités.
Les organes de traités ou comités onusiens de droits de l’homme étudiés constituent le principal centre d’intérêt du mécanisme qui nous intéresse. C’est à ce titre qu’au-delà des perspectives souhaitables relativement aux conventions, il est nécessaire d’en envisager également pour ce qui constitue leur principal atout. Sous ce prisme, le préalable réside selon nous dans la reconnaissance de la compétence des dix comités existants. Mais la seule reconnaissance ne suffit pas si trois autres reflexes ne sont pas développés par notre Etat. Il s’agit tout d’abord de la rédaction systématique des rapports périodiques suivie d’une pleine collaboration avec les comités en matière d’examen et de suivi desdits rapports. Ensuite, poursuivre cet esprit de collaboration en matière de participation aux procédures de plainte individuelle [27].
Enfin, donner suite systématiquement aux décisions des comités tout en informant ceux-ci des mesures prises dans ce sens. Le sort particulier des indemnisations est à examiner de façon profonde car les montants demandés et alloués sont le plus souvent exorbitants pour un pays comme le Cameroun. Toutefois, un principe d’indemnisation symbolique peut être arrêté avec des barèmes en fonction du type de faute établi à l’endroit de l’Etat.
En somme, il serait de bon ton que chaque fois qu’un citoyen ait eu raison devant un comité, qu’il lui soit remboursé au moins la totalité de ses frais de procédure [28].
Plus loin, la pleine coopération souhaitée doit avoir lieu sinon s’accentuer en matière d’enquête, alerte, intervention d’urgence et respect des mesures provisoires le cas échéant. Si les mesures envisagées ne sont point assimilables à une panacée, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’elles seraient accueillies avec grand enthousiasme par les organes de traités qui seraient assurément bien tentés de s’en inspirer.
B) Les perspectives envisageables pour des organes de traités plus efficaces et crédibles.
Comme dans le cas du Cameroun, ces perspectives ou reformes seraient les bienvenues sur le double aspect des conventions qui instituent les organes de traités (1) d’une part, ainsi que relativement aux organes proprement dits d’autre part (2). Le tout, guidé par le principe de fusion afin de stopper la tendance actuelle de démultiplication plutôt dissuasive à l’égard des Etats et confuse à l’égard des citoyens.
1) Les perspectives relatives aux conventions régissant les organes de traités.
Les perspectives dont il s’agit ici sont assimilables en de vraies reformes tant la nomenclature actuelle du mécanisme des organes de traités affichent des défaillances d’ailleurs relevées au sein même des nations unies. Ainsi, la haute institution internationale a à sa façon lancer depuis près d’une décennie un processus de reforme dudit mécanisme [29] auquel il nous parait judicieux d’apporter notre contribution. Il faut souligner à cet effet que sur le plan conventionnel le trop grand nombre de traités qui encadrent le mécanisme étudié à ce jour nous parait plus un frein à l’efficacité de ce système qu’une plus value. Les thèmes traités par la plupart de ces conventions loin de générer une protection plus accrue et efficace des diverses catégories de droit concernées semblent au contraire générer du superflu et de l’amalgame.
Et ce, dans la mesure où l’ensemble des droits protégés par les organes de traités sont suffisamment contenus dans les deux pactes de 1966, lesquels ont d’ailleurs une valeur symbolique et juridique supérieure à celle des autres conventions.
De plus, chacun de ces deux pactes est à ce jour ratifié et en vigueur à l’égard de plus des trois quart de l’ensemble des pays membre de l’ONU [30].
Fusionner alors l’ensemble des conventions actuelles au sein de ces deux pactes ne nous parait pas illogique mais nécessiterait juste une réécriture de chacun des pactes pour l’adapter à l’évolution actuelle très thématique des droits humains.
Les textes réécrits devraient être élevés au rang du Traité de Rome sur la CIJ afin que les comités chargés de leur surveillance bénéficient de facto et même de juré d’un statut similaire à celui-là. Le statut des comités de surveillance ainsi que le droit de plainte individuel devrait être insérés directement dans les pactes afin d’éviter des doubles procédures d’élaboration, de signature, ratification [31]...
Toutefois, à coté des deux pactes le protocole facultatif relatif à l’abolition de la peine de mort pourrait éventuellement être conservé. Cette fusion des textes et des comités offre également l’avantage d’une réelle réduction de la charge de travail et du coût financier pour les Etats en ce qui concerne la production des rapports périodiques et même la participation aux procédures de plainte individuelle. Elle devrait aisément générer une uniformisation des procédures et simplifier ainsi leur compréhension tout en favorisant davantage leur adhésion pour le grand public et la société civile. L’idée sus développée de fusion serait toutefois contreproductive notamment au regard de la masse de travail qu’elle engendrerait pour les deux comités survivants si elle n’est point accompagnée d’une opération de décentralisation savamment pensée et exécutée desdits comités.
2) Les perspectives relatives aux organes de traités.
Les organes de traités restreints par fusion, la suite de leur reforme doit être guidé par le principe de décentralisation afin de leur donner définitivement un nouveau visage marqué du sceau de la proximité, la célérité, l’efficacité et surtout de l’originalité. Ici, l’idée est de remplacer la démultiplication actuelle d’ordre thématique des comités par une démultiplication d’ordre territoriale et notamment sous régionale.
Ainsi, tout en maintenant les deux comités universels [32] issus des deux pactes de 1966, l’on créerait des représentations sous régionales de chacun d’eux. Ce qui reviendrait par exemple pour la zone Afrique en un découpage en quatre blocs (Afrique centrale, Afrique du nord, Afrique de l’ouest et Afrique de l’est) tous dotés de représentations des deux comités basés dans l’idéal dans deux capitales distinctes du bloc pays concerné.
Les néo comités conserveraient l’ensemble des missions et prérogatives dévolues aux comités actuelles auxquelles il nous parait judicieux d’ajouter un important rôle en matière de promotion des droits qu’ils protègent et de vulgarisation de leurs activités. L’essentiel des éléments gouvernant leur organisation (président de comité, secrétariat permanent, rapporteur, groupe de travail…), leur fonctionnement (nombre et durée des sessions, nombre des membres…) et le statut de leur membre (haute expertise, impartialité, intégrité, mandat renouvelable…) est aussi à conserver mais tout en les adaptant à leur nouvelle dimension sous régionale.
Cette adaptation est en fait l’une des clés de cette reforme et devrait s’appuyer sur les particularités des blocs pays concernés [33].
La réalité des droits de l’homme est trop distincte d’un pays à un autre, d’un continent à un autre, d’une société ou culture à une autre et même d’un régime politique ou système juridique à un autre pour que sa protection soit l’œuvre d’une entité unique fusse-t-elle à vocation universelle. De plus, des comités locaux offrent l’avantage d’une décongestion de la très grande masse de travail que connaissent les comités actuels et devraient permettre de gagner en temps relativement à la durée des procédures de plaintes individuelles. Leurs membres, issus des Etats dont ils ont la charge devraient plus aisément obtenir la coopération de ces derniers tant pour l’élaboration des rapports, la participation aux procédures de plaintes individuelles, le consentement aux enquêtes, le suivi des décisions des comités ou encore la conduite des activités de vulgarisation du comité.
Dans cet ordre d’idée, des sessions rotatives des comités au sein des divers Etats sous sa compétence seraient l’idéal à l’inverse des comités actuels trop enfermés à Genève et New York. L’examen des rapports périodiques des Etats en leur sein nous parait aussi bénéfique dans la mesure où cela faciliterait la participation à la fois des ONG et autres associations locales tout en garantissant la présence des officiels de l’Etat concerné [34] Bref, les comités locaux suggérés sans être une panacée pallient véritablement et efficacement selon nous à de nombreuses défaillances observées à ce jour à l’endroit des comités universels.
En définitive, le mécanisme des organes de traités des nations unies est l’un des systèmes universels de protection de droits humains les plus dynamiques tant au regard du nombre d’entités qui la constituent, du volume énorme de ses activités que de la forte quantité des sollicitations dont il fait l’objet chaque année. Il parait donc logique de conclure que c’est un mécanisme utile.
Le Cameroun ne se situe pas à l’opposée de cette conclusion et est depuis plus de quatre décennies partie audit mécanisme comme bon nombre d’autres Etats. Toutefois, bien que l’histoire entre le Cameroun et les organes de traités durent depuis presque cinquante ans il faut dire que le temps n’a pas généré un lien irréversible entre les deux parties. C’est un lien qui existe cependant et que l’on peut qualifier de mitigée dans la mesure où le Cameroun ne s’est définitivement lié qu’a la moitié des textes qui encadrent ce mécanisme et moins de la moitié des organes qui le constituent à ce jour.
Une certaine lenteur, marque de fabrique du pouvoir politique au Cameroun est visible dans le processus d’engagement du Cameroun vis-à-vis des organes de traités et Un reflexe de pleine coopération tarde encore à se développer. C’est donc au regard de cet état lieu plutôt morose entre les deux entités mise en relief dans notre étude que nous avons envisagé certaines perspectives voire des reformes afin de crédibiliser davantage la présence et l’action du Cameroun au sein du mécanisme étudié d’une part, et redéfinir un visage nouveau aux organes de traités marqué du sceau de la proximité, de l’adaptabilité et de l’efficacité générés par une fusion et une décentralisation savamment pensée des comités actuels d’autre part.
Tout ceci afin qu’Etats et citoyens soient satisfait au mieux sur le plan des droits de l’homme par un mécanisme crée à cette fin et qui doit continuellement se réinventer pour rester à la hauteur de ses missions.