Jusqu’à présent en matière fiscale (qui est un recours de plein contentieux au sens du droit administratif), les articles R.421-2 et R.421-3 du Code de justice administrative prévoient un délai maximum de 2 mois pour introduire une requête devant les juridictions administratives en cas de rejet d’une réclamation, délai au-delà duquel la requête est forclose.
Cette forclusion s’applique aujourd’hui, en matière fiscale, uniquement pour les décisions expresses de rejet en application du 1° de l’article R.421-3 du Code de justice administrative mais pas aux décisions implicites de rejet.
En matière fiscale l’article R 199-1 du Livre des Procédures Fiscales prévoit que le silence gardé par l’administration ne vaut décision de rejet implicite que 6 mois après le dépôt de la réclamation.
L’article 10 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 modifie, à compter du 1er janvier 2017, l’article R.421-3 du Code de justice administrative en supprimant le 1° de cet article.
Cette modification semble avoir pour effet d’étendre le champ du délai maximum de 2 mois dont disposent les justiciables pour introduire une requête devant les juridictions administratives aux cas de décisions implicites de rejet de leur réclamation, délai au-delà duquel leur action est forclose.
A compter du 1er janvier 2017, il ne serait donc plus possible d’introduire de requête pour des réclamations préalables antérieures au 1er mai 2016 pour lesquelles l’administration n’aurait pas répondu puisque toute procédure initiée plus de 2 mois après une décision implicite de rejet, intervenue par hypothèse avant le 1er novembre 2016, serait forclose.
Dès lors, pour les réclamations antérieures au 1er mai 2016 auxquelles l’administration n’a pas répondu, il convient de déposer une réclamation avant le 31 décembre 2016 puisqu’après cette date, elles ne pourront plus faire l’objet de requête devant le juge de l’impôt.
Cette situation qui risque d’engorger les juridictions administratives. Les instances professionnelles des avocats ont donc saisi le Garde des Sceaux afin de :
soit modifier le décret pour en retarder l’entrée en vigueur,
soit préciser que le délai pour déposer une requête puisse continuer à n’être enfermé dans aucune limite pour les décisions de rejet implicite des réclamations fiscales formulées en application de l’article R 199-1 du Livre des Procédures Fiscales.
Il convient donc d’être extrêmement vigilant quant aux conséquences de cette modification.
Discussions en cours :
Dans les conclusions qu’il a prononcées le 5 décembre 2016 lors d’une audience des 8ème et 3ème chambre de la Section du contentieux du Conseil d’Etat sous une affaire n° 384309 EURL Cortansa, le rapporteur public Benoît Bohnert a recommandé au Conseil d’Etat de juger que l’article R 199-1 du Livre des procédures fiscales (LPF) introduit des règles spéciales pour les délais de recours applicables au contentieux fiscal, notamment en cas de recours faisant suite au rejet implicite d’une réclamation, de sorte que les modifications apportées à l’article R 421-3 du Code de justice administrative (CJA) demeureront, en l’absence de toute mention contraire dans le décret du 2 novembre 2016, sans incidence sur l’application des règles ainsi prévues par le LPF.
La décision du Conseil d’Etat sur cette affaire devrait, d’après les informations de l’IACF, intervenir d’ici la fin de la semaine.
Information diffusée par l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) le 6.12.2016
Cette inquiétude est sans fondement. Je vous invite à lire les observations que j’ai publiés sur le site à ce propos le 6 décembre, qui le démontrent amplement.
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 7 décembre 2016, sous le n°384309, vient de confirmer, pour autant que cela était nécessaire, que le décret du 2 novembre 2016 n’a aucun effet sur les délais de recours contentieux en matière fiscale.
Le soufflet devrait retomber !
Il est formidable cet avocat !