a) L’une d’elles est l’expertise qui peut être obtenue et produite par chacune des parties à la procédure et communément appelée « l’expertise effectuée à l’initiative d’une partie ».
b) L’autre est la preuve offerte par des experts désignés judiciairement et communément appelée « l’expertise sur demande adressée au juge ».
Avant d’expliquer les différences entre l’une et l’autre, nous aborderons brièvement leurs points communs.
Les experts doivent être des experts en la matière sur laquelle doit porter leur rapport et posséder les diplômes universitaires officiels les autorisant à exercer à ce titre. Uniquement dans le cas où l’objet du rapport doit traiter des matières non comprises dans les diplômes professionnels officiels, ils devront être nommés parmi les personnes possédant des connaissances dans ces matières.
Les experts ont l’obligation légale de « déclarer sous serment ou de promettre de dire la vérité, qu’il a agi et, le cas échéant, qu’il agira de la manière la plus objective possible en considérant autant ce qui peut favoriser que ce qui peut léser l’une des parties, et qu’il connaît les sanctions pénales susceptibles de lui être infligées s’il manque à son devoir d’expert ».
Les experts, une fois investis d’une mission confiée à l’initiative d’une partie ou sur demande adressée au juge, doivent obtenir toutes les informations et les documents nécessaires, visiter le lieu ou examiner l’objet de son analyse et, ensuite, remettre un rapport ou un « avis » écrit dans lequel il doit exposer, avec toute l’objectivité professionnelle possible à laquelle il est légalement contraint, son appréciation et ses conclusions concernant la matière ayant été soumise à son analyse professionnelle.
Cet avis sera rendu au juge et, dans la plupart des cas, l’expert devra se rendre à l’acte d’instruction au cours duquel, selon les principes d’oralité et de contradiction, les parties se prévaudront de leur « arsenal de preuves » face au juge. Durant l’audience, l’expert devra ratifier son rapport et donner les explications requises par les parties et le juge, précisera des points de son rapport en cas de demande, en pouvant également offrir son appréciation et /ou jugement, toujours d’un point de vue strictement professionnel, concernant les autres rapports d’expertise qui peuvent avoir été produits dans le cadre de la procédure.
Durant cet acte d’instruction existe la possibilité que les experts puissent dialoguer entre eux, comme une espèce de « confrontation » qui leur permettra de débattre concernant leurs points de vue respectifs et, à certaines occasions, qui leur permettra de parvenir à un point commun d’entente qui servira au juge, personne experte en droit mais non experte dans la matière analysée par les experts, pour ensuite en tirer ses propres conclusions.
Le juge n’est pas lié par l’opinion des experts, ni par celle des experts désignés à l’initiative des parties, ni de l’expert nommé sur demande adressée au juge, bien que, normalement, leur opinion a énormément de poids dans les décisions adoptées par les juges dans leurs décisions compte tenu de leur qualité de professionnels experts dans la matière faisant l’objet du débat (une avarie au niveau d’une machine, un incendie, une négligence médicale, des dommages au niveau d’un bâtiment, etc.).
L’expertise dans le cadre de la procédure civile comme toute autre preuve dans la procédure civile est une preuve réalisée « à la demande d’une partie ». Cela signifie que le juge ne peut pas décider, de son propre chef, dans le cadre d’une procédure, de demander l’opinion d’un expert. Si les parties n’en font pas la demande au juge, ce dernier devra fonder sa décision en se basant sur les preuves que les parties ont pu ou ont su mettre à sa disposition.
L’expertise « à l’initiative d’une partie ».
Il s’agit du type de preuve généralement le plus utilisé dans la procédure espagnole étant donné qu’elle offre, dans une certaine mesure, à la partie qui en fait la demande, davantage de possibilités d’obtenir un avis un tant soit peu plus « sensible » aux prétentions de la partie qui en produira les conclusions.
Mais cela ne signifie pas que l’expert rendra des conclusions dans les sens de la partie qui a fait appel à ses services. Comme nous l’avons vu, les experts sont exposés à des responsabilités très graves, y compris d’ordre pénal, en cas de manquement à leur mission, compte tenu du devoir d’objectivité qui s’impose à eux.
Ce qui se passe généralement est qu’avant d’analyser la mission qui est formellement confiée à l’expert, une analyse ou une étude préalable lui est demandée concernant l’objet de son « expertise » –de son avis d’expert–, qui permettra à la partie de décider si, finalement, elle utilisera ou non cette preuve, ce qu’elle décidera naturellement en fonction des indications de l’expert dans cette étude préalable.
Ainsi, si l’expert indique que le rapport peut être favorable à ses intérêts, elle lui confiera le soin d’élaborer le rapport et, dans le cas contraire, elle ne le fera pas, de sorte que la partie devra se défendre en utilisant d’autres moyens de preuve (documents, témoignages, déclarations des parties, etc.).
Concernant le moment de rendre son avis d’expert, nous pouvons dire que le moment crucial pour qu’il soit correctement produit est le moment où est présentée la requête, concernant la partie demanderesse, ou conjointement au mémoire en réponse à cette demande concernant la partie défenderesse.
Cependant, la partie défenderesse n’ayant pas le temps d’obtenir un avis d’expert dans les délais relativement brefs dont elle dispose pour répondre à la requête (10 jours concernant les procédures orales et 20 jours dans le cas de procédures ordinaires), pourra indiquer, dans son mémoire en réponse, qu’elle n’a pas pu obtenir cet avis dans le délai fixé et qu’elle pourra le produire postérieurement. Dans ce cas, elle aura l’obligation de produire un tel avis cinq jours avant l’audience en cas de procédure orale ou de l’audience préliminaire en cas de procédure ordinaire.
L’expertise « sur demande adressée au juge ».
Chacune des parties peut demander au juge qu’il désigne un expert.
Cette demande doit être simplement faite au moment où est introduite la requête concernant la partie demanderesse ou conjointement avec le mémoire en réponse concernant la partie défenderesse.
Au vu de cette demande, le juge désignera par tirage au sort un expert relevant de la spécialité professionnelle demandée par les parties –architecte, médecin, ingénieur… et requise en l’espèce–, parmi les listes de professionnels inscrits aux ordres professionnels correspondants et qui se sont dûment inscrits pour effectuer ce type de rapports judiciaires.
L’expert ayant été ainsi désigné, il devra comparaître auprès du juge pour accepter la charge confiée, moment où il devra prêter serment ou promettre de dire la vérité et d’agir tel que vu précédemment.
Suite à cette acceptation, il pourra demander aux parties de lui fournir les fonds nécessaires pour répondre à ses honoraires.
Après avoir accepté la charge et une fois les fonds nécessaires couverts, il recueillera les informations nécessaires auprès du tribunal, des parties qui interviennent dans la procédure et directement grâce à son observation de l’objet de son rapport.
Il rendra ensuite son avis et, tout comme les experts « à l’initiative d’une partie », il comparaîtra à l’acte d’instruction afin de l’exposer, le préciser et comparer ses conclusions avec celles des autres experts, etc.
En conclusion, l’expertise judiciaire, dans ses deux modalités, est une des preuves les plus importantes de la procédure civile, surtout dans le cadre du droit impliquant des dommages (personnels et matériels), et en matière de manquements ou de défauts survenus dans le cadre de contrats d’ouvrage ou de fourniture de marchandises, domaines dans lesquels l’opinion d’un expert indépendant en la matière permettra au juge de comprendre les aspects techniques de l’affaire pour l’aider, –il l’aide, mais ne l’oblige pas–, à prendre la décision qui s’impose dans l’affaire en cause.