I- L’irrecevabilité des conclusions du mandataire liquidateur.
Aux termes de l’article R661-6 du Code de Commerce, l’appel des jugements de liquidation sont instruits et jugés suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du Code de Procédure Civile.
Les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés.
Ils doivent donc constituer avocat devant la cour.
L’envoi et la remise des conclusions et pièces du mandataire de justice doivent être effectués par la voie électronique imposant le RPVA à peine d’irrecevabilité de la remise.
Aux termes de l’article 909 du Code de Procédure Civile, l’intimé dispose désormais d’un délai de trois mois à compter la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident.
Comme toute partie, le mandataire liquidateur est donc soumis au texte de l’article 909 du Code de Procédure Civile.
Les conclusions exigées du mandataire liquidateur doivent déterminer l’objet du litige.
Le mandataire liquidateur est également soumis à l’exigence de concentration des prétentions.
1° Après le premier échange de conclusions.
La pratique des mises en état, très différente suivant les cours, voire entre les chambres elles-mêmes d’une même cour, permet de donner ou non une certaine latitude aux parties pour conclure à nouveau puisque le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats.
2° Comment respecter les délais.
Le code reprend désormais un principe jurisprudentiel selon lequel conclure c’est déposer ses conclusions au greffe et les notifier dans le délai à l’avocat constitué. Si la partie n’a pas constitué avocat, les conclusions doivent être signifiées par huissier de justice dans le délai supplémentaire d’un mois. Selon l’article 911,
« Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ».
3° La sanction.
L’irrecevabilité des conclusions si l’avocat du mandataire liquidateur ne notifie ses conclusions qu’au greffe ou à son confrère. Si l’avocat de l’appelant ne signifie pas ses conclusions par voie d’huissier de justice dans le délai d’un mois suivant l’expiration de son délai pour conclure à une partie non constituée, la caducité de la déclaration d’appel sera prononcée quand bien même il aurait notifié ses conclusions au greffe dans le délai de l’article 908 du CPC. Et les conclusions de l’intimé seront également jugées irrecevables s’il ne signifie pas ses conclusions à l’encontre d’un co-intimé non constitué contre lequel il forme des prétentions.
Toutes conclusions notifiées par le mandataire après le délai de trois mois doivent être écartées des débats, et qui seront déclarées irrecevables et ne pourront être prises en compte par la cour qui devra statuer sur les seules écritures de l’appelant.
Si les conclusions sont irrecevables, les pièces communiquées au soutien desdites conclusions seront elles-mêmes irrecevables.
II- Le mandataire liquidateur peut néanmoins sous certaines conditions être autorisé à déposer une note de l’état de la procédure collective malgré le texte de l’article 909 du Code de procédure civile.
La chambre commerciale juge que le mandataire liquidateur en procédure collective, peut déposer une note de l’état de la procédure collective malgré le texte précité dans son arrêt dû au motif qu’il entre dans la mission du mandataire de justice de rendre compte, même de sa propre initiative de l’état de la procédure collective dans laquelle il a été désigné à la juridiction amenée à statuer sur celle-ci.
Il ne peut lui en être fait le reproche d’adresser à la cour une note faisant objectivement le point de l’état de la procédure collective et y joindre les pièces comptables qui éclairaient son propos.
1° L’examen du moyen.
Au cas d’espèce, la requérante fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les "conclusions" et pièces que le liquidateur a adressées à la cour d’appel, alors :
« Que la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile réalisée par le décret du 9 décembre 2009 encadre la procédure dans des délais stricts sanctionnés d’office pour chacune des parties au litige ; que l’automaticité des sanctions est la condition nécessaire de l’effectivité de la réforme et ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi qui est d’obliger l’intimé dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions d’appel à constituer avocat et à conclure par le biais du RPVA.
Que l’article R661-6 du Code du commerce impose au juge d’avoir recours à la procédure d’urgence de l’article 905 en cas d’appel du jugement de liquidation judiciaire.
Qu’en refusant de faire application des dispositions d’ordre public de la procédure avec représentation obligatoire et de déclarer irrecevable, comme le sollicitait Mme X..., le courrier du 20 janvier 2016 (et non 2015) du liquidateur et les pièces comptables qui accompagnaient ce courrier, aux motifs inopérants « qu’il entre dans la mission d’un mandataire de justice de rendre compte, même de sa propre initiative, de l’état de la procédure collective dans laquelle il a été désigné, à la juridiction amenée à statuer sur celle-ci ; qu’ainsi ,le liquidateur, dès lors qu’il n’avait pas la possibilité de constituer avocat faute de disposer des fonds nécessaires, a pu, sans qu’il puisse lui en être fait le reproche, adresser à la cour, le 20 janvier 2015, un courrier faisant objectivement le point de l’état de la procédure collective et y joindre les pièces comptables qui éclairaient son propos », la cour d’appel, qui a constaté que le liquidateur n’avait pas constitué avocat, a violé les articles 899, 903, 904, 905, 909 et 960 du Code de procédure civile, ensemble 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Qu’il résulte de la combinaison de l’article 748-1 du Code de procédure civile et des articles 2 et 3 de l’arrêté du 30 mars 2011 modifié les 18 avril et 30 décembre 2012 que, pour les appels formés à partir du 1ᵉʳ septembre 2011 devant la cour d’appel, les envois et remises des déclarations d’appel et des actes de constitution entre avocats doivent être effectués par voie électronique, les dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile imposant en outre la transmission des actes par voie électronique à peine d’irrecevabilité pour les remises à la juridiction ; qu’en prenant en considération le courrier et les pièces adressées à la cour le 20 janvier 2016 (et non 2015) par le liquidateur, bien que ceux-ci n’aient pas transité par le RPVA faute pour ce dernier de ne pas avoir constitué avocat, et ne les déclarant pas en conséquence d’office irrecevables, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Qu’aux termes de l’article 909 du Code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; que doivent être écartées des débats les pièces produites en même temps que des conclusions irrecevables.
Qu’en prenant en considération le courrier de M. Z... et les pièces comptables qui accompagnaient ledit courrier, aux motifs totalement inopérants que le principe du contradictoire avait été respecté, la cour d’appel, qui a constaté que le liquidateur n’avait pas constitué avocat malgré le caractère obligatoire de la représentation devant la cour, a violé l’article 909 du Code de procédure civile, ensemble l’article R661-6 du code du commerce et l’article 905 du Code de procédure civile ».
2° La réponse de la Cour de cassation.
L’arrêt relève qu’après avoir exactement énoncé qu’il entrait dans la mission d’un mandataire de justice de rendre compte de l’état de la procédure collective dans laquelle il a été désigné à la juridiction devant statuer sur celle-ci, et avoir constaté que la lettre envoyée par le liquidateur de Mme X... se bornait à faire le point sur l’état de la procédure collective et était accompagnée de pièces comptables éclairant son propos, la cour d’appel, qui a vérifié, comme elle devait, que ce courrier et ces pièces avaient été communiqués au conseil de Mme X..., les a, à bon droit, déclaré recevables.
Le moyen n’est pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa première branche : Mme X... fait grief à l’arrêt de prononcer l’ouverture de sa liquidation judiciaire alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif au non-respect par le liquidateur de Mme X... de la procédure avec représentation obligatoire entraînera par voie de conséquence et en application de l’article 624 du Code de procédure civile l’annulation du chef de l’arrêt ayant confirmé le prononcé de la liquidation judiciaire de Mme X..., la cour d’appel ayant pris en considération au soutien de sa décision les pièces comptables produites par le liquidateur qu’elle aurait dû déclarer irrecevables, faute pour ce dernier d’avoir constitué avocat et de les avoir transmises par RPVA.
Le moyen n’est pas fondé.
Le rejet du premier moyen rend ce grief sans portée.
Par ces motifs, la cour :
Rejette le pourvoi.
Elle rappelle donc, sous le visa de l’article 909 précité, la règle selon laquelle toute conclusion notifiée par le mandataire liquidateur après le délai de trois mois doivent être écartées des débats, qui seront déclarées irrecevables et ne pourront être prises en compte par la cour qui devra statuer sur les seules écritures de l’appelant. Si les conclusions sont irrecevables, les pièces communiquées au soutien desdites conclusions seront elles-mêmes irrecevables.
Néanmoins, Le mandataire liquidateur en procédure collective, peut être autorisé à déposer une note sur l’état de la procédure collective sous certaines conditions :
- Dès lors qu’il n’avait pas la possibilité de constituer avocat faute de disposer des fonds nécessaires ;
- Dès lors que la note a été communiquée au conseil adverse qui a ainsi pu faire part de ses observations de sorte que le principe du contradictoire est respecté.
Tel est le principe.
Notes :
Article R661-6 du Code de Commerce
Article 909 du Code de Procédure Civile
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