Des faits divers récents ont en effet révélé une hostilité et une violence exacerbées contre nos élus. Or, il est à craindre que ces faits divers ne soient malheureusement que "la partie visible d’un phénomène plus latent et en pleine expansion" (rapport précité). Le législateur a donc fait le choix de punir plus durement certaines infractions, lorsqu’elles sont commises contre nos élus locaux ou leur famille (I.). En outre, pour éviter que le climat ambiant de violence contre ces derniers n’affecte leur engagement et menace ainsi notre démocratie, d’autres dispositifs novateurs sont introduits (II.).
I. Protéger davantage nos maires et nos élus locaux.
Qu’il s’agisse de nos maires et élus locaux (A.), ou même de leur famille (B.), l’État prend acte de la circonstance que plus personne ne semble aujourd’hui véritablement épargné par le développement de la violence au quotidien. À tous ceux qui, sur le terrain, sont "à portée de gifles" [1], le législateur essaie d’offrir la garantie d’une répression plus sévère.
A. Une meilleure répression des infractions commises contre nos maires et élus locaux.
Le surcroit de violence contre nos élus locaux n’est pas du tout anodin. "L’agression d’un maire, c’est une attaque contre la République" [2]. Or, "il est très rare (paradoxalement) de ne pas avoir été victime d’agression lorsqu’on a exercé des responsabilités locales" [3]. Une réponse de fermeté s’imposait donc de la part du législateur.
Pour les violences, dont ils sont victimes, les élus locaux sont désormais assimilés aux militaires, gendarmes, agents de police et autres personnels de défense et de sécurité. Cette assimilation a vocation à jouer aussi pour les anciens élus locaux dans la limite toutefois des six années suivant l’expiration de leur mandat [4]. Si ces violences sont commises en manifestation, une peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique peut en outre être prononcée [5]. Celui qui incendie ou qui fait exploser un bien appartenant à un élu local (notamment sa permanence ou son domicile, comme on l’a vu dans les affaires les plus récentes) est dorénavant passible d’une peine criminelle [6]. Pour assurer une meilleure répression des actes de diffamation, d’injures publiques [7] et d’outrages [8] proférés contre les élus de la République, le législateur a également prévu qu’une peine de travail d’intérêt général puisse être prononcée. Lorsqu’il est commis en ligne (cyberharcèlement) ou qu’il entraine une incapacité totale de travail de plus de huit jours par un groupe ou plusieurs personnes successivement, le harcèlement d’un élu local est lui aussi à présent sanctionné plus sévèrement [9].
B. Une meilleure répression des infractions commises sur les familles de nos maires et élus locaux.
La révélation, diffusion ou transmission d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle de l’élu ou du candidat à un mandat local est aggravée dans sa répression toutes les fois où celle-ci permet d’identifier ses proches ou de les localiser, afin de les exposer à un risque d’atteinte à la personne ou aux biens [10]. Au même titre que celle des anciens élus locaux, la répression des atteintes à la vie privée des proches des élus ou des candidats à un mandat électif local est également aggravée [11].
II. Sanctuariser davantage l’engagement politique de nos maires et de nos élus locaux.
Afin d’éviter que le surcroit de violence observé contre nos élus n’entraine une véritable crise de l’engagement pouvant aller jusqu’à "une érosion des vocations électorales" [12], l’État adopte également des mesures destinées à prendre en charge nos élus locaux dans tous les temps de leur engagement. Pour préserver l’attractivité de nos mandats locaux, le législateur a ainsi estimé nécessaire d’intervenir tant sur le plan matériel (A.) que sur le plan humain (B.). Enjeux démocratiques, mesures pragmatiques.
A. De nouveaux dispositifs pour assurer l’attractivité de nos mandats locaux.
Les élus locaux ne parvenant pas à assurer leur permanence électorale contre le risque de dégradations peuvent saisir le bureau central de tarification, afin qu’il fixe lui-même le montant de leur prime d’assurance. Les entreprises d’assurance qui persistent dans leur refus s’exposent alors à des sanctions administratives pouvant aller jusqu’au retrait de leur agrément [13]. Cette mesure a vocation à profiter aussi aux candidats à des mandats locaux. Ces dispositions prendront utilement en charge une partie des difficultés matérielles rencontrées par les élus locaux qui peinent à assurer leur permanence. Elles n’entreront toutefois en vigueur qu’en mars 2025.
Sur la période de six mois précédant l’élection et en dehors de toute protection fonctionnelle, l’État prend dorénavant en charge certaines dépenses de sécurité des candidats à un mandat local [14]. Les demandes de remboursement devront être adressées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), selon une procédure prévue à cet effet [15]. Ces dispositions entreront également en vigueur en mars 2025.
B. Un nouveau régime procédural de faveur pour libérer la parole des élus.
Lorsqu’ils sont victimes de violences, menaces ou outrages, les maires et élus municipaux, qui en font la demande, bénéficient d’une protection fonctionnelle, dont l’octroi est automatique. Le bénéfice de celle-ci ne peut leur être retiré ou abrogé a posteriori que sur décision motivée du conseil municipal [16]. Cette mesure est particulièrement opportune et permettra d’éviter que les élus ne s’auto-censurent en renonçant au préalable à engager toute procédure dont ils redoutent le coût. Elle constitue sans doute l’innovation la plus remarquable de cette loi. Cette protection fonctionnelle automatique a vocation à bénéficier également aux membres du conseil de la communauté de communes [17], ainsi qu’à certains élus départementaux [18] ou régionaux [19] victimes de ces mêmes infractions. Ce nouveau régime de protection fonctionnelle a l’avantage surtout de profiter aux anciens élus locaux. C’est le cas pour les anciens maires, anciens élus municipaux [20] mais aussi pour certains anciens élus départementaux [21] ou régionaux [22].
Élus de terrain plus exposés, les maires et élus municipaux, ainsi d’ailleurs que les anciens maires et anciens élus municipaux [23], sont les seuls en revanche à voir intégrer à leur protection fonctionnelle la prise en charge de certaines dépenses liées aux soins médicaux et à l’assistance psychologique, dont ils ont pu bénéficier à raison des faits dont ils ont été victimes [24]. Les élus départementaux ou régionaux ne bénéficient pas de cette mesure de faveur.