La déontologie des acteurs de la sécurité privée.

Par Maxime Thiébaut, Avocat.

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Explorer : # déontologie # sécurité privée # sanctions disciplinaires # relations publiques

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Cet article examine les obligations déontologiques des acteurs de la sécurité privée envers les autorités publiques et le public. Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est chargé de réguler les professions de sécurité privée. Les violations déontologiques des acteurs de la sécurité privée peuvent entraîner des sanctions disciplinaires et pénales.
Description rédigée par l'IA du Village

Les jeux olympiques nous rappellent que les acteurs de la sécurité privée sont devenus incontournables pour assurer la protection des personnes et des biens. Si "l’une des premières caractéristiques du secteur de la sécurité privée touche à sa diversité" [1], l’existence d’une déontologie commune à la profession répond donc à la nécessité d’en fédérer les acteurs. "Cette évolution implique en effet des opérateurs de sécurité privée irréprochables dans leur moralité et leur fonctionnement" [2].

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Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est ainsi "chargé d’assainir les professions réglementées de la sécurité privée" [3]. Jugés particulièrement graves, les manquements déontologiques des acteurs de la sécurité privée sont soumis à une logique de double peine ; les sanctions disciplinaires pouvant être cumulées avec d’éventuelles sanctions pénales [4]. Dans le contexte d’une "action disciplinaire en hausse" [5], les obligations déontologiques des acteurs de la sécurité privée devront donc être envisagées, tant dans leurs rapports avec les autorités publiques (1.), que dans leurs rapports avec la population (2.).

1. La déontologie des acteurs de la sécurité privée dans leurs relations avec les autorités publiques.

Les acteurs de la sécurité privée n’agissent que par l’effet d’une dévolution de compétence de l’État. Pour pouvoir exercer leur activité professionnelle, ils doivent avoir été préalablement habilités par l’autorité publique. Délivrées par le directeur du CNAPS ou, dans certains cas, les autorités préfectorales [6], ces habilitations prennent la forme, soit d’un agrément pour les dirigeants de ces entreprises, soit d’une carte professionnelle pour leurs agents [7].

Le refus d’habilitation n’est toutefois pas privé d’une garantie de recours. Les décisions de refus de délivrance d’un agrément ou d’une carte professionnelle peuvent être contrôlées par le juge administratif, et même donner lieu au versement de dommages-intérêts [8]. Il a, par exemple, été jugé illégal, pour erreur manifeste d’appréciation, le refus de délivrance d’une carte professionnelle fondé sur la seule circonstance que l’intéressé avait "fait l’objet d’une composition pénale pour des faits de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique" [9].

L’habilitation est très importante dans la mesure où, une fois habilités, les acteurs de la sécurité privée ne peuvent plus exercer d’autres activités que celles pour lesquelles ils ont justement reçu une habilitation [10]. Cette règle déontologique est méconnue dès lors qu’une prestation de télésurveillance est, par exemple, associée à une prestation d’accueil [11].

Sur toute la durée de leur habilitation, les acteurs de la sécurité privée doivent ainsi être en mesure de présenter leur agrément ou carte professionnelle sur simple demande de leurs clients ou des acteurs institutionnels compétents pour les contrôler [12]. Les salariés d’une entreprise de sécurité privée sont en outre tenus d’informer leur employeur de tous les changements susceptibles d’affecter la validité de leur habilitation individuelle [13]. Il a cependant été jugé que "le seul défaut de justification de la détention matérielle d’une carte professionnelle lors du contrôle" ne revêtait pas le caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation d’un marché de sécurité privée par une commune [14].

Habilités par les autorités publiques, les acteurs de la sécurité privée sont en outre tenus au respect d’un devoir général de compétence qui leur impose d’assurer une formation continue [15]. La maitrise de la déontologie fait d’ailleurs partie intégrante de cette exigence de compétence [16]. Ce faisant, les agents de sécurité privée doivent refuser de mettre à exécution les consignes de leur hiérarchie qu’ils auraient identifiées comme contraires à la déontologie [17].

En ce sens, ils ne peuvent pas porter d’autres armes que celles qui leur ont été spécialement confiées pour l’exercice de leur mission [18]. A ce sujet, ne pouvant être utilisée qu’en cas de légitime défense [19], l’arme doit toujours être portée "de façon continue et apparente" [20]. Le contrôle du port des armes est une question particulièrement sensible. Le licenciement d’un agent de sécurité privée, qui avait simplement sorti sa matraque dans le cadre d’une altercation avec son collège, a ainsi été jugé justifié [21].

En outre, une mission de contrôle sur la voie publique suppose une autorisation spéciale de l’État. Elle doit faire l’objet d’un compte-rendu écrit aux autorités régaliennes [22]. Pour l’appréhension des personnes réfractaires aux contrôles [23], seul l’emploi proportionné de la force est admis [24]. S’ils envisagent d’appréhender les auteurs de crimes ou de délits punis de peines d’emprisonnement, les agents de sécurité des transports ont l’obligation d’en informer sans délai les services de police ou de gendarmerie [25].

Tenus au respect d’un devoir général de loyauté et de transparence à l’égard des autorités publiques [26], les agents de sécurité privée ont l’obligation de collaborer avec les autorités de poursuite, dès lors qu’ils sont mis en cause dans une affaire. Ils doivent même en aviser leur hiérarchie [27].

Dans leurs relations, les acteurs de la sécurité privée sont tenus entre eux d’un devoir de loyauté. Ils conservent bien évidement la possibilité de révéler aux autorités publiques les manquements déontologiques de leurs collègues [28]. Ils ne peuvent jamais, en tout état de cause, se soustraire aux contrôles, dont ils font personnellement l’objet [29].

2. La déontologie des acteurs de la sécurité privée dans leurs relations avec le public.

"L’autorisation d’exercice ne confère aucune prérogative de puissance publique à l’entreprise ou aux personnes qui en bénéficient" [30]. Ainsi que le précise le ministère de l’Intérieur, "la condition sine qua non au développement de la sécurité privée est donc l’établissement d’une relation de pleine confiance avec la population" [31]. Les acteurs de la sécurité privée sont tenus d’un devoir général d’exemplarité, leurs comportements ne devant jamais nuire à l’image de leur fonction [32]. Ce devoir général d’exemplarité des agents de sécurité privée trouve aujourd’hui un écho particulier en matière de violences sexistes et sexuelles. Le licenciement d’un agent de sécurité ayant simplement montré une photo pornographique à une jeune salariée d’une entreprise tierce a ainsi été jugé proportionné [33].

Les agents de sécurité privée doivent en outre pouvoir être identifiés comme tels par la population. Afin de "renforcer le sentiment d’appartenance à une profession de sécurité" [34], ils sont tenus de porter une tenue spécifique [35]. Pour les agents de sécurité des transports qui opèrent en civil, la dispense du port de la tenue doit d’ailleurs faire l’objet d’une habilitation spéciale des autorités publiques [36]. Leurs missions avec dispense de port de la tenue doivent systématiquement donner lieu à un compte-rendu écrit aux autorités régaliennes [37]. Outre cette exigence vestimentaire, "le comportement ou le mode de communication de l’agent" ne doit pas non plus prêter à confusion [38]. Il en est de même pour les entreprises de sécurité privée personnes morales, qui doivent impérativement faire figurer dans leur dénomination sociale qu’elles sont des personnes de droit privé et non de droit public [39]. Dans leur communication avec le public, les entreprises de sécurité privée ne doivent en aucun cas faire état de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire de la gendarmerie de leur dirigeant ou employé [40].

Tenus comme tout un chacun de respecter les lois [41], les acteurs de la sécurité privée doivent "agir avec discernement, de manière opportune et adaptée" [42]. Le Code de la sécurité intérieure précise qu’ils doivent faire preuve "d’humanité" [43]. Ils sont tenus à l’égard de leurs clients d’un devoir de conseil, qui les empêche de formuler toute offre de prestation inadaptée à leurs besoins réels [44]. Dans l’exercice de leurs missions, les agents de sécurité privé s’abstiennent de toute violence, "même légère" [45]. Il a ainsi été jugé que "l’enserrement de manière prolongé du cou était un geste disproportionné au but à atteindre et à la gravité de la menace" pour le contrôle d’un passager qui n’était pas muni d’un titre de transport. Afin de prévenir toute dérive, les agents de sécurité privée n’ont pas la possibilité de s’opposer à ce qu’un tiers filme leurs interpellations [46]. Le respect de la confidentialité, donc du secret professionnel, est également une obligation déontologique des acteurs de la sécurité privé [47]. Au titre d’un devoir général de respect du public, les agents de la sécurité privée doivent se montrer impartiaux et s’interdire toute discrimination. Ils "agissent avec tact, diplomatie et courtoisie" [48]. Se gardant de toute familiarité, les agents de sécurité des transports sont expressément tenus au vouvoiement [49]. Pour le contrôle des personnes, les palpations supposent toujours la double autorisation de l’employeur et des autorités publiques [50].

La prescription applicable aux manquements déontologiques des acteurs de la sécurité privée est de trois ans [51]. Selon la gravité du manquement déontologique constaté, la sanction est prononcée, pour les agents de sécurité privée, tantôt par le directeur du CNAPS, tantôt par sa commission de discipline [52]. Lorsque la sanction disciplinaire est prononcée par le directeur du CNAPS, elle ne peut pas faire directement l’objet d’un recours contentieux puisqu’elle doit impérativement être précédée d’un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de discipline dans les quinze jours suivant sa notification [53]. Les sanctions encourues sont l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire ou définitive d’exercice, ainsi que des pénalités financières [54].

Maxime Thiébaut
Avocat associé du cabinet Fidelio Avocats
Barreau de Paris
Docteur en droit public
www.fidelio-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1A. Thourot et J.-M. Fauvergue, D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, rapport parlementaire, 2018.

[2Ministère de l’Intérieur, Livre blanc de la sécurité intérieure, 2020.

[3X. Latour et P. Moreau, "Le Conseil national des activités privées de sécurité et la moralisation de la sécurité privée", SJAC n°15, 11 avr. 2011.

[4Art. L631-2 du CSI et L2251-3 du c. transp.

[5D. Clavière, directeur du CNAPS, rapport d’activité annuel 2023.

[6Art. L612-24 du CSI (pour les agents de sécurité privée) et R2250-2 du c. transp. (pour les agents de sécurité des transports).

[7Art. L612-6 (agrément) et L612-20 du CSI (carte professionnelle).

[8Voir par ex. CE, 18 avril. 2024, n°456553.

[9TA Grenoble, 27 janv. 2023, n°2103501.

[10Art. L612-2 (principe) et L617-1 2° du CSI (sanction pénale).

[11TA Strasbourg, 23 mai 2023, n°2201048.

[12Art. R631-25 du CSI.

[13Art. R631-26 du CSI et R2251-20 al. 2nd du c. transp.

[14TA Nice, 11 avril 2023, n°2001632.

[15Art. R631-22 et R631-7 al. 2d du CSI.

[16Art. R631-3 al. 2 du CSI, L2251-1 al. 3 et R2251-23 du c. transp.

[17Art. R631-16 du CSI et R2251-24 du c. transp.

[18Art. R631-11 du CSI, R2251-14 et R2251-44 du c. transp.

[19Art. R2251-48 du c. transp.

[20Art. R2251-45 du c. transp.

[21CAA Lyon, 15 janv. 2020, n°18LY01983.

[22Art. R2251-29 du c. transp.

[23Art. R2251-15 du c. transp.

[24Art. R2251-17 du c. transp.

[25Art. R2251-16 du c. transp.

[26Art. R631-13 du CSI.

[27Art. R2251-20 al. 1ᵉʳ du c. transp.

[28Art. R631-8 du CSI.

[29Art. R631-14 du CSI ; art. L617-14, L624-12 et L625-7 du CSI ; art. L2251-6 et L2252-2 du c. transp.

[30Art. L612-14 du CSI.

[31Livre blanc de la sécurité intérieure, 2020.

[32Art. R631-5 (devoir de dignité), R631-18 du CSI (honnêteté des démarches commerciales) et R2251-6 du c. transp.

[33CA Aix-en-Provence, 18 juin 2021, n°19/04314.

[34Ministère de l’Intérieur, Livre blanc de la sécurité intérieure, 2020.

[35Art. R631-27 al. 2d du CSI, R2251-13 et R2251-31 du c. transp. ; art. R617-1 du CSI (sanction pénale).

[36Art. R2251-31 et R2251-32 du c. transp.

[37Art. 2251-33 du c. transp.

[38Art. R631-12 du CSI (interdiction de se prévaloir de l’autorité publique) et R2251-19 du c. transp.

[39Art. L612-3 (principe) et L617-2 du CSI. (sanction pénale).

[40Art. L612-5 (principe) et L617-6 du CSI (sanction pénale).

[41Art. R631-4 du CSI et R2251-4 du c. transp.

[42Art. R2251-9 du c. transp.

[43Art. R631-7 al. 1er du CSI.

[44Art. R631-20 du CSI.

[45Art. R631-10 du CSI.

[46Déc. du Défenseur des droits, 19 mars 2020, n°2020-056.

[47Art. R631-9 du CSI et R2251-7 du c. transp.

[48Art. R631-27 al. 1er du CSI et R2251-5 du c. transp.

[49Art. R2251-12 al. 3 du c. transp.

[50Art. R2251-49 (employeur) et R2251-52 du c. transp. (autorités publiques).

[51Art. L634-7 al. 2nd du CSI.

[52Art. L634-11 du CSI.

[53Art. L634-7 du CSI.

[54Art. L634-9 du CSI.

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