L’alinéa premier de l’article L121-8 prévoit en effet toujours que
« L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants » (la seule différence entre la rédaction actuelle et la rédaction initiale concerne la conjugaison de la phrase passant de « doit se réaliser en continuité » à « se réalise en continuité »).
Malgré l’ancienneté de cette règle, la notion d’extension de l’urbanisation qui constitue la clé d’entrée de l’exigence de continuité, n’a jamais été évidente à apprécier et les interrogations demeurent dans certains cas aujourd’hui.
Il est constant que toute construction implantée en dehors des villages ou agglomérations existants, en zone d’habitat diffus, constitue en principe une extension de l’urbanisation [1].
A ce principe, une exception a toutefois été consacrée, et les concours de cette exception sont délicats à apprécier.
L’enjeu est important puisqu’à défaut de constituer une extension de l’urbanisation, le projet de construction pourra être implanté en zone d’urbanisation diffuse.
Il est jugé que ne constitue pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme le simple agrandissement d’une construction existante [2]. Autrement dit, le simple agrandissement d’une construction existante peut s’implanter en zone d’urbanisation diffuse, à défaut pour l’article L121-8 de s’appliquer.
S’il apparait clair aujourd’hui que la notion de simple agrandissement correspond à l’extension d’une construction existante, accolée et de taille limitée (1), des interrogations subsistent dans l’hypothèse d’une construction de taille limitée, détachée physiquement de l’existant, mais avec lequel elle forme une unité fonctionnelle et complémentaire (2).
1- L’extension d’une construction existante stricto sensu (accolée à l’existant).
Il est jugé que ne constitue pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme le simple agrandissement d’une construction existante.
- L’agrandissement en l’occurrence de 30% d’une construction existante constitue un simple agrandissement et non une extension de l’urbanisation soumise à la règle de la continuité avec les agglomérations et villages existants [3].
- S’agissant d’un permis de construire qui autorisait une extension de 42 m2 d’une construction existante à usage d’habitation disposant initialement d’une surface hors oeuvre nette de 105 m2 (simple agrandissement autorisé) [4].
- Plus récemment, la jurisprudence des juridictions du fond : dans cette affaire, il était question d’un permis de construire délivré pour la rénovation et l’extension de bâtiments existants en vue de la création d’un complexe hôtelier sur l’île de Berder (une île de la commune de Larmor-Baden, d’une superficie de 23 ha) [5].
Le projet prévoyait une extension des bâtiments existants à hauteur de 30% de leur emprise au sol et de 45% pour l’évolution de la surface de plancher. La surface de plancher des bâtiments existants passait de 5 559,44 m2 à 8 093,53 m2, et une aire de stationnement était créé pour permettre l’accueil de 80 à 100 véhicules pour les résidents.
Le juge a considéré que le projet constituait une extension de l’urbanisation, prohibée par les dispositions de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, en raison de l’augmentation substantielle de l’emprise au sol bâtie dans un secteur de périmètre modeste
Il apparait donc clair que la notion de simple agrandissement correspond à une extension de l’existant, limitée, et qui présente un lien physique et fonctionnel avec l’existant.
Se pose toutefois la question de savoir si l’édification d’une construction à proximité de l’existant, et non accolée, peut être qualifiée de simple agrandissement.
Autrement dit, est ce que le simple agrandissement d’une construction existante suppose un lien physique réel, stricto sensu, ou est-ce que le lien fonctionnel et la complémentarité avec la construction existante, suffisent ?
2- L’édification d’une construction à proximité de l’existant (détachée de l’existant).
Il ressort d’une lecture de la jurisprudence des juges du fond que ces derniers adoptent, ces trois dernières années, une lecture plutôt souple de la notion d’agrandissement d’une construction existante, à quelques exceptions près (a). La jurisprudence récente du Conseil d’Etat interroge cependant sur la remise en cause de cette souplesse (b).
a) La position des juges du fond.
Il a récemment été jugé que ne constituait pas une extension de l’urbanisation mais un simplement agrandissement de construction existante :
- La construction d’une annexe de taille limitée et à proximité immédiate d’un bâtiment déjà existant [6]. L’annexe présentait une superficie de 42 m2 (préau pour stationner deux véhicules). Le juge soulignait le fait que l’annexe était de taille modeste, qu’elle avait une utilité de simple garage, et qu’elle était située à quelques mètres seulement de la maison d’habitation existante
- La construction d’une piscine située à proximité immédiate d’une maison eu égard à sa localisation et au caractère modeste des dimensions envisagées (16 m2) [7]
- La construction d’un abri de jardin, à usage de stockage, de dimension limitée, en continuité du bâti existant [8]. Les bâtiments existants représentaient une surface au sol de 253m2, et ils étaient séparés de l’abri de jardin par quelques mètres seulement (3 mètres).
Le juge rappelait dans cette affaire que :
« en adoptant l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions, sous réserve qu’il y ait une certaine unité physique et fonctionnelle réelles entre la construction existante et l’ouvrage supplémentaire ».
- L’édification d’un ensemble de toboggans aquatiques et d’un local technique, dans un camping [9].
Il était question dans cette affaire d’un déféré préfectoral dirigé à l’encontre d’un permis de construire délivré à une société de camping, pour l’installation d’un ensemble de toboggans aquatiques et d’un local technique sur le territoire de la commune.
La taille des constructions projetées était de 191 m2. Le camping disposait d’un espace aquatique comprenant des piscines de plein air et d’un espace de baignade de type « lagon » d’une surface significative.
Le tribunal a jugé que le projet constituait une simple opération d’agrandissement et non une extension de l’urbanisation.
Il soulignait le fait que :
- Le camping disposait déjà d’un espace aquatique (piscine et lagon significatif)
- L’extension d’un ensemble de tobogans aquatiques et d’un local technique n’était pas excessive par rapport à la superficie du parc existant
- Les constructions projetées se situaient dans la continuité du parc aquatique existant avec lequel elles forment un ensemble fonctionnel
- Le projet n’augmentera pas la fréquentation maximale instantanée de la zone de baignade
Le déféré préfectoral a donc été rejeté.
On pourra remarquer que ce jugement vient remettre en cause un précédent jugement du même tribunal adopté quelques années plus tôt [10].
Il résulte de cette jurisprudence que les constructions, détachées de l’existant, de taille limitée par rapport à celui-ci, et avec lequel elles forment un ensemble fonctionnel, peuvent être qualifiées de simple agrandissement d’une construction existante.
Ces constructions sont admises en zone d’urbanisation diffuse, et donc en dehors des agglomérations et villages existants, en raison de leur faible ampleur, de leur localisation et de leur fonction de complémentarité avec l’existant (proximité avec le bâtiment existant avec lequel elles forment un ensemble fonctionnel).
Le lien physique stricto sensu n’apparait donc pas indispensable à la qualification de simple agrandissement d’une construction existante.
Une jurisprudence récente du Conseil d’Etat interroge cependant sur le maintien, à terme, de cette jurisprudence.
b) Des interrogations sur la position de la juridiction suprême.
Il faut remarquer un arrêt récent du Conseil d’Etat, mentionné aux tables, qui se prononce sur la notion d’extension de construction existante [11].
Dans cette affaire, il était question d’un permis de construire autorisant l’extension d’une maison d’habitation existante. La maison existante présentait une surface de plancher de 63 m2, et le projet avait pour objet de porter cette surface à 329 m2.
Un article du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) autorisait dans la zone à titre dérogatoire, l’extension de certains bâtiments dont l’implantation ne respectait pas les règles d’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.
Se posait la question de savoir si le projet, qui avait pour objet de quintupler la surface de l’existant, devait être qualifié d’extension de bâtiment, auquel cas il pouvait bénéficier de la dérogation, ou de nouvelle construction.
La Cour administrative d’appel de Versailles avait jugé qu’en l’absence de dispositions du PLU limitant la surface des extensions susceptibles d’être autorisées dans la commune, la notion d’extension devait seulement s’apprécier au regard du critère de continuité physique et fonctionnelle, et de sa complémentarité avec la construction existante, et ce, nonobstant la superficie des travaux projetés par rapport à l’existant.
Autrement dit, la proportion de l’extension par rapport à l’existant n’était pas prise en compte.
Il en résultait que le projet était considéré par la cour comme constituant une extension et non une construction nouvelle [12].
Le Conseil d’Etat a néanmoins décidé qu’en l’absence de précision dans le règlement du PLU, la notion d’extension d’une construction existante s’entendra en principe de l’agrandissement de la construction existante présentant :
- Un lien physique et fonctionnel avec elle
- Des dimensions inférieures à la construction existante.
Voir l’extrait de l’arrêt :
« Lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’extension d’une construction existante, lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci » [13].
Même si cette affaire ne concernait pas la mise en œuvre des dispositions de la loi « littoral », elle pourrait avoir des incidences sur la mise en œuvre des dispositions de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme.
L’on peut en effet s’interroger sur ses conséquences s’agissant de la notion de simple agrandissement d’une construction existante.
Elle pourrait en effet conduire à considérer que la notion de simple agrandissement d’une construction existante, nécessite :
- D’une part, une construction de dimension nécessairement inférieure par rapport à l’existant
- D’autre part, une construction présentant un lien physique et fonctionnel avec l’existant, ce qui suppose a priori une construction accolée à l’existant.
La jurisprudence précitée serait alors nécessairement remise en cause sur ce point, à moins que l’on considère que le lien physique ne suppose pas nécessairement une construction accolée à l’existant.
Certains juges du fond semblent aller en ce sens.
Voir ainsi le jugement précité du TA de Rennes [14] dans lequel le tribunal considère clairement qu’un abri de jardin présente un certain lien physique et fonctionnel avec l’habitation existante, du fait, probablement, de la faible distance qui les sépare.
Ainsi, malgré l’ancienneté de la règle, et malgré une jurisprudence plutôt fournie, des interrogations demeurent sur la notion de simple agrandissement d’une construction existante. La notion de lien physique entre la construction projetée et la construction existante devra en effet être précisée.