Il faut préciser qu’un logement est considéré comme occupé en tant que résidence principale dès lors qu’il est occupé au moins 8 mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
Il est alors admis que les propriétaires louent temporairement leur résidence principale en tant que meublé de tourisme mais cette location est limitée à 120 jours par an [1].
Il ressort des travaux parlementaires que cette mesure est justifiée par l’impératif d’intérêt général de lutte contre l’attrition des résidences principales. Les logements secondaires, lorsqu’ils représentent une part importante des habitations sur le territoire communal, constituent en effet un frein évident à l’accès des ménages à des résidences principales.
Le régime relatif à cette servitude apparait principalement aux articles L151-14-1, L153-31 (III), et L481-4 du Code de l’urbanisme.
Il convient de distinguer le régime d’instauration de la servitude (1) de celui de la garantie du respect de la servitude (2).
1- Le régime d’instauration de la servitude.
Le régime d’instauration de la servitude sur le territoire communal apparait plutôt complet, qu’il s’agisse des conditions d’instauration de la servitude (a) que des modalités de cette instauration (b).
a) Sur les conditions d’instauration de la servitude.
Ces conditions figurent à l’article L151-14-1 du Code de l’urbanisme, et elles sont relatives aux communes concernées, au périmètre de la servitude, aux logements concernés et au sort de la servitude dans le temps.
En premier lieu, sur les communes concernées, il faut préciser que toutes les communes ne peuvent pas instaurer la servitude.
Ainsi, les auteurs du PLU peuvent instaurer la servitude dans les communes dans lesquelles :
- Soit la taxe annuelle sur les logements vacants est applicable [2]
- Soit les résidences secondaires représentent plus de 20% du nombre total d’immeubles d’habitation « dans le périmètre du règlement ».
A ce sujet, il faut préciser que l’utilisation de cette expression pourrait interroger quant au calcul de la proportion de résidences secondaires.
L’on pourrait en effet se demander si ce taux doit être calculé sur le périmètre de la servitude (zones urbaines et à urbaniser) ou plus largement sur le périmètre intercommunal du PLU, en présence d’un PLUi.
Il ressort toutefois des travaux parlementaires, qu’il s’agit de prendre en compte le taux de résidences secondaires à l’échelle de la commune.
En second lieu, s’agissant du périmètre de la servitude, et des logements concernés, il faut préciser que la servitude :
- ne peut être instaurée que dans les zones urbaines et à urbaniser
- ne concerne pas le parc de logement existants, ce qui limitera nécessairement l’étendue des effets de la servitude.
Ceux qui souhaitent acquérir une résidence secondaire pourront encore le faire dans l’ancien.
Seules les nouvelles constructions de logements sont en effet impactées.
En troisième et dernier lieu, s’agissant des effets de la servitude dans le temps, il faut également préciser que si la servitude est instaurée puis supprimée, elle ne pourra plus être opposée, tant à l’égard des logements à venir que de ceux autorisés sous l’empire de la servitude (c’est-à-dire ceux qui étaient soumis auparavant à la servitude) [3].
b) Sur les modalités d’instauration de la servitude.
La servitude doit être instaurée dans le règlement du PLU de la commune, et donc par délibération (du conseil municipal ou communautaire s’il s’agit d’un PLUi).
Cette instauration peut alors se faire à l’occasion de l’élaboration du PLU, ou si un PLU couvre déjà le territoire communal, par modification simplifiée, et donc sans enquête publique [4].
Il peut être utile de préciser que si le territoire est couvert par un PLUi et que la servitude envisagée ne concerne que le territoire d’une seule commune, l’initiative de la modification simplifiée du plan pourra être prise par le maire de la commune concernée, et ce, même si l’EPCI est compétent en matière de PLU [5].
A noter qu’il existe une spécificité pour le territoire de La Corse qui pourra instaurer la servitude, même en l’absence de PLU.
2- Le régime du respect effectif de la servitude.
Des mécanismes destinés à prévenir la méconnaissance de la servitude et à sanctionner cette méconnaissance ont été instaurés.
Il s’agit de l’information des propriétaires et locataires de l’existence de la servitude (a), et de la mise en œuvre par le maire du pouvoir de prononcer une mise en demeure sous astreinte (b).
Aucun mécanisme de contrôle n’est toutefois explicitement prévu en amont, au stade de l’instruction des demandes de permis de construire les logements, ce qui peut interroger sur le rôle du service instructeur (c).
a) L’information des propriétaires et locataires de l’existence de la servitude.
L’article L151-14-1 du Code de l’urbanisme instaure l’obligation de mentionner la servitude dans toute promesse de vente, tout contrat de vente ou de location, ou tout contrat constitutif de droits réels. A défaut, le contrat est entaché de nullité.
Les propriétaires et locataires successifs sont donc informés de l’obligation de respecter la servitude.
Le respect de cette servitude fait également partie des obligations légales du locataire consacrées par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, modifiée par la loi Le Meur.
Il est en effet désormais prévu que le non-respect par le locataire de cette servitude entrainera de plein droit la résiliation du bail [6].
b) Les pouvoirs du maire pour garantir le respect effectif de la servitude.
L’article L481-4 du Code de l’urbanisme créé par la loi Le Meur a également instauré un mécanisme de sanction du non-respect de la servitude instaurée.
Ce dispositif se rapproche manifestement de celui des astreintes financières de l’article L481-1 du même code mais il est bien plus sévère.
En résumé :
- Un procès-verbal d’infraction devra être dressé en amont, pour méconnaissance de la servitude, par les personnes listées à l’article L480-1 du Code de l’urbanisme (principalement le maire, la police municipale et les agents commissionnés et assermentés)
- Un courrier de mise en œuvre de la procédure contradictoire devra être adressé à l’intéressé par LRAR, et il conviendra de lui laisser un délai suffisant pour qu’il présente ses observations (le délai de 10 jours est délai raisonnable).
- La mise en demeure pourra être adressée au propriétaire du logement ou si besoin au locataire, également par LRAR.
Il s’agira d’une mise en demeure de régulariser la situation, dans un délai qui ne pourra pas excéder un an, sous astreinte (pour une meilleure efficacité).
Le délai devra être fixé en tenant compte des circonstances (la nature de la méconnaissance de la servitude, et les moyens mis à disposition de l’intéressé pour y remédier).
Le montant de l’astreinte peut aller jusqu’à 1 000 euros par jour de retard, sans pouvoir excéder le plafond de 100 000 euros.
c) Le rôle du service instructeur dans la garantie du respect de la servitude.
La loi Le Meur n’apporte aucune précision sur la possibilité de contrôler en amont les intentions du propriétaire, au stade de la demande de permis de construire, ni même sur la possibilité d’imposer le respect de la servitude à travers le permis, dans une prescription.
Les règles applicables à l’instruction des demandes de permis révèlent néanmoins que le service instructeur a tout de même un rôle à jouer au stade de l’instruction des demandes de permis. Ce rôle est d’ailleurs essentiel.
Trois hypothèses doivent être distinguées :
Première hypothèse : la demande de permis précise qu’il s’agira d’une résidence secondaire.
Le permis pourra vraisemblablement être refusé dans ce cas pour méconnaissance de la servitude de résidence principale.
Cela suppose toutefois de considérer qu’aucune prescription ne peut être exigée sur l’usage comme résidence principale, et donc que l’usage exigé de la construction est de nature à remettre en cause le projet même de construction de logement.
Deuxième hypothèse : la demande de permis précise que le projet sera affecté à une résidence principale.
Il pourra être utile de rappeler la nécessité de respecter la servitude dans une prescription.
La prescription ne pourra toutefois pas être utilisée pour faire valoir une non-conformité au permis (et une méconnaissance de la servitude) dans le cas où la servitude d’urbanisme serait supprimée par la suite du règlement.
En effet, le Code de l’urbanisme prévoit clairement que lorsque le règlement est modifié et supprime un secteur soumis à l’obligation de résidence principale, les logements concernés « ne sont plus soumis à ladite obligation ».
Le règlement du PLU apparait alors comme étant le seul moyen d’imposer le respect de la servitude de résidence principale, de telle sorte que la suppression de la servitude dans ce règlement, entrainera automatiquement une suppression de l’obligation de la respecter y compris pour les logements autorisés sous l’empire de cette servitude. La suppression de la servitude vaut non seulement pour les futurs logements mais également pour ceux autorisés auparavant sous l’empire de la servitude.
Peu importe que le permis de construire mentionnait à l’époque le projet d’une résidence principale, ou que le permis comprenait une prescription sur la servitude de résidence principale.
Troisième hypothèse : la demande de permis ne précise pas le mode d’utilisation principale du ou des logements (résidence principale ou secondaire).
L’on pourrait considérer que ce défaut d’information prive le service instructeur d’une information nécessaire à l’appréciation de la conformité du projet à la réglementation d’urbanisme applicable (en l’occurrence à la servitude de résidence principale), si les autres pièces du dossier ne permettent pas de pallier à cette insuffisance.
Il est jugé dans cette hypothèse que le permis peut être refusé.
En particulier, il est jugé que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas tous les documents requis ou comporte des documents insuffisants, imprécis ou inexacts ne rend illégal le permis de construire qui a été accordé que si les omissions, inexactitudes ou insuffisances ont faussé l’appréciation de l’administration sur la conformité du projet à la réglementation applicable [7].
Il en résulte que si le service instructeur considère que l’omission de la mention relative au mode d’utilisation du logement (résidence principale ou secondaire) ne lui permet pas d’apprécier la conformité du projet à la réglementation d’urbanisme applicable, un refus de la demande pourra être envisagé.
Dans ce cas, afin d’éviter un refus pour ce motif, il peut être utile de demander au pétitionnaire de compléter le formulaire. Cette demande ne constituera évidemment pas une demande de pièces manquantes de nature à faire proroger le délai d’instruction de la demande de permis.
L’on peut toutefois légitimement espérer que le pétitionnaire répondra à cette demande.