Forum : Questions techniques et entraide entre juristes

Sujet : Non-représentation de petit-enfant...Et après ?

Echanges sur des points de droit.

de busbecq   le Mer 07 Nov 2007 19:15

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Ah bien, pour le coup, je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est même ce que je me suis escrimé à expliquer dans un autre sujet.

L'article 371-4 du code civil consacre un droit de l'enfant, et non de l'ascendant.

Il n'empêche que sur la base de ce même article, les tribunaux civils continuent à accorder des DVH aux ascendants qui en font la demande, ce qui est déjà discutable en soi.

Mais en plus, les tribunaux correctionnels en rajoutent une couche en condamnant les parents pour non-représentation d'enfant sur le fondement de l'article 227-5 du code pénal, alors qu'à mon sens, cet article ne s'applique qu'à l'atteinte à l'exercice de l'autorité parentale (interprétation stricte).

   

de Camille   le Jeu 08 Nov 2007 14:36

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Bonjour,
busbecq a écrit :Il n'empêche que sur la base de ce même article, les tribunaux civils continuent à accorder des DVH aux ascendants qui en font la demande, ce qui est déjà discutable en soi.

Pas forcément illogique SI il apparaît que les grand-parents ont fait la demande alors que ce sont les parents qui s'y opposent ET ALORS QUE l'enfant manifeste la volonté d'avoir des relations avec ses grand-parents (situation n°1) parce que là, c'est bien le droit de l'enfant qui s'exerce indirectement ;

Illogique et anormale SI il apparaît que les grand-parents ont fait la demande alors que ce sont les parents qui s'y opposent MAIS QUE l'enfant manifeste de l'indifférence, voir une hostilité à avoir des relations avec ses grand-parents (situation n°2), parce que là, ce serait en contradiction avec le droit de l'enfant. Et qui dit droit dit choix de l'exercer ou pas et non pas d'y être contraint par des tiers.

busbecq a écrit :Mais en plus, les tribunaux correctionnels en rajoutent une couche en condamnant les parents pour non-représentation d'enfant sur le fondement de l'article 227-5 du code pénal, alors qu'à mon sens, cet article ne s'applique qu'à l'atteinte à l'exercice de l'autorité parentale (interprétation stricte).

Ne me paraîtrait pas illogique si on était dans la situation n°1 et que le DVH ait bien été accordé par un tribunal.

Et euh... pas tout à fait d'accord avec vous. Etre le bénéficiaire d'un droit de visite donne le droit de réclamer au sens de cet article et, à mon sens, le 227-5 n'est pas limité à "ceux qui exercent l'autorité parentale", à la lumière du 227-6 ("à ceux qui peuvent exercer à l'égard des enfants un droit de visite ou d'hébergement en vertu d'un jugement ou d'une convention judiciairement homologuée") et a contrario du 227-7 qui, lui, parle expressément de "ceux qui exercent l'autorité parentale".
Alors que le 227-5 ne le dit pas expressément et où il n'est question que de "la personne qui a le droit de le réclamer" sans autre précision.
A mon humble avis, bien sûr... :D

   

de busbecq   le Jeu 08 Nov 2007 17:29

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Oui. C'est toute la difficulté de ce texte. Je vais essayer d'être clair.

Article 371-4. Cet article consacre un droit de l'enfant à entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Comment un droit accordé à un enfant peut-il se transformer en un droit accordé à un ascendant?

Il s'agit d'une remarque de fond. Comment un droit accordé à un sujet à entretenir ou entrer en relation avec un tiers peut-il être transformé en un droit du tiers à forcer le sujet à entretenir ces relations?

Il y a là une incohérence fondamentale, que le sujet soit ou non d'accord avec ce droit, cet élément important peu à mon sens dans le débat (d'un point de vue juridique s'entend).

L'enfant a le droit à être soigné. Pour autant, trouveriez-vous normal qu''un médecin réclame en justice un droit d'ausculter l'enfant de force sous prétexte qu'il a le droit d'être soigné? ? Et trouveriez-vous normal qu'un tribunal non seulement reçoive la demande, mais en plus y fasse droit?

Par contre, en cas de refus des parents d'assurer les soins de l'enfant, il me paraît envisageable que le médecin signale le cas au ministère public qui, le cas échéant, pourra engager une action contre les parents, en vue par exemple de leur retirer leur autorité parentale, voire de placer l'enfant pour lui permettre d'être soigné.

Deux conséquences donc:

Pour moi, les ascendants sont irrecevables. Ca ne veut pas dire pour autant qu'une action sur le fondement de l'article 371-4 soit impossible. En effet, ce droit de l'enfant étant d'ordre public, le ministère public, saisi par les ascendants, peut parfaitement engager l'action. Exactement comme il peut engager une action en vue de protéger les enfants, ou de garantir leurs droits d'ordre public contre les parents insuffisamment diligents.

Par ailleurs, les seuls DVH explicitement prévuspar le code civil concernent exclusivement l'exercice de l'autorité parentale. les DVH sont donc un attribut de l'autorité parentale, et de rien d'autre. Une façon pour le tribunal, saisi par le ministère public, de garantir le droit de l'enfant, est non pas d'accorder des DVH aux ascendants, mais d'ordonner aux parents de consentir à des rencontres de l'enfant avec les ascendants, voire, si les parents n'étaient pas diligents, d'ordonner une espèce de placement provisoire (quelques heures, périodiquement ...) afin de permettre à l'enfant de voir ses ascendants, si tel est son intérêt.

Cette obligation s'analyse comme une limitation de l'autorité parentale imposée par la puissance publique dans l'intérêt de l'enfant, mais certainement pas comme un DVH accordé à un tiers, qui n'a à mon sens aucune justification légale.

Exactement comme un tribunal pourrait condamner des parents à une obligation de soins ou d'éducation envers l'enfant, ce qui ne s'analyse pas comme un droit pour un médecin ou pour un instituteur de s'accaparer l'enfant.

Concernant les articles pénaux, je redis que les articles 227-5 à 227-11 font partie de la section III: "des atteintes à l'exercice de l'autorité parentale", que ce classement a valeur de loi autant que le contenu des articles, et qu'il s'impose donc au juge pénal. Donc, pour moi, ces articles ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas d'espèce.

Voilà, j'espère que ma position est un peu plus claire. Si non, je précise, pas de problème.
Dernière édition par busbecq le Jeu 08 Nov 2007 23:42, édité 1 fois.

   

de padawan   le Jeu 08 Nov 2007 20:21

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Non vous avez été particulièrement clair busbecq, sur ce sujet pourtant bien complexe.

J'adhère à votre analyse. Et j'adhère totalement à l'idée de permettre aux grands-parents d'exercer une action par le biais du ministère public. C'est la seule façon de garantir efficacement ce droit de l'enfant bien entendu. D'ailleurs, des grands-parents qui souhaitent saisir le juge des enfants concernant une défaillance de l'autorité parentale, ne peuvent le faire que par le biais du procureur me semble-t-il.

Assortir le DVH de ceux qui ne disposent pas de l'autorité parentale, de sanctions pénales, ne me semble ni opportun ni fondé en droit. Mais en pratique, avez-vous assisté à de telles condamnations ? Je vois régulièrement des peines d'emprisonnement pour non-représentation d'enfant, entre père et mère bien sur, mais je n'ai jamais assisté à ça. J'espère que c'est exceptionnel :shock:
Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes.

   

de busbecq   le Jeu 08 Nov 2007 21:17

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Oui, je connais des parents refusant d'exécuter une décision du JAF concernant des DVH d'ascendants. Certains ascendants n'hésitent pas à porter plainte. Les parents ont droit à la convocation en gendarmerie ou à la police, et en cas de refus d'obtempérer, aux poursuites pénales et aux condamnations. En général avec sursis. Mais j'ai eu vent de plusieurs parents en sursis ayant fait l'objet de nouvelles plaintes. Nul doute que les peines fermes vont arriver sous peu.

Je connais des cas de parents ayant émigré pour éviter la prison, refusant catégoriquement d'obtempérer.

Vous vous doutez que ce contentieux concerne des situations familiales explosives. Le conflit est en général très lourd (maltraitance pendant l'enfance, mésententes terribles, ou plus simplement refus de certains grands-parents d'admettre que leur enfant vole de ses propres ailes ou ne donne pas à ses propres enfants l'éducation qu'ils auraient désirée), et les grands-parents procéduriers voient souvent dans l'article 371-4 un moyen de soumettre leur descendance à leur volonté.

Les grands-parents sont globalement suivis par les juges, car ils jouent bien évidemment sur l'image du bon petit papy que l'on prive injustement des petits-enfants
(remarquez le glissement, l'article 371-4 n'est pas là pour secourir le bon petit papy, mais pour veiller à l'intérêt de l'enfant). Une association de grands-parents s'est même intitulée "SOS grands-parents en danger". Où est le danger, où est l'intérêt de l'enfant?

Que certains papys et mamies vivent mal certaines situations familiales, je veux bien le croire. Mais l'article 371-4 n'a jamais été fait pour y remédier. Cet article vise à garantir l'intérêt de l'enfant, pas à assouvir les volontés des papys et des mamies. Remarquez l'utilisation depuis quelques temps par beaucoup de medias de l'expression "droits des grands-parents". Je l'ai même vu sur le site de plusieurs avocats. C'est dévastateur.

Récemment, j'ai vu une famille avec un contentieux très lourd (abandon de la mère pendant l'enfance, harcèlement au travail débouchant sur le licenciement du père...) condamnée à subir des DVH des grands-parents, les juges ayant dit en séance aux GP: "arrêtez de gémir, on va vous donner ce que vous voulez, compte tenu de votre âge (sic)". Où est l'intérêt de l'enfant là dedans?

Globalement, le contentieux est de l'ordre de 3000 actions par an, mais il tend à exploser, compte tenu de la solvabilité des retraités.
Dernière édition par busbecq le Ven 09 Nov 2007 0:23, édité 5 fois.

   

de padawan   le Jeu 08 Nov 2007 23:43

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C'est effectivement assez choquant à mon sens. Savez-vous si ces condamnations pénales des parents font l'objet de voies de recours ? Je suppose qu'on n'a pas de position de la chambre criminelle sur la question ?
Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes.

   

de busbecq   le Ven 09 Nov 2007 0:14

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Non. A ma connaissance, la chambre criminelle n'a pas encore été saisie de ce contentieux. Mais même en première instance ou en appel, je ne connais pas de défense ayant soulevé l'argument de la non-application de l'article 277-5 au cas d'espèce, qui pourtant, me semble assez évident.

A cet égard, je connais une décision de la chambre criminelle qui confirme qu'un DVH ne peut être qu'un attribut de l'autorité parentale:

Audience publique du 4 décembre 1984
N° de pourvoi : 83-90626
Publié au bulletin.

Est à bon droit relaxée du chef de non-représentation d'enfant la mère d'un enfant mineur qui ne représente pas ce dernier à son père, bénéficiaire d'un droit de visite, dès lors qu'en application de l'article 373-3° du Code civil, celui-ci a perdu l'exercice de l'autorité parentale sur cet enfant à la suite d'une condamnation définitive pour abandon de famille et qu'il n'a pas été relevé de cette incapacité.

CQFD. La condamnation pénale ne peut s'appliquer dès lors que celui qui bénificie du droit de visite n'exerce pas l'autorité parentale. Ce qui est bien le cas des ascendants.

   

de padawan   le Ven 09 Nov 2007 9:00

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Oui cet arrêt suit exactement votre raisonnement. Juste vérifier si le nouveau code pénal n'aurait pas pu modifier la solution donnée, mais je ne le pense pas. Je retiens votre argument, si le cas m'est un jour soumis :wink:

Merci de nous avoir fait part de vos expériences.
Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes.

   

de busbecq   le Ven 09 Nov 2007 14:04

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Je ne le crois pas, dans la mesure où le législateur a pris lui-même la peine de préciser que l'article 227-5 (successeur de l'ancien article 357) était relatif aux atteintes à l'exercice de l'autorité parentale.

Ce classement s'impose au juge pénal au même titre que le contenu de l'article, puisque la loi 92-684 ayant adopté en bloc le livre II précise bien que "les dispositions du code pénal sont fixées par le livre II". Cette loi n'indique pas que seuls les articles du livre II auraient force de loi et que le juge pénal peut jeter par dessus bord tout ce qui ne serait pas contenu dans un article. Cette loi mentionne l'ensemble du livre II.

Il faut à mon avis distinguer ce classement, voulu expressément par le législateur, et donc s'imposant au juge, d'autres classements effectués a posteriori, après l'adoption de la loi, dans un but de codification. Dans ce dernier cas, les intitulés des titres et sections n'ont qu'une valeur indicative.

Ici, je soutiens que le juge pénal est tenu par l'indication du législateur que cet article concerne l'atteinte à l'exercice de l'autorité parentale. La règle d'interpétation stricte doit normalement empêcher le juge de l'étendre à d'autres cas.

   

de Camille   le Sam 10 Nov 2007 12:22

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Bonjour,
Euh... il y a quand même quelque chose qui me chagrine dans tout ça, ou alors je n'ai peut-être pas tout bien compris...
Parce que, si je comprends bien, on peut avoir obtenu la reconnaissance d'un droit, quel qu'il soit, en justice par opposition à une "tierce" partie perdante (puisque, dans mon esprit, le DVH a été accordé, pas seulement dans l'intérêt de l'enfant, mais aussi par l'expression de son désir d'entretenir des relations avec ses grand-parents, malgré l'opposition de ses propres parents, lesquels sont ici "tierce" partie, en quelque sorte, puisqu'ils n'interviennent qu'en tant que dépositaires de l'autorité parentale) et on n'aurait aucun moyen de faire respecter ce droit par la partie perdante parce que rien ne serait prévu dans la loi pour permettre à une deuxième juridiction de l'imposer à ladite partie perdante ?
Alors, à quoi servirait d'avoir obtenu gain de cause "au premier tour" si c'est pour s'entendre dire ensuite "ah ben non, nous on peut rien faire sans l'accord de la partie perdante" ???
Et que peut bien faire un tribunal pour obliger une partie perdante à accepter le verdict et à s'y conformer si ce n'est en prononçant une sanction pénale à l'encontre de la partie perdante lorsqu'elle s'y oppose contre vents et marées ?
Est-ce que ce n'est pas justement à la justice de faire respecter ce droit qu'elle a elle-même accordé ?

C'est un peu pour ça que j'ai un peu de mal à suivre le raisonnement de cet arrêt, si c'est bien comme ça qu'il faut le comprendre.

Et dans ce cas, pourquoi ne pas dire tout de suite aux grand-parents "inutile d'aller en justice pour obtenir gain de cause, parce qu'on vous accordera bien votre DVH, mais vous ne pourrez jamais l'exercer" ?
Autant leur dire tout de suite que ce droit est purement théorique.

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