LE FORUM DES MEMBRES DU VILLAGE

Bonjour,
Etudiant et en pleine "recherche spirituelle" (ie, "le droit c'est bien, mais concrètement que vais-je bien pouvoir faire dans ma vie plus tard"), je me renseigne ci et là sur les différents métiers du droit (branche, le privé).

Et si bien sur, il est de notoriété publique que lorsque l'on est profession libérale, "on ne compte pas ses heures", j'ai été très choqué d'apprendre les horaires de travail que l'on pouvait pratiquer dans le notariat... C'est un domaine qui m'attire (patrimoine, immobilier, etc), donc je suis allé faire un stage chez un notaire, et j'ai été effrayé (c'est le mot) des horaires de travail.
Son cabinet, officiellement, ouvre de 8h à 12h, puis de 14h à 18h (soit 7h/j , = les 35h).
Mais officieusement, les journées de ce notaire ressemblent davantage à du 7h-20h (au minimum), sachant qu'il reçoit également entre midi et deux (il mange sur le pouce, lui comme son équipe), et reçoit encore jusque tard dans la soirée assez régulièrement (jusqu'à 22h, 23h), et les samedis parfois aussi. Il lui arrive même, toujours selon ses confidences, de ne pas se coucher avant 2h ou 3h du matin quand il a des dossiers a boucler..
Sachant que ce notaire est marié, deux fois père de famille... Comment concilier une vie de famille, être aux côtés de son enfant, avec un tel emploi du temps !?

Face à un tel constat, j'avoue avoir été un peu refroidi. La question que je me pose donc en fait est : est-ce un cas à part, ou est-ce très courant au sein du notariat ?
J'ai également eu vent de on-dits (justifiés ou non), comme quoi le notariat était une profession très stressante, avec quantité d'heures sup non payées (là, je pense surtout aux clercs), où le droit du travail est relativement peu appliqué.. Bon je dérive un peu de ma question originelle (sur les horaires de travail), mais tant qu'à faire autant mettre sur la table toutes les interrogations que j'ai. Si je pose ces questions, c'est suite aux confidences des clercs de l'étude sur leur situation, notamment..

Bref, étais-ce un cas isolé, ou non ? A sa décharge, il était le seul notaire de son étude (donc, plus de boulot ? S'il s'associait, cela changerait-il quoi que ce soit ?). Il avait avec lui 5 clercs.

Si des notaires passent par là (et ne se montrent pas trop irrités par les on-dits que je contribue à mon tour à faire circuler), et pouvaient brièvement me raconter leur expérience personnelle, leur journée "type" (même si je sais que ça ne veut pas dire grand chose dans cette filière), je les en remercierai !

Bonjour,

je poste cette réponse pour partager avec vous les enseignements que j'ai retirés de mon expérience dans le notariat puis dans le cabinet d'avocat dont je suis aujourd'hui l'associé. Titulaire d'un DSN, j'ai en effet commencé ma vie professionnelle en qualité de clerc (comme beaucoup).

D'une façon générale, et hors l'hypothèse où vous auriez l'occasion d' "hériter" un office notarial, je vous recommanderais d'être particulièrement circonspect avant d'entrer dans le notariat.

Mon but n'est pas ici de déprécier le travail des notaires et de leurs clercs, qui est souvent très intéressant. Il est en revanche de vous mettre en garde au sujet des perspectives de carrière qui s'offrent à vous dans cette corporation si vous n'en êtes pas déjà un peu membre par votre famille ou par vos relations.

La profession est en effet aujourd'hui encore particulièrement fermée (notamment à Paris) :
- il n'existe aucune liberté d'installation;
- les cessions d'office ne sont pas soumises aux principes généralement admis dans une République démocratique et qui fait de l'égalité l'un de ses fondements : sauf en Alsace-Moselle et pour les offices nouvellement créés, les études ne sont pas attribuées par un concours ouvert à tous les diplômés notaires; il convient plutôt de développer son réseau, de faire sa cour aux notaires installés, de fréquenter des conférences telles que la Conférence
Leloir et la Crosse à Paris (qui ne sont à ma connaissance pas toutes mixtes et dont l'accès est difficile car subordonné à une cooptation).

En d'autres termes, sans réseau solide dans ce qu'il faut bien appeler un "milieu" , les perspectives de carrière sont limitées.

Je ne livre ici bien sûr que des généralités. Je ne prétends pas qu'il soit impossible au néophyte sans ressources (et l'argent n'est pas vraiment le principal obstacle) de parvenir à ses fins et de racheter un office. Je pense simplement qu'à talent égal, il devra déployer des trésors de ténacité, d'énergie et d'intelligence supérieurs à ceux d'un héritier ou d'un initié, et même passer un concours.


En outre, selon moi, l'absence de liberté d'installation, de concurrence et un esprit de corps (au sens de corporation) très fort entraînent les effets pervers suivants:
-de grandes difficultés à innover et à développer de nouveaux services, à la différence des avocats;

-un marché du travail particulièrement biaisé (sachez qu'il y a tout lieu de penser qu'une candidature spontanée dans une autre étude a toute chance d'être rapidement éventée, les notaires s'appelant les uns les autres au sujet des candidats) et peu dynamique;

-pour les clercs, des rémunérations inférieures à celles pratiquées dans les cabinets d'avocats d'affaires (je compare ici les études d'une certaine importance avec des cabinets d'avocats d'affaires), et mêlme dans les entreprises et l'impossibilité de développer une clientèle personnelle;

-une charge de travail qui bien souvent n'a pas grand chose à envier à celle d'un avocat ;

-des écarts de rémunération considérables entre le titulaire d'un office et ses clercs (je le dis pour être aujourd'hui associé dans un cabinet d'avocats d'une certaine importance: nos collaborateurs travaillent dur, mais sont, eux rémunérés en conséquence);

-pour les femmes, une misogynie certaine.


Personnellement, je ne regrette pas d'avoir quitté ce "milieu" pour d'autres horizons professionnels. Je pense en effet que le fonctionnement de cette corporation constitue une anomalie sérieuse de notre etat. Je ne dis pas cela pour espérer récupérer en ma qualité d'avocat une partie de l'activité des notaires (je pense que les querelles de périmètre entre professions du droit sont anachroniques).

je suis intimement convaincu qu'une démocratisatino de la profession est nécessaire. seule la remise en question permanente des pratiques et une formule de sélection des titulaires d'office démocratique, fondée sur le seul mérite intellectuel, est susceptible de la régénérer.

je suis à votre disposition pour répondre à toute question et débattre de mes propos.

Bonjour,
Ne révélez surtout pas le nom de votre cabinet. Si j'en crois ce qu'on peut lire ici ou là sur ce même forum, vous allez crouler sous les candidatures spontanées...


Pour en revenir à la question initiale, ce qui est un peu surprenant, c'est qu'au cours des études supérieures, personne ne semble mettre en garde les étudiants, toutes études confondues et pas seulement celles qui touchent au droit, sur le fait que, dès lors qu'on s'engage dans des professions dites "à responsabilités" - au sens large - il faut oublier le "mirage des 35 heures".

Perso, je ne connais aucune profession parmi celles cataloguées comme "roboratives" qui pourrait s'exercer fructueusement en seulement 35 heures par semaine (à part rentier - et encore - mais ce qui nécessite quelques fonds d'investissement préalables....)(péripatéticienne peut-être ? Mais attention aux horaires décalés et au travail à la chaîne et de nuit...)
Si tel était le cas, la France serait le seul pays au monde où ce serait possible.
Même un (simple) CAP électricité ou plomberie qui s'installe à son compte peut les oublier.

Bonjour,
Il est évident que le bonheur des 35 heures semble assez dépassé dans l'exercice d'une profession libérale...c'est d'autant plus vrai qu'un notaire qui travaille 10h par jour signifie qu'il a de nombreux dossiers à traiter, donc que son étude est chargée, donc qu'il gagne sa vie (correctement, voire très...).
J'ai pu observer l'évolution d'un notaire que je connais; il est en région parisienne: il y a 15 ans son étude était installée dans un grand appartement (250 m carrés). Actuellement son étude est dans un bâtiment construit exprès pour, + 2 notaires associés + doublement du nombre de clercs....
Si vous êtes notaire, 35 heures, maison à 18H30, emmener les enfants à l'école et prendre des week ens prolongés, oubliez cette profession.
Si vous recherchez la sécurité de l'emploi je vous recommande la fonction publique: question qualité de la vie c'est super...!!! par contre côté rémunération c'est consternant...!!!
Quant à l'appartenance au "milieu" par connaissances familiales ou autres....ni plus ni moins que dans d'autres professions.

bonsoir à tous
au risque de choquer certains ici je vais aller dans le sens de saintyves
je confirme certains de ces propos :
liberté d'installation : que nenni
rémunération pas à la hauteur du travail fourni (des heures à n'en plus finir) : c'est tellement vrai
par contre il me semble que pour les offices créés tout diplômé notaire peut se présenter
mais c'est tellement le concours est tellement difficile et les situations géographiques imposées par la force des choses que beaucoup d'offices restent vacants me semble-t-il

saintyves j'aimerai savoir (si cela ne vous dérange pas) comment vous avez réussi à devenir avocat
pour ma part ayant échoué à 3 reprises à l'examen d'entrée du CRFPA (j'étais salariée à chauque fois que j'ai présenté l'examen d'entrée) je n'ai plus la possibilité de représenter cet examen/concours.
pendant un temps il a été question de supprimer l'impossibilité de se présenter plus de 3 fois mais à priori rien n'a changé.

je désespère un jour de pouvoir devenir avocate (c'était mon intention première) ; aucune équivalence n'est offerte aux notaires diplômés (notaires assistants) pour accéder à la profession d'avocat par le biais de l'équivalence offerte par le décret. Il semble qu'il faille impérativement avoir été nommé par le garde des sceaux. Quant à arguer de l'expérience de 8 ans au sein d'une entreprise il semble que cela soit pareil (j'ai été juriste dans un cabinet d'avocats, clerc de notaire, puis notaire stagiaire et maintenant notaire assistant )
alors si vous pouviez-me conseiller sur une démarche éventuelle, je vous en remercie d'avance.


quant à m'installer comme notaire : le parcours du combattant, quasi impossible sans avoir de "piston" dans la profession.