Le promettant consent définitivement à vendre lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente. L’option peut dès lors être valablement levée après son décès contre ses héritiers tenus de la dette contractée par leur auteur, laquelle rend la vente parfaite.
La jurisprudence et la doctrine abordent fréquemment la question de la rétractation du promettant avant la levée de l’option, mais l’arrêt rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation le 8 septembre 2010, pourvoi n° 09-13345 (n° 975 FS-P+B) vient apporter un éclairage fort intéressant en ce qui concerne l’hypothèse du décès du promettant avant la levée de l’option par le bénéficiaire.
1. Le contexte
Une promesse unilatérale de vente d’un terrain avait été consentie par un couple de particuliers à une société le 30 mai 2005, celle-ci était valable jusqu’au 22 avril 2006 et prorogeable deux ans à défaut de dénonciation par le promettant. L’un des copromettants décéda le 31 juillet 2006, laissant pour lui succéder un héritier mineur placé sous le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire. Or, la société leva l’option le 18 décembre 2007 mais les particuliers refusèrent de régulariser la vente opposant l’absence d’autorisation du juge des tutelles à cette réalisation. Le bénéficiaire de la promesse les assigna alors en constatation judiciaire de la vente.
La cour d’appel de Pau [1] refusa de faire droit à la demande du bénéficiaire en reprenant mot pour mot dans son dispositif l’attendu d’un ancien arrêt de la Chambre des requêtes du 26 novembre 1935 [2] selon lequel « la promesse unilatérale de vente n’a pour effet de transmettre à celui qui en est bénéficiaire, ni la propriété, ni aucun droit immobilier sur le bien qui en est l’objet ; l’obligation du promettant, quoique relative à un immeuble, constitue, tant que le bénéficiaire n’a pas déclaré acquérir, non pas une obligation de donner, mais une obligation de faire ». La Cour d’appel jugeait, en l’espèce, que lors du décès du copromettant avant la levée de l’option, la vente n’était pas réalisée et que par conséquent l’autorisation du juge des tutelles était nécessaire à cette réalisation.
La question portait donc sur le point de savoir si le décès du copromettant, et la disparition corrélative de son consentement à la vente, faisait obstacle à la perfection du contrat. Par suite, il aurait été nécessaire de rechercher l’autorisation du juge des tutelles, l’héritier mineur ne pouvant librement consentir pour administrer ses biens. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour violation de l’article 1589 du code civil aux motifs que le promettant avait définitivement consenti à vendre et que l’option pouvait être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette contractée par leur auteur, sans qu’il y eût lieu d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles.
2. Analyse de la solution
Pour déterminer si la vente était parfaite, il fallait bien évidemment rechercher si les consentements du promettant et du bénéficiaire avaient été utilement donnés afin de former le contrat de vente en vertu de la règle du consensualisme énoncée par l’article 1589 du code civil qui dispose que « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».
S’il est acquis en jurisprudence que l’exercice de l’option entraîne la formation de la vente et le transfert de propriété du bien promis à l’acquéreur en présence d’une pollicitation [3], l’arrêt commenté vient confirmer la jurisprudence selon laquelle le consentement du promettant est donné définitivement lors de la conclusion de la promesse de vente [4]. Dès 1997, la Cour de cassation jugeait en effet que le décès de l’un des copromettants entre la conclusion de la promesse et la levée de l’option n’empêche en rien l’efficacité de celle-ci, le décès du copromettant ne rendant pas l’offre de promesse caduque [5].
Dans le même sens, il faut également signaler le cas de la personne morale pollicitante liquidée judiciairement avant la levée de l’option par le bénéficiaire : il a été jugé au visa de l’article 1589 du code civil que la liquidation du promettant est sans effet sur la promesse unilatérale de vente qu’il a consentie alors qu’il était maître de ses biens et ne prive pas le bénéficiaire de son droit de lever l’option d’achat [6].
3. La portée de l’arrêt
L’arrêt commenté précise que le consentement du promettant est donné de manière définitive sans que son décès le fasse disparaître. Par conséquent, l’héritier ou l’ayant cause est tenu de la dette contractée par son auteur en cas de levée de l’option par le bénéficiaire, laquelle est valable en présence d’une pollicitation.
Sans doute faut-il convenir que la solution retenue fait céder la sécurité juridique de l’ayant cause devant celle du créancier. C’est sans surprise que la Troisième chambre civile de la Cour de cassation fait primer une nouvelle fois la fonction de circulation des richesses du contrat sur la protection de la partie faible, en l’espèce, l’héritier mineur et orphelin de père qui a opposé vainement le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire prévu par l’article 389-2 du code civil.
Jonathan Quiroga-Galdo, Doctorant