Aujourd’hui, l’enjeu de la distinction réside dans les conditions de l’action et non ses effets qui sont identiques (titulaire de l’action, durée du délai de prescription). En effet, la réforme de la prescription réalisée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a procédé à une harmonisation des nombreux délais qui auparavant pouvaient coexister. Cette unification a, notamment, supprimé la distinction entre le délai quinquennal qui était réservé à l’action en nullité relative au regard de l’article 1304 du Code civil et le délai trentenaire qu’ouvrait l’ancien article 2262 à l’action fondée sur une nullité absolue.
Partant, que la nullité soit relative ou absolue, désormais le délai d’action est toujours de 5 ans. Pour autant, de nombreux litiges sont toujours susceptibles d’être résolus par application du régime antérieur.
Tel est le cas en l’espèce (Civ. 3, 26 juin 2013, n° 12-20934) où une société civile immobilière fait grief à la Cour d’appel de Paris de ne pas avoir retenu la qualification de nullité absolue permettant, compte tenu de la chronologie des faits, de bénéficier d’une prescription trentenaire, mais de n’avoir retenu d’une nullité relative dans le vice de consentement qui affectait l’acte litigieux. La SCI a acquis un immeuble constitué notamment d’un lot n° 2 se composant d’un bâtiment à usage de garage et l’a subdivisé en créant un lot n° 3 et un lot n° 4 consistant en des garages et un lot n° 5 se rapportant à l’appartement occupant tout l’étage, la SCI mit en vente ce seul dernier lot, mais, eu égard à l’absence de division préalable du lot n° 2, la vente se fit sur la totalité de celui-ci.
Le pourvoi s’inscrit dans la lignée de la théorie classique de la distinction de la nullité relative et absolue, fondée sur la gravité du mal affectant le contrat ; s’il manque un élément essentiel ( cause, objet, consentement) la nullité est alors absolue. Dans cet arrêt il ne fait aucun doute que la SCI n’a jamais consenti à la vente des deux garages, il y a donc bien une erreur quant à l’objet même de la transaction. Bien que certaines chambres de la Cour de cassation semblent toujours attachées à ce critère (Com. 23 octobre 2007, n° 06-13.979), la troisième chambre civile confirme le déclin de cette vision, choisissant de consacrer la théorie moderne en rejetant le pourvoi, prenant soin de préciser qu’en « ayant retenu que l’erreur invoquée ne portait pas atteinte à l’intérêt général, la Cour d’appel, qui n’a pas modifié l’objet du litige, a exactement déduit de ce seul motif que l’action en nullité du contrat était, s’agissant d’une nullité relative, soumise à la prescription quinquennale de l’article 1304 du Code civil ». Dès lors, la nullité est conçue comme un droit d’action dont le régime dépend de l’intérêt protégé par la règle violée. Ainsi, si cette règle vise à protéger un intérêt général, la nullité sera absolue, alors que si elle vise à protéger un intérêt particulier, elle sera relative.
L’intérêt général n’est d’ailleurs pas nécessairement atteint en cas de violation d’une règle d’ordre public, tout dépend là aussi de la nature de l’ordre public remis en cause (de protection ou bien de direction).
Au soutien de ses prétentions, le pourvoi faisait valoir un autre argument qui est celui de l’absence d’objet. Il s’agissait de démontrer non plus l’erreur sur l’objet, mais l’inexistence même de toute forme d’engagement, y compris vicié, sur la vente des deux garages. La Cour de cassation ne donne pas écho à cette notion, laissant les interrogations perdurer sur cette notion particulièrement insaisissable, qui a surtout pour objet de permettre d’accueillir des actions en nullité là où les textes n’en prévoient pas.
L’absence d’objet est ici d’autant plus ardue à retenir qu’elle ne devait être que partielle, la SCI ne souhaitant pas remettre en cause la vente du lot constituant l’étage. C’est donc bien un vice et non une absence qui était en cause. En conséquence, on ne saurait, selon nous, voir dans cet arrêt un nouveau recul de la théorie de l’absence d’objet en matière contractuelle, bien que sa réception par la jurisprudence demeure incertaine.