Le visa est les articles 16-7, 16-9 et 336 du Code civil.
L’article 47 du Code civil dispose que "Tout acte de l’état civil des français fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si l’acte est irrégulier, falsifié ou que les faits ne correspondent pas à la réalité"
Sur la base de cet article un père français ayant eu recours à une mère porteuse en Inde malgré l’interdiction de cette pratique en France (Art 16-7 et 16-9 Code civil), ne pouvait pas imaginer que la transcription de l’acte de naissance de leur enfant sur les registres français pouvait être refusée.
La Cour d’appel de Rennes avait autorisé la transcription avec les mêmes arguments, mais la Cour de cassation va casser ce raisonnement. Selon la Cour d’appel le père pouvait obtenir transcription de sa paternité sur les registres français dès lors que la régularité formelle et la conformité à la réalité des énonciations des actes litigieux n’étaient pas contestées (l’enfant avait été certes portée par une mère porteuse, mais avec les gamètes de celui qui voulait assumer sa paternité). Or, c’est ce raisonnement que remet ici en cause la Cour de cassation.
La Cour fait une appréciation globale de l’opération et parle de "processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour autrui". Peu importe, donc, la réalité biologique : le père biologique ne pourra, en France, obtenir cette transcription dès lors qu’il est démontré que c’est par le biais d’un convention de gestation pour autrui que l’enfant a été conçu. Il s’agit d’une conception très stricte de l’ordre public.
Ce refus de la gestation pour autrui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour. Dans ces arrêts du 6 avril 2011 et du 13 septembre 2013, la Cour avait rendu la même solution marquant sa sévérité sur les convention de mères porteuses.
En effet, la gestation pour autrui heurte l’ordre public international français. C’est à dire l’ensemble de valeurs intangibles et supérieures parmi lesquelles figure l’indisponibilité du corps humain. Cet arrêt est donc conforme aux articles 16-7 et 16-9 qui disposent que toute convention de gestation pour autrui est nulle car portant atteinte à l’ordre public.
Cette position de la Cour suscite beaucoup de débats dans la doctrine. Pour certains observateurs, cet arrêt n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant prévu à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France. Ce refus de la Cour peut avoir des conséquences rigoureuses pour l’enfant qui dans la mesure où il ne se voit reconnaître par le droit français aucun lien de filiation, avec ses parents, ne peut pas acquérir la nationalité française sur le fondement de la filiation.
Discussions en cours :
Mon Cher Confrère,
Je réagis à votre article concernant la Gestation pour autrui sur laquelle j’ai eu également l’occasion de réfléchir lors d’une consultation dans l’intérêt de clients qui ont consulté mon cabinet.
Mes recherches m’ont permis de constater ainsi que vous le relevez que la jurisprudence de la Cour de Cassation s’avère intraitable avec les couples qui ont décidé de recourir à une GPA de type 1 ou 2 ; en refusant d’établir en France la filiation de l’enfant avec ses parents.
Toutes ces décisions ont cependant un point commun qui résulte du fait que les parents sont opposés au ministère public lors de la demande de transcription et que l’enfant n’intervient pas à la procédure.
Je pense que la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui trouve son fondement dans le mécanisme de la "fraude" et sanctionne les auteurs, à savoir les parents , ne pourrait pas résister lorsque c’est l’enfant qui requiert par le biais d’une recherche en paternité ou maternité l’établissement de sa filiation ( dans la mesure ou la GPA a été réalisée avec les cellules d’au moins un des deux parents).
Il serait inconcevable que la Cour de Cassation puisse refuser cette filiation à un enfant qui en ferait la demande en justice pour une "faute" commise par autrui.
Une telle décision est contraire à tous les principes généraux du droit, et serait sans aucun doute sanctionnée par la Cour Européenne des droits de l’homme car elle reviendrait à instituer une sous catégorie d’enfants privés du droit d’établir leur filiation du fait de leur naissance. Cette décision paraîtrait particulièrement grave de conséquences, indépendamment de l’aspect psychologique et moral, en privant l’enfant de sa créance naturelle d’aliments à l’encontre des personnes tenues de pourvoir à son entretien et son éducation.
Pour cela rien n’interdit à l’enfant de faire désigner un confrère adhoc pour diligenter cette procédure et établir sa filiation ou encore de faire intervenir l’enfant par représentation de ses parents biologiques.
Je tenais à partager avec vous cette modeste réflexion et je reste à votre disposition pour en discuter.
Bien confraternellement
L’Inde est un pays qui ne régule pas la GPA en ce sens qu’elle ne l’encadre pas et ne fait que tolérer la GPA. De plus, il ne s’agit pas ici de GPA mais de PPA (Procréation Pour Autrui) puisque seul le père a donné ses gamètes et la femme qui a porté l’enfant est aussi celle qui a donné ses gamètes). En réalité, ce qui a été refusé, c’est le fait que cette PPA est le fait d’un homme "célibataire", en clair un homosexuel. Ainsi, cet arrêt a suivi celui de septembre 2013, en tous points équivalent à celui-là, et non pas celui du 6 avril 2011 que vous citez également et qui avait trait à un couple hétérosexuel s’étant rendu aux USA en Californie, où la GPA est non seulement légale mais aussi encadrée. Vous faites donc un amalgame entre deux affaires qui n’ont rien à voir ! Ce que vous ne dites pas dans votre analyse, c’est que la France ne fait aucune différence entre une GPA pratiquée de manière "éthique" (dans un pays où cette pratique est légale, encadrée, et donc notammennt où le consentement libre et éclairé de la gestatrice est recueilli) et un pays comme l’Inde, où la pratique est "libre" et où la femme qui a accouché n’est pas celle qui figure sur l’acte de naissance mais une autre femme. Il existe ainis une immense contradiction car en statuant de la même façon dans les 2 cas (non transcription) la France pousse les couples infertiles à utiliser les pratiques les moins éthiques, puisque moins coûteuses et se fait ainsi la complice passive (?) d’une GPA pratiquée de manière non éthique ! Bravo !
Alors, ainsi, "la France pousse les couples infertiles à utiliser les pratiques les moins éthiques" ? C’est tout le contraire : par son refus de la pratique inhumaine des mères-porteuses, la France limite la casse, et limite le nombre de "grossesses pour achat" en dissuadant les français d’y avoir recours de façon illégale. Légaliser la grossesse et l’accouchement par autrui, ou accepter la transcription des actes d’état civil, c’est au contraire ouvrir grand les portes à toute pratique, rendre impossible tout contrôle de ce qui se passera à l’étranger.
Avec votre raisonnement, il faudrait tout autoriser, tout réguler : les drogues, la prostitution, le proxénétisme... Non, l’interdit ferme est la seule option valable pour protéger les enfants, pour dissuader les parents commanditaires.
Après il faut accueillir, écouter, soigner, valoriser, faire une place aux parents stériles dans notre société si normative, finalement, que ne pas être parent semble une souffrance insurmontable - comme c’est rétrograde. Et leur faire une digne place dans la société, riche de ces adultes "stériles" mais féconds car davantage disponible aux autres, moins accaparés par leur charge de famille.
Et refuser à un enfant toute filiation c’est bien aussi ?
Une lecture" très enrichissante. Merci à son auteur !