Les derniers espoirs des fabricants de tabac partent en fumée. Depuis le 1er janvier 2017, suite à de très longs développements, les nouveaux paquets de cigarettes « neutres » sont les seuls admis à la vente en France. L’objectif avoué du gouvernement est d’enlever l’attractivité et l’esthétisme des produits du tabac et limiter toute technique marketing destinée à masquer ou diminuer la nocivité des produits aux yeux des consommateurs [1], le but ultime demeurant de minimiser l’utilisation du tabac, notamment auprès du jeune public [2].
En conséquence, les nouveaux emballages et conditionnements de produits du tabac sont maintenant dépourvus de tout élément de marketing. Loin de l’élégance des paquets gris métallisé, blanc, noir ou rouge et leurs logos attractifs, les nouveaux emballages sont d’une couleur unique, un vert olive/kaki techniquement défini comme « Pantone 448 C », finition mate, reprenant à ce titre les codes choisis par l’Australie en décembre 2012 dans sa propre uniformisation des paquets de cigarettes. Au-delà de la simple couleur, les paquets neutres uniformisent également l’inscription de la marque avec une seule typographie et couleur, supprimant à cette occasion toute présence de logo ou marque semi-figurative, laissant un place plus grande aux avertissements sanitaires recouvrant désormais 65% de la surface du paquet.
A peine scellée, la nouvelle mesure s’est déjà démarquée par des débats particulièrement vifs. De nombreuses réserves au cours des travaux parlementaires ont ainsi été formulées notamment sur l’efficacité dissuasive des paquets neutres, certains faisant valoir que l’augmentation voire un alignement des prix des paquets évitant les échanges inter-pays aurait été la mesure appropriée, évitant un imbroglio juridique [3]. Désavouée par l’ancien ministre de la Santé, M. Claude Evin, l’uniformisation des paquets de cigarettes laisse sceptique quant à son efficacité [4] dans la mesure où les consommateurs envisagent déjà de court-circuiter les effets de la loi en investissant dans des étuis, portes cigarettes et autres caches-paquets personnalisés [5].
Au-delà de son efficacité dans la lutte contre le tabagisme, la mise en place du paquet de cigarettes neutre est à l’origine d’un débat juridique très important. En effet, rares sont les cas où la mise en place d’une mesure a suscité un aussi long parcours législatif (I) nécessitant tout du long le recours à de nombreuses juridictions nationales et internationales afin d’en garantir la légalité (II).
I. L’instauration du paquet neutre : de la décision communautaire de 2002 au 1er janvier 2017
Engagée par des décisions internationales et galvanisée par le modèle australien (A), la France a choisi de mettre en place de nouvelles mesures particulièrement strictes dans la lutte anti-tabac aboutissant à l’uniformisation des paquets neutres (B).
A. Un contexte mondial favorable
Depuis les années 1950 et les premières études démontrant les effets nocifs du tabac sur le corps humain, une large campagne de lutte anti-tabac s’est mis en place imposant successivement son interdiction dans les lieux publics, les transports et lieux de travail, les bars, restaurants et discothèques tout en faisant augmenter son prix auprès des consommateurs [6]. Au niveau communautaire, une décision du Conseil du 2 juin 2004 [7] a approuvé au nom de la Communauté européenne la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac développant l’idée de paquets neutres standardisés, adoptée au niveau international en novembre 2008 par près de cent soixante-dix pays.
En parallèle, la directive du 3 avril 2014 [8], abrogeant la directive du 5 juin 2001 [9], a permis de définir le nouveau cadre réglementaire des produits du tabac dans l’Union européenne. Guidé par une volonté d’harmoniser les législations nationales en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac ainsi que le respect des obligations de l’Union découlant de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, le Parlement européen a choisi d’imposer de nouvelles normes d’étiquetage et conditionnement du tabac [10].
Concomitamment à ces développements européens, l’Australie s’est démarqué du reste du monde comme le premier pays au monde à transposer les dispositions de la convention-cadre de l’OMS dans son droit interne. En décembre 2012, l’Australie a ainsi adopté le " Tobacco Plain Packaging Act [11]" imposant sur l’ensemble de son territoire des conditionnements et emballages des produits du tabac neutres, standardisés et traçables. Sa politique en matière de lutte anti-tabac semble aller encore plus loin, visant la préparation d’une augmentation du prix du tabac de 12,5% par an pendant quatre ans, le renoncement cartouches détaxées des aéroports ou rapportées de l’étranger [12], voire l’interdiction de fumer pour les personnes nées après 2001, pour un bénéfice estimé à trois milliards d’euros pour l’État australien [13].
Les études et travaux parlementaires australiens associés aux retours favorables constatés sur près de quatre ans de mise en application [14] ont largement inspiré la France qui a choisi, dans la cadre de la transposition de la directive communautaire, de suivre la même voie en matière de politique répressive à l’égard du tabac.
B. Un projet rigoureux pour la France
Les dernières grandes mesures françaises en matière d’encadrement et de lutte contre le tabac relevaient de la loi Evin [15] au début des années 1990. Fondée sur une réflexion collective dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé (SNS), le président de la République, M. François Hollande a présenté le troisième plan Cancer 2014-2019 au sein duquel a été rédigé un Programme National de Réduction du Tabagisme [16] (PNRT), porté par Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Le PNRT a pour mission de réduire le nombre de fumeurs de 10% dans 5 ans, de 20% dans 10 ans et ainsi obtenir dans 20 ans la première génération de non-fumeurs et propose parmi les mesures présentées la standardisation des paquets de cigarettes uniformisant les formes, les tailles, la couleur et la typographie [17].
Dans un premier temps, une circulaire du 3 septembre 2014 est venue préciser les règles de circulation et de taxation des tabacs manufacturés détenus par les particuliers réduisant de 10 à 4 le nombre de cartouches autorisées suivi d’un arrêté du 24 février 2015 prévoyant l’élargissement des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement et insérant un pictogramme destiné aux femmes enceintes. Par la suite, la loi du 26 janvier 2016 [18] de modernisation de notre système de santé, votée non sans difficultés [19], a intégré dans son article 27 l’instauration de paquets de cigarettes neutres et uniformisés, par l’ajout dans le Code de la santé publique d’un article L. 3511-6-1 avec une entrée en vigueur le 20 mai 2016.
Comme l’y autorise la directive [20] et contrairement à la volonté de certains parlementaires d’envisager une transposition de la directive européenne a minima, la France a choisi une voie plus stricte. La loi du 26 janvier 2016 se distingue en effet par sa rigueur particulière sur le conditionnement des produits du tabac par rapport aux préconisations de la directive européenne notamment par la suppression des marques figuratives ou semi figuratives des paquets de cigarettes, les seules marques dénominatives pouvant être affichées [21]. Deux décrets du 21 mars 2016 [22] et du 11 août 2016 [23] ainsi que deux arrêtés du 21 mars 2016 [24] et du 22 août 2016 [25] ont par la suite précisé les modalités de mise en place du paquet neutre de cigarettes, avec de nouvelles dispositions codifiées aux articles R3511-17 et suivants du Code de la santé publique [26].
Le 19 mai 2016, l’ordonnance [27] portant transposition de la directive de 2014 définit le cadre pour les nouveaux conditionnements et emballages de produits du tabac, comportant notamment [28] l’instauration du paquet neutre avec l’obligation d’utiliser un conditionnement neutre et uniformisé, dont aucun élément ne contribue à la promotion d’un produit du tabac ou incite à sa consommation en donnant une impression erronée quant aux caractéristiques, effets sur la santé, risques ou émissions de ce produit [29] ainsi que la double apposition obligatoire d’un avertissement sanitaire, un avertissement générale et un message d’information [30]. L’entrée en vigueur de l’ordonnance coïncide étroitement avec celle des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 sur le paquet neutre ainsi que la date butoir de transposition de la directive européenne [31].
Le 20 mai 2016 a ainsi imposé aux industriels du tabac de ne produire que des paquets de cigarettes neutres, prévoyant le 20 novembre 2016 l’impossibilité de livrer d’autres types de paquets aux débitants de tabac pour arriver au 1er janvier 2017 où seuls les paquets neutres et uniformisés ne pourront être vendus.
II. Les droits des industriels du tabac balayés par l’intérêt général
La nouvelle politique française a suscité une réaction très forte des compagnies de tabac, décidées à soulever les nombreuses violations issues de cette législation (A). De la même façon qu’en 1991, les industriels n’ont pas réussi à obtenir gain de cause devant les juridictions nationales et internationales (B).
A. Des atteintes juridiques et économiques aux droits des industriels du tabac
Reprenant les arguments soulevés en 1991 face à la mise en place de la loi Evin ainsi que ceux utilisés dans les procédures engagées contre la législation australienne, les industriels du tabac font valoir les nombreuses violations notamment constitutionnelles dont ils estiment être victimes dans le cadre de l’instauration des paquets neutres.
Les compagnies de tabac ont ainsi soulevé que l’interdiction totale d’exploitation des marques de tabac figuratives et semi-figuratives et la limitation d’usage des marques dénominatives, définies par la loi, constituent une atteinte au droit de propriété sur les marques, droit à valeur constitutionnelle [32] rappelé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme [33].
L’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit en effet la marque comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ». Ce signe a vocation à permettre au public, sans confusion possible, de reconnaître le produit ou le service qu’il recherche et de le différencier d’autres produits de même nature. L’adoption du paquet neutre visant à détruire non seulement la distinctivité et la valeur de la marque de cigarette [34], mais également les logos, dessins et autres signes apposés sur les paquets de cigarettes, il ne reste alors sur le paquet que la marque dénominative, inscrite dans une police définie et confiné à une présence discrète.
Conséquence désastreuse pour les fabricants, l’ensemble de leurs droits d’auteurs sur des dessins, logos, modèles de paquets voire dans certains cas des brevets se trouveraient en conséquence inexploitables. Certains s’inquiètent en conséquence des risques d’action en déchéance de marque pour défaut d’exploitation et l’impossibilité de défendre ses droits dans le cadre d’une action en contrefaçon. L’article L. 714-5 du Code de propriété intellectuelle garantit cependant la conservation pour juste motif de non exploitation. Les compagnies de tabac resteront donc propriétaires de leurs droits mais ne pourront ni les utiliser ni les exploiter.
Les fabricants déduisent de cette violation de l’exploitation de leurs marques une expropriation leur ouvrant la voie à dédommagement que les professionnels évaluent à près de 20 milliards d’euros. En effet, il est possible de prévoir une indemnisation étatique issue de l’interdiction de commercialisation de produits [35]. Les circonstances sont cependant différentes du fait notamment que l’objectif même de la loi du 26 janvier 2016 est de neutraliser l’attractivité de la marque sur des considérations de santé publique. L’argument semble incertain tant il apparait difficile d’associer à cette limitation d’exploitation une expropriation, les marques n’étant ni expropriées, ni transférées. Les sociétés de tabac se défendent sur la base des propres décisions du Conseil constitutionnel, ce dernier ayant fluidifier la distinction entre la stricte privation de propriété et sa simple limitation [36], admettant que, lorsqu’elle induit des limitations ayant « un caractère de gravité telle que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouvent dénaturés », une disposition n’entraînant pas nécessairement une dépossession peut être assimilée à une privation de propriété [37].
Également, les industriels du tabac évoquent le risque sérieux de confusion des produits pour les acheteurs. Comme l’ont souligné certains auteurs, « empêcher les fabricants de se distinguer les uns des autres par leurs marques emblématiques, ou au moins ramener toutes ces marques à une même présentation typographique, nominale, c’est risquer de fausser la concurrence entre les acteurs du marché du tabac, les mettre dans une égalité forcée et artificielle [38] ». Corolairement, cette loi pourrait faire disparaitre le contrôle de l’origine des produits, au détriment des consommateurs et des exploitants qui proposent des produits de qualité supérieure.
L’enjeu économique est ici de taille. Les fabricants et buralistes craignent en effet des répercussions économiques fortes notamment vis-à-vis de la concurrence européenne qui reste non soumise à une législation aussi stricte. De même, l’uniformisation des produits favoriserait la diffusion de contrefaçons. Si l’Australie parait a priori [39] protégée par son insularité, la France serait sujette à une augmentation du trafic illégal de tabac, encouragé par la facilité à imiter les paquets neutres et la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne [40].
Enfin, la suppression des marques figuratives ou semi-figuratives sur les paquets de cigarettes va freiner de manière considérable toute politique ou ambition marketing pour les industriels du tabac, dans un marché où les marques et signes distinctifs sont des éléments importants pour la fidélisation du consommateur.
B. Le refus des juridictions de défendre l’industrie du tabac
Dans la continuité de leurs actions contre la législation australienne, de nombreux recours ont été déposés par les industriels du tabac contre la France afin de contester voire d’annuler les dispositions légales visant à « détériorer » les conditions de leur activité. Les différentes juridictions saisies n’ont pourtant pas été sensibles à leurs arguments, justifiant principalement la légalité des mesures par un objectif de santé publique et d’intérêt général. Historiquement, la Cour de cassation s’est montrée très stricte dans l’appréciation des emballages des produits reconnaissant souvent la qualification de publicité illicite en faveur du tabac à des emballages proposant des décorations associant le tabac aux voyages, aux loisirs et à la jeunesse [41], les paquets étant conçus pour être amusants et attrayants, notamment vis-à-vis des jeunes consommateurs, et inciter à la collection par leur diversité [42].
Saisi le 21 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a statué sur la constitutionnalité de la loi de modernisation de notre système de santé dans une décision rendue le 21 janvier 2016 [43]. Étaient notamment mises en causes trois mesures particulièrement critiquées : le paquet neutre, son introduction par voie d’amendement dans le projet de loi la dispensant de l’obligation d’étude d’impact préalable [44] et l’interdiction des publicités pour le tabac sur les lieux de ventes. Les députés et les sénateurs requérants ont fait valoir que l’instauration du paquet neutre, ayant pour conséquence d’empêcher toute exploitation normale de la marque, devait légalement prévoir les conditions d’indemnisation de la privation de propriété [45].
Si la haute cour déclare la loi partiellement conforme, elle ne relève pas d’atteinte non justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée à l’objectif poursuivi [46].Réutilisant ses propres justifications dans sa décision du 8 janvier 1991 relative à la constitutionnalité de la loi Evin [47], le Conseil constitutionnel relève que « l’évolution qu’a connue le droit de propriété s’est également caractérisée par des limitations à son exercice exigées au nom de l’intérêt général ; que sont notamment visées de ce chef les mesures destinées à garantir à tous […] "la protection de la santé" [48] ». Ainsi, les paquets neutres « n’interdisent pas que chacun de ces supports comporte l’inscription de la marque, de telle sorte que le produit puisse être identifié avec certitude par son acheteur [49] ».
Une partie de la doctrine avait prédit une telle constance dans la décision du Conseil constitutionnel [50], faisant valoir en 2010 que le droit à la santé publique était susceptible de limiter l’exercice des prérogatives des droits de propriété intellectuelle, tel que le conseil a pu déjà constater à l’occasion de la première décision Hadopi [51]. La High Court australienne a développé le même raisonnement dans sa décision face aux compagnies de tabac [52], définissant le droit de propriété intellectuelle comme un droit de propriété précaire et négatif [53].
Plus récemment, c’est le Conseil d’État qui s’est prononcé sur les décrets et arrêtés [54] relatifs aux modalités de mise en place du paquet neutre de cigarettes. Saisi par plusieurs sociétés fabricant ou commercialisant des produits du tabac en France ainsi que la Confédération nationale des buralistes de France, le Conseil d’État a rejeté le 23 décembre 2016 [55] leurs demandes d’annulation des textes relevant que les interdictions prévues en matière de conditionnement des produits du tabac demeurent proportionnées à l’objectif de santé public et de protection de la vie des personnes et ne visent pas les marques nominatives et la dénomination commerciale associée, garantissant l’identification des produits pour les acheteurs. Pour les mêmes raisons, le Conseil d’État a jugé conforme la réglementation nationale au droit de l’Union européenne.
Au niveau européen, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée en faveur de la directive du 3 avril 2014 sur les produits du tabac, contestée dans trois affaires impliquant la Pologne [56] ainsi que des compagnies de tabac, les sociétés Pillbox 38 (UK) [57] Ltd et Philip Morris [58], estimant que le législateur de l’Union avait outrepassé sa marge d’appréciation en la matière, dérogeant ainsi au principe de subsidiarité garanti par le droit de l’Union :
La Pologne contestait l’interdiction de la vente des cigarettes mentholées sur le marché intérieur européen à compter du 20 mai 2020 ;
La société Pillbox mettait en cause la validité de la réglementation spécifique applicable aux cigarettes électroniques prévue par la directive ;
La société Philip Morris mettait en cause les nouvelles mesures d’uniformisation de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac.
La CJUE, reprenant les conclusions de l’avocat général Juliane Kokott [59], a déclaré licites et proportionnées les dispositions de la directive de 2014 qui tolèrent des normes nationales plus contraignantes [60]. Elle confirme également l’interdiction des cigarettes mentholées et approuve l’instauration d’une réglementation spécifique pour les cigarettes électroniques.
Enfin, en 2012, suite au Tobacco Plain Packaging Act, plusieurs pays liés à l’industrie du tabac avaient intenté une action devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre l’Australie. L’Ukraine [61], la République dominicaine [62], le Honduras [63], Cuba [64] et l’Indonésie [65] avaient ainsi contesté la législation australienne devant le Dispute Settlement Body (DSB), organe de règlement des différends de l’OMC. La récente législation faisait peser sur la France les mêmes risques. En effet, la France et l’Australie sont toutes deux signataires, dans le cadre de l’OMC, des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [66], mais également de l’accord sur les obstacles techniques au commerce [67], ces textes prévoyant pour les États signataires des obligations relatives à la protection des marques, en vue de la facilitation des échanges commerciaux. Pour justifier sa politique, l’Australie avait invoqué le protocole contre le commerce illicite du tabac, issue de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac [68], permettant de renforcer les contrôles de la chaîne logistique à travers l’instauration d’un système de suivi et de traçabilité indépendant de l’industrie, que la France a également ratifié. L’affaire pouvait ainsi se résoudre à un conflit OMC / OMS.
Avant toute solution judiciaire, l’Ukraine a demandé le 25 mai 2015 au Groupe spécial de suspendre ses travaux de consultation, soutenue par l’Australie [69] , la suspension ayant lieu « en vue de l’obtention d’une solution mutuellement convenue ». Le 2 juin 2015, le Groupe spécial a informé l’ORD de sa décision [70] d’accéder à la demande de l’Ukraine et de suspendre ses travaux. La France a ainsi été épargnée avant même la mise en place de son dispositif législatif.
Fort de l’expérience de la prohibition, les politiques préfèrent aujourd’hui s’attaquer à l’image des produits nocifs plutôt qu’à interdire leur consommation par les utilisateurs, harassant les fabricants de tabac condamnés à voir leurs fonds de commerce se restreindre. Les paquets neutres appartiennent en réalité déjà au passé, les sociétés de tabac devant maintenant se préparer à l’année 2020 qui verra de nouvelles mesures s’appliquer notamment la suppression des cigarettes mentholées, slims et aromatisées.
Ces atteintes au droit des marques fondées sur la notion d’intérêt général et de santé publique, insuffisamment précise pour garantir une réelle proportionnalité par rapport à d’autres droits constitutionnellement protégés tel le droit de propriété, ne concerne malheureusement pas seulement l’industrie du tabac, et il n’est pas impossible, dans le contexte actuel, d’envisager un jour l’uniformisation des emballages et conditionnements en matière de vin et spiritueux.