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Le cancer du sein en Polynésie pour les victimes des essais nucléaires. Par Marianne Lahana, Responsable juridique et Norbert Telmon, Médecin-Expert.

Le cancer du sein en Polynésie pour les victimes des essais nucléaires.

Par Marianne Lahana, Responsable juridique et Norbert Telmon, Médecin-Expert.
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1re Parution : 10 décembre 2021

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De nombreux cancers du sein présumés radio-induit en Polynésie française sont indemnisés par le Comité d?Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN) après expertise médico-légale et selon une méthodologie d?indemnisation et un barème qu?il a défini.

Or, ces cancers sont particuliers étant donné les conséquences qu?ils ont sur le corps de la femme, son ressenti, et les habitudes de vie. De plus, la nature de la chirurgie initiale (tumorectomie et mammectomie), des soins associés (radiothérapie, chimiothérapie) et d?une chirurgie de reconstruction éventuelle rendent leur évaluation d?autant plus complexe.

L?analyse de l?évaluation et de l?indemnisation pour les cancers du sein en Polynésie française a nécessité de réaliser une étude de cas permettant de bien appréhender trois préjudices clés : le préjudice esthétique, les souffrances endurées et le préjudice sexuel, préjudices les plus représentatifs des troubles subis.

Introduction.

Selon un arrêt de principe de la Cour de cassation du 20 octobre 1954, le processus de réparation du dommage corporel consiste à « replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l?acte dommageable n?avait pas eu lieu ». C?est ce que tout réparateur tente d?appliquer, avec plus ou moins de difficultés. En dommage corporel, ce sont les accidents médicaux et de la circulation qui restent majoritaires et qui sont le plus fréquemment indemnisés. Tout le système de réparation a d?ailleurs été construit sur cette base, tant dans son approche d?évaluation médico-légale que celle de l?indemnisation. Alors comment, dans des cas où la pathologie cancéreuse a pour effet de troubler la perception de l?image du corps, adapter cette construction et indemniser au plus juste les préjudices des victimes ?

L?exercice de la réparation de préjudices corporels résultant de pathologies carcinologiques est particulier, en ce qu?il est quasi-exclusivement mis en ?uvre au sein du Comité d?Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN). Et si le CIVEN indemnise 23 pathologies cancéreuses inscrites en annexe du décret n°2019-520 du 27 mai 2019 dans son article 7, le cas du cancer du sein en Polynésie française mérite d?être analysé, tant son évaluation et son chiffrage répondent à des critères précis.

En ce sens, la méthodologie d?indemnisation du CIVEN a été approuvée par délibération du 1er octobre 2018, et établie en prenant en compte les barèmes des cours d?appel, de l?ONIAM et de l?ENM, selon la nomenclature « Dintilhac ».

I. L?absence de cadre juridique et médical sur l?évaluation des cancers en dommage corporel.

A. L?approche médico-légale de l?évaluation du cancer.

L?atteinte du sein est peu abordée dans les barèmes habituellement utilisés en dommage corporel : évaluation du déficit fonctionnel permanent, quantification du préjudice esthétique? [1].

De plus, les conditions de survenue de la pathologie, les particularités liées à la prise en charge en Polynésie, la surveillance et le risque de récidive doivent être pris en compte dans l?évaluation. Cette dernière nécessite donc une approche spécifique.

La quantification du préjudice fonctionnel doit se faire au regard de l?âge et doit prendre en compte les éventuels retentissements sur la mobilité (épaule et/ou rachis) ainsi que les répercussions psychologiques. Dans tous les cas, la conservation ou non du mamelon et de l?aréole doit être notée. Le préjudice esthétique temporaire (avant consolidation et/ou reconstruction mammaire) doit s?évaluer à partir d?éléments objectifs d?appréciation, de sa durée et d?une quantification selon une échelle de 0 à 7.

Le préjudice esthétique permanent prend en compte cicatrices, déformations, amputations et qualité de la prothèse et leur visibilité. Le dommage sexuel doit notamment prendre en compte une atteinte, à l?agrément lié à la sexualité et à sa fonction érotique, en adéquation avec la notion de santé sexuelle. Or, même après reconstruction, les domaines de la qualité de vie sexuelle et de la satisfaction sexuelle restent souvent altérés. Les séquelles liées à l?atteinte d?un sein peuvent également conduire la femme à limiter certaines activités d?agrément (préjudice d?agrément) notamment en raison d?une gêne psychologique ou encore être à l?origine d?une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale.

L?évaluation des souffrances endurées doit prendre en compte les douleurs physiques liées à la pathologie mammaire et à son traitement (chirurgies, radiothérapie, chimiothérapie...), à la durée et au nombre d?hospitalisations, au caractère astreignant des soins médicaux et/ou paramédicaux, la pénibilité induite par les traitements ainsi que les souffrances psychiques et morales [2].

B. L?approche jurisprudentielle du chiffrage du cancer.

Chaque préjudice corporel trouve une définition différente selon que l?on regarde celle de la nomenclature Dintilhac, du référentiel Mornet, des cours d?appel? Cette absence d?homogénéité se retrouve également au sein des indemnisations proposées en fonction des cotations retenues par le médecin expert.

Dans tous ces référentiels, rien n?est écrit quant aux pathologies cancéreuses et à leur indemnisation. Il convient donc à celui qui en a la charge, d?apprécier au plus près le préjudice en fonction du type de pathologie diagnostiquée. Dans le cas du cancer du sein, l?image corporelle est prédominante, en ce qu?elle est « un fondement de l?estime de soi » [3]. Trois préjudices seront donc intéressants à analyser avant de se focaliser sur l?étude de cas réalisée. Il s?agit du préjudice esthétique (1), des souffrances endurées (2) et du préjudice sexuel (3).

1. Sur le préjudice esthétique.

« Le préjudice esthétique est apprécié in abstracto par le médecin expert sans tenir compte de l?âge, du sexe et de la profession de la victime : c?est le régleur qui, ultérieurement dans son évaluation de l?indemnisation, prendra en compte ces paramètres » [4].

Si cette énonciation est vraie dans tous les cas d?accidents corporels rencontrés par le médecin expert, il est plus difficile de pouvoir l?analyser avec le cancer du sein au sein du CIVEN car 90% des cas de cancers du sein indemnisés le sont concernant des femmes. Il est donc difficile de pouvoir comparer une éventuelle distinction qui serait faite avec le préjudice esthétique d?un homme. Une nuance est toutefois à envisager, car nul ne pourra contester le fait qu?une femme est davantage préjudiciée lorsqu?elle subit une ablation mammaire, qu?un homme.

Et cela a deux résonnances particulières : tout d?abord et comme on vient de le dire, l?image de soi est altérée au centre de ce qui constitue le point d?ancrage de la féminité et de la maternité. En ce sens, l?indemnisation doit prendre en compte le ressenti de la femme et la nouvelle vision de son corps. Puis, le regard de l?autre : cette dimension est considérablement amplifiée en Polynésie française, où les conditions climatiques et le milieu naturel favorisent le port de vêtements rendant plus facilement visibles les cicatrices, les déformations, voire l?absence de sein.

Si l?indemnisation des cancers est « quasi-exclusive » du CIVEN, c?est parce qu?ils sont par ailleurs également appréhendés par le Fonds d?Indemnisation des Victimes de l?Amiante (FIVA), mais pour un fait générateur différent. En effet, une étude statistique révèle que sur 30 arrêts rendus statuant sur une demande au titre d?un préjudice esthétique dans le cadre de cancers [5] :
- 12 demandes ont concerné une perte de poids seule ;
- 6 demandes ont concerné une perte de poids et une perte de cheveux ;
- 12 demandes ont concerné des cicatrices visibles.

Concernant des amputations, la même étude relève 37 arrêts statuant sur une demande au titre d?un préjudice esthétique portant sur une amputation. Par exemple, le cas de l?indemnisation d?une victime à hauteur de 17 000 euros pour une amputation de l?avant-bras gauche, côté à 4 sur une échelle de 7 par l?expert [6].

La jurisprudence est donc muette sur les cas de cancers du sein résultants d?une exposition radio-induite. La comparaison avec des amputations d?une autre nature que celle du sein pour une femme ne saurait donc être établie.

2. Sur les souffrances endurées.

Les souffrances endurées sont définies au sein de la nomenclature Dintilhac comme englobant « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique » [7].

Ce préjudice est appréhendé de manière très différente par les médecins experts. Les méthodologies d?évaluation sont variables, ce qui aboutit à des disparités dans les indemnisations proposées. En effet, certains médecins évaluent globalement les souffrances, en fonction des troubles endurés sur la totalité d?une période avant consolidation. D?autres, préconisent une multitude d?évaluations correspondant à une variété d?état avant la consolidation. Cette seconde méthode engendre une nécessaire proratisation du régleur, qui ne peut indemniser chaque cotation de manière distincte, a fortiori s?il existe une dizaine de cotations différentes.

Cette nécessaire proratisation va néanmoins avoir pour effet de considérablement réduire le préjudice subi. Pour exemple :
- Cas de cancer du sein, les souffrances ont été évaluées à 3/7 pendant 10 jours puis 2/7 pendant 717 jours. Le montant proratisé est donc de 2/7 ;
Il appartient donc au régleur de faire varier les montants selon les différents éléments dont il dispose, mais cette possibilité est parfois impossible dans d?autres cas ;
- Cas de cancer du sein avec mammectomie bilatérale sans reconstruction, les souffrances ont été évaluées à 5/7 pendant 1 jour, 3/7 pendant 10 jours puis 2/7 pendant 365 jours. Le montant proratisé est donc de 2/7.
Pour une cotation à 2/7, la valeur proposée se situera entre 1 500 ? et 2 500 ?, alors que si la cotation était globalisée à 2,5 ou 3/7, elle se chiffrerait entre 2 500 ? et 6 000 ?.

Il est donc préconisé de tendre vers une globalisation de la cotation pour les souffrances endurées mais aussi pour le préjudice esthétique, afin d?éviter au régleur de devoir minorer le montant de l?indemnisation.

3. Sur le préjudice sexuel.

Le préjudice sexuel a été défini dans un arrêt du 17 juin 2010. Il y est énoncé qu?il comprend

« tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l?atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l?acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l?accomplissement de l?acte sexuel, qu?il s?agisse de la perte de l?envie ou de la libido, de la perte de la capacité physique de réaliser l?acte ou de la perte de capacité à accéder au plaisir, le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer ».

Ce préjudice est donc appréhendé de manière globale, afin que chaque aspect soit pris en compte. Dans le cadre du cancer du sein, la question de ce préjudice se pose presque systématiquement pour le médecin expert et le manque de jurisprudence doit conduire le régleur à redoubler d?attention. Toutefois, si la question se pose presque systématiquement, l?étude de cas montrera que son évaluation n?est pas automatique, voire lacunaire, puisque son évaluation n’est parfois pas prise en compte malgré des conséquences physiques importantes et un ressenti altéré.

II. Étude sur les 66 cas de cancers du sein en Polynésie française reconnus radio-induit (au 31 décembre 2021).

Pour réaliser cette étude, nous avons retenu les critères suivants :
- Reconnaissance de la qualité de victime avec un diagnostic de cancer du sein ;
- Évaluation et descriptif des souffrances endurées ;
- Évaluation et descriptif du préjudice esthétique temporaire ;
- Évaluation et descriptif du préjudice esthétique permanent ;
- Évaluation et descriptif du préjudice sexuel ;
- Cancer du sein avec ou sans mammectomie ;
- Cancer du sein avec ou sans reconstruction ;
- Montant du préjudice indemnisé par le CIVEN ;
- Date de consolidation.

Les champs renseignés M-, Mr et T signifient Mammectomie, Mammectomie avec reconstruction et Tumorectomie.

Les champs renseignés C et DCD signifient Consolidation et Décédé.

Sur 66 cas de cancers du sein reconnus radio-induit au CIVEN, 52 ont fait l?objet d?une indemnisation et 14 sont en cours d?indemnisation au 30 novembre 2021.

27 cas de cancers avec tumorectomie ont été indemnisés, dont 2 avec reconstruction.

Les différentes évaluations des préjudices sont présentées sous forme de boxplot dont le trait horizontal représente la moyenne. Des tests statistiques ont été réalisés (test de Kruskal Wallis) avec le logiciel R. Seuls les résultats significatifs sont mentionnés dans les graphiques avec la légende suivante selon la valeur de p : *(< 0,05), **(<0,01) et ***(<0,001).
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A. L?évaluation du préjudice esthétique temporaire.

Concernant le préjudice esthétique temporaire, on constate qu?en moyenne, les cancers du sein avec mastectomie sans reconstruction sont évalués à 4 sur 7, comparativement aux tumorectomies évaluées autour de 2,5 sur 7. Le montant de ce préjudice se situe autour de 13 000 euros pour les cas de mastectomie et diminue proportionnellement selon la nature des soins. Toutefois, il est à noter un écart plutôt significatif entre le montant alloué dans les cas de tumorectomie et la cotation. Lorsque l?évaluation de la tumorectomie est deux fois moins cotée que pour une mastectomie, le chiffrage est quant à lui, beaucoup moins important.

B. L?évaluation du préjudice esthétique permanent.

Effet de l?âge à la consolidation.

On constate que plus la victime est âgée, plus la cotation diminue. Il est ainsi possible de se demander si le ressenti est différent pour les victimes ou si le médecin expert prend en compte l?âge comme un facteur d?évaluation distinct ? Les évaluations sont plus faibles après consolidation et respectent la même logique pour les mastectomies avec ou sans reconstruction et les tumorectomies.

C. L?évaluation du préjudice sexuel.

L?évaluation du préjudice sexuel dans le cadre du cancer du sein est sous représentée comparativement à l?importance que revêt ce poste de préjudice à la lumière des conséquences des traitements et des interventions chirurgicales. Ainsi, sur les 66 cas de cancers du sein, seuls 11 ont été indemnisés en présence d?une mastectomie et 9 seulement sans mastectomie.

Le préjudice sexuel répond au sein des rapports du CIVEN, à une logique descriptive basée sur l?atteinte à l?acte, à l?organe, et/ou à la fonction de procréation.

Les cas avec mastectomie sont significatifs mais ne semblent pas suivre sur le plan de l?indemnisation. En effet, les montants sont faibles comparativement aux situations. Il n?est pas possible d?observer la même tendance pour ce poste, où les cas de mastectomie sans reconstruction et de tumorectomie sont évalués de manière similaire.

Enfin, il est possible de relever qu?il n?y a pas d?effet d?âge à la consolidation.

L?indemnisation peut être autant élevée pour une personne consolidée à 43 ans qu?à 57 ans.

Elle reste malgré tout plus importante pour les personnes n?ayant pas encore atteint l?âge de 50 ans à la consolidation, les répercussions sur le plan personnel ne pouvant être les mêmes pour les femmes.

Le préjudice sexuel est rarement pris en compte. Les doléances des femmes retranscrivent pourtant une altération de leur image et une diminution de leur libido relativement significative. Les relations sexuelles prennent généralement fin au moment du diagnostic de la maladie et s?amplifient après les interventions chirurgicales. Certains témoignages retranscrivent une honte du corps mais de nombreuses victimes ne sont pas indemnisées en raison d?un préjudice non imputable à la pathologie, et d?une diminution de la libido antérieure à la maladie.

Si cette diminution est certes antérieure à la maladie, il n?en reste pas moins que celle-ci contribue à l?ancrer davantage dans le couple et ne peut pas être écartée pour ce seul motif. Ce préjudice devrait donc être analysé conjointement au préjudice esthétique permanent et faire l?objet d?une évaluation poussée, après une discussion engagée avec le médecin sur ce sujet parfois complexe à aborder pour la victime.

Il convient également d?indiquer que sur l?ensemble des préjudices sexuels évalués, seul 1 a fait l?objet d?une cotation sur 7, les autres étant évalués de manière descriptive. Or, cette évaluation doit se faire en deux temps : les séquelles génito-sexuelles d?un traumatisme concernent la fonction sexuelle proprement dite mais également la pratique liée à l?acte sexuel.

Ainsi, il est indiqué dans la littérature que « le barème des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun évalue de 5% à 40% les séquelles génito-sexuelles selon leur spécificité organique et fonctionnelle, mais cette quantification objective du taux d?incapacité n?est nullement modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l?âge et la situation familiale de la victime » [8]. Aucune indication n?est donnée concernant la manière dont l?évaluation doit être faite, mais elle doit veiller à englober ces deux aspects et, pour une indemnisation plus juste, la question peut être posée d?une éventuelle cotation.

D. L?évaluation des souffrances endurées.

Ce tableau met en évidence l?évaluation stricto-sensu des souffrances. Il apparaît une légère augmentation de l?indemnisation en présence de mastectomie, ce qui est corroboré par les motifs d?évaluation où il existe à la fois de la chimiothérapie, de la radiothérapie, et des interventions chirurgicales.

La moyenne pour les indemnisations à 4/7 avec mastectomie est d?environ 16 000 euros, lorsqu?elle est à environ 13 000 euros sans mastectomie et pour les cas de tumorectomie.

Certaines évaluations ne sont toutefois pas homogènes, puisqu?un cas de cancer du sein avec mastectomie totale droite sans reconstruction a été évalué à 4 comme les autres cas de mastectomie. La compensation s?est donc faite lors de l?indemnisation, puisque ces souffrances étant majorée de troubles dans les conditions d?existence en raison de l?anxiété liée à la pathologie, ce qui a permis d?attribuer un montant plus élevé.

Consolidation CotationNombre de cas
C 3.5 n=34
DCD 4.7 n=13

Enfin, pour les dossiers indemnisés définitivement les souffrances endurées sont plus élevées chez les personnes décédées.

Conclusion.

L?évaluation des dommages liée au cancer du sein en Polynésie française répond à plusieurs problèmes : d?une part, l?évaluation d?une pathologie carcinologique, dans un contexte d?outils de dommages corporels essentiellement accès sur des pathologies post-traumatiques, et pour certains en voie d?obsolescence, et d?autre part, un dommage avec des conséquences spécifiques sur l?image de la femme et sa vie intime.

Ces outils permettent malgré tout une évaluation qui, globalement, apparaît cohérente par rapport au type de pathologies mais mériteraient une réflexion collective sur les outils d?évaluation [9] et notamment l?applicabilité des grilles et barèmes actuellement à disposition.

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Notes de l'article:

[1Hérin (F.), Vaysse (C.), Savall (F.), et al. Évaluation du dommage corporel en sénologie : une nécessaire évolution. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, 2021.

[2Hérin (F.), Savall (F.), Saint-Martin (P.), Telmon (N.), Réparation du dommage en cancérologie, Bulletin du Cancer, 108(4), 352-358.

[4Droit du dommage corporel, systèmes d?indemnisation, Yvonne Lambert-Faivre, Stéphanie Porchy-Simon, 8ème édition, page 128.

[5Etude statistique sur l?indemnisation des préjudices esthétiques temporaire et permanent, tendances jurisprudentielles 2019-2020, AREDOC, page 13-14.

[6Cour d?appel de Paris, arrêt du 10 septembre 2019, n°17/19704.

[8Droit du dommage corporel, systèmes d?indemnisation, op. cit., page 191.

[9Hérin (F.), Savall (F.), Saint-Martin (P.), Telmon (N.), Op., cit.

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