La demande de nullité de la révocation d’un directeur général de SAS.

Par Thibault Masson, Juriste.

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Explorer : # révocation # nullité relative # sas # droit des contrats

Suivant un arrêt rendu le 4 avril 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 22-20.482), un directeur général de SAS doit être vigilant quant au fondement de sa demande d’annulation d’une assemblée générale le révoquant. Dans les faits, un directeur général de SAS demande la nullité de la délibération en assemblée générale de la société le révoquant après sa démission. Il se fonde sur le défaut d’objet de l’assemblée générale. De ce fait, les règles des contrats s’appliquent : la nullité est relative. Sa demande n’est donc pas recevable.

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Un arrêt rendu le 4 avril 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 22-2.482) traite des modalités de la demande d’annulation d’une délibération de révocation d’un directeur général de SAS.

Selon les faits exposés, un directeur général de la société par actions simplifiée (SAS) notifie sa démission au président de la société le 8 avril 2019. Le 15 avril de la même année, l’assemblée générale de la société le révoque.

L’ancien directeur général demande l’annulation de la délibération le révoquant de ses fonctions. La société lui oppose l’irrecevabilité de sa demande pour défaut de qualité à agir.

La cour d’appel applique l’article L227-9 du Code de commerce. Selon elle, le demandeur a qualité pour agir, sa demande est donc recevable.

La société forme un pourvoi. Selon cette dernière, l’ex-directeur général, tiers à la société, invoque une nullité de la délibération pour défaut d’objet en raison de sa démission préalable. Or, c’est un vice de nullité relative. Il n’a donc pas qualité pour agir.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et se fonde pour cela sur les articles L227-9 et L235-1 du Code de commerce, les articles 1179 et 1181 du Code civil et l’article 31 du Code de procédure civile.

Elle énonce que :

« il résulte de la combinaison de ces textes que l’action en annulation d’une délibération de l’assemblée générale d’une société par actions simplifiée pour défaut d’objet relève d’une cause de nullité des contrats en général, de sorte que sa recevabilité doit être appréciée au regard du droit commun ».

En conséquence, si un directeur général de SAS démissionne et que la délibération d’une assemblée générale le révoque ultérieurement de son mandat, sa demande d’annulation de la délibération pour défaut d’objet est irrecevable. En effet, dans ce cas, la nullité est relative. De ce fait, elle ne peut être demandée que par les personnes que la loi a entendue protéger.

En l’espèce, la demande n’étant pas justifiée par une méconnaissance des statuts, mais par un défaut d’objet de la délibération en raison de sa démission préalable, la recevabilité de sa demande devait être appréciée au regard des règles des contrats en général.

Ensuite, la Cour de cassation, dans un souci de bonne administration de la justice, statue au fond. Comme le demandeur a démissionné de ses fonctions, il n’a pas d’intérêt à demander l’annulation de la délibération ayant décidé ultérieurement de sa révocation. L’action en nullité est donc irrecevable.

La question de l’application de l’article L227-9 du Code de commerce.

La cour d’appel a appliqué l’article L227-9 du Code de commerce. Représentatif de la liberté qui caractérise la SAS et la SASU, il prévoit au premier alinéa que les statuts de la société par actions simplifiée « déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient ». Au quatrième alinéa, il dispose que : « Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ».

Or, comme l’a relevé la cour d’appel, les statuts ne prévoient rien en ce qui concerne la révocation du directeur général. En effet, les statuts prévoient, en ce qui concerne le directeur général, les modalités de sa nomination, son renouvellement ou son remplacement. Rien n’est dit sur sa révocation.

De ce fait, la délibération révoquant le directeur général peut être vue comme une violation de l’article L. 227-9 du Code de commerce. C’est une méconnaissance des statuts. Mais, ce qui explique la décision de la Cour de cassation est justement que l’ex-directeur général n’invoque pas une méconnaissance des statuts. Il invoque la nullité pour défaut d’objet.

La cour d’appel, au lieu d’appliquer cet article, aurait dû se poser la question de son application.
Il faut se placer en amont de son application. C’est exactement ce que fait la Cour de cassation.

L’application des lois régissant le contrat.

Selon l’article L235-1 du Code de commerce, visé par la Cour de cassation, la nullité d’une délibération qui ne modifie pas les statuts ne peut résulter que des lois qui régissent les contrats ou de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce. Elle ne peut pas résulter des articles L225-35 alinéa 1, et de la troisième phrase de l’alinéa 1 de l’article L225-64.

En appliquant cet article au litige, il est possible d’appliquer soit l’article L227-9, soit les règles propres au droit des contrats. Comment déterminer le corps de règles à appliquer ? Il faut examiner ce qui fonde la demande de l’ex-directeur général.

Ce qui fonde la demande est le défaut d’objet de la délibération. C’est une cause de nullité des contrats. De ce fait, on applique le droit régissant les contrats et non le Code du commerce. Ce qui fonde la demande détermine le droit applicable : c’est un raisonnement logique qui préserve la cohérence du droit.

Par ailleurs, la Cour prend la peine de préciser que la demande ici n’est pas fondée sur une méconnaissance des statuts. On comprend que si cela avait été le cas, la demande aurait eu une chance d’être recevable.

Ensuite, elle statue au fond et applique les règles régissant les contrats.

La nullité relative de la délibération révoquant l’ex-directeur général.

L’article 1179 du Code civil, visé par la Cour, dispose : « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».

La Cour de cassation énonce logiquement que la nullité ici est relative.
La chambre commerciale ici confirme son alignement sur la jurisprudence de la 3ᵉ chambre civile selon laquelle :

« la nullité d’un acte pour défaut d’objet, laquelle ne tend qu’à la protection des intérêts privés des parties relève du régime des nullités relatives » [1].

Enfin, la Cour de cassation vise également l’article l’article 1181 alinéa 1 du Code civil qui dispose : « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger » et l’article 31 du Code de procédure civile selon lequel le demandeur doit avoir un intérêt légitime à agir.

Comme la nullité en l’espèce est relative, et que l’ex-directeur général avait déjà démissionné au moment de la délibération, il n’a pas d’intérêt à agir.

Thibault Masson, Juriste

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