Inhérent à toute nouvelle pratique, le développement de la médiation appelle à préciser le rôle de l’avocat dans ce processus et notamment sa complémentarité avec le médiateur.
En effet, il ne s’agit pas d’une quelconque compétition en vue de conserver une part de marché, bien au contraire : une bonne collaboration entre le médiateur et l’avocat se répartissant les rôles est un facteur de gain substantiel d’affaires pour l’avocat, selon l’adage, « mieux vaut gagner un client qu’un procès ».
Rappelons avant tout que l’avocat, au même titre que le magistrat, est un expert du droit et du judiciaire. Il peut être à la fois dans un rôle de conseil (il maîtrise le juridique et évalue pour son client les risques et les opportunités du cas à traiter) mais également de plaideur dans le cas ou le dossier est porté au contentieux (il défend alors la meilleure vision du dossier en droit pour son client face à la justice).
Dans un processus de médiation, l’avocat est à la fois prescripteur, conseil et coach de son client :
prescripteur, car il est le mieux à même d’évaluer les risques (coût, temps, image etc…) d’une procédure contentieuse et donc de proposer un mode alternatif de résolution du cas de son client ;
conseil, car il accompagne son client tout au long de la médiation dans un climat de confiance, en recherchant l’intérêt par rapport à la position figée ;
coach, car négociant sur les intérêts, il doit préparer et développer cette attitude auprès de son client.
Le médiateur, quant à lui, est le garant du processus confidentiel de médiation. Enfin, le client est le seul maître du contenu. A noter qu’en médiation, le principe du contradictoire n’existe pas.
Quelles sont les missions clés de l’avocat qui permettent d’optimiser l’efficacité du processus de médiation pour son client ?
1/ La préparation : celle-ci couvre la répartition des rôles entre l’avocat et le client, la définition des stratégies commerciales, financières…, l’analyse de la BATNA : best alternative to a negociated agreement ou recherche de la meilleure solution financière pour le client, l’opening statement qui sont autant d’éléments clés pour réussir une médiation.
2/ L’accompagnement du client à la fois en plénière et en aparté/caucus.
3/ La rédaction du protocole d’accord, à faire homologuer si besoin par le juge.
Il apparaît que le règlement du différend est le plus efficace quand la coopération entre le médiateur et l’avocat est la plus étroite : en effet, l’avocat, dans sa fonction de conseil, apporte sa connaissance et sa relation avec son client ainsi que sa maîtrise juridique du dossier.
Le médiateur apporte sa neutralité, son impartialité et sa compréhension des personnes, des enjeux et des intérêts soulevés par chacune des parties. Ainsi à l’issue de la médiation, l’avocat est seul garant de la "légalité" de l’accord.
Il reste le conseil et l’expert en droit pour l’accompagnement de son client. En fait, tout le succès de la médiation réside dans la qualité du dialogue à "l’ombre de la loi "(shadow of the law comme le disent les anglo-saxons) et dans la confiance que les avocats peuvent avoir dans le médiateur et sa capacité à faire « accoucher » de la meilleure solution possible pour leur client. Et c’est dans cette relation de confiance que peut s’instaurer indirectement une relation privilégiée et durable avec son client, elle même génératrice de business.
L’Ecole de la Médiation du barreau de Paris en a bien compris les enjeux. Les médiateurs ne peuvent que s’en féliciter : faire des médiations avec des avocats bien formés est un atout.
Discussions en cours :
Merci de votre texte que tous les avocats et tous les médiateurs devraient lire....
Une observation-suggestion : après avoir parlé de "Batna", vous écrivez que l’avocat peut apporter la meilleure solution financière... Si c’était à réécrire, je suggérerais d’ajouter " la meilleure solution financière, pratique, affective et relationnelle...." car, comme vous le savez, la satisfaction du client que vous assurez peut aussi être autre que financière et recouvrir diverses dimensions.
Amicalement. Jacques Salzer
La médiation mérite de faire l’objet d’un travail de "médiation comparée". Il existe en effet plusieurs courants de pensée, avec des résultats qui ne semblent curieusement pas identiques. En attendant, voici ce que j’observe comme différences entre ce que vous exposez ici (y compris avec le lien sur votre site) et la médiation professionnelle.
Pour vous, la médiation est "un processus de négociation sur intérêts", "négociation gagnant / gagnant".
Avec la médiation professionnelle, on sort de l’esprit "affaire" pour développer un travail sur la relation.
En médiation professionnelle, on ne négocie pas sur les intérêts et les enjeux, on effectue un travail sur les positions, identification et reconnaissance.
En médiation professionnelle, les différences sont claires entre : indépendance, neutralité et impartialité.
Le médiateur professionnel n’interrompt pas une médiation pour quelle raison que ce soit : s’il atteint sa limite de compétence ou d’acceptation, de tolérance ou d’accueil, il passe la main à un autre médiateur professionnel.
Les questions de droit et de morale ne concernent pas plus la médiation professionnelle que dans le cadre de l’élaboration d’une libre entente. L’accord de médiation professionnelle est de même nature qu’un libre accord, un libre contrat... une convention amiable.
Les solutions de la médiation professionnelle ne sont pas forcément "justes" ou "équitables", parce qu’il s’agit d’une terminologie liée à des points de vue moralisateurs. Elles sont le plus souvent les moins insatisfaisantes pour les parties qui ont déjà perdu beaucoup dans le conflit.
Je constate que l’idée de la "qualité relationnelle" que j’ai associée à la médiation (professionnelle) fait son chemin ;-) Ca fera notre point de rencontre... C’est un bon début ;-) Je suis néanmoins très curieux de savoir comment vous la définissez...
Cela dit, nous sommes aussi d’accord pour dire qu’il existe des possibilités de collaboration entre médiateurs et avocats. Notre organisation, la CPMN, favorise la conclusion de conventions éthiques entre avocats et médiateurs professionnels.
Dernier point, nous promouvons le droit à la médiation www.mediateurs.pro
Bjr,
oui, c’est un "plus" pour les justiciables mais la médiation est aussi une nouveau marché pour les professions juridiques réglementées : marché de la loi et/ou marché de "dupes" ??????
face à la multiplication des MARC/MARL (conciliation conventionnelle et judiciaire, médiation, droit collaboratif, négociation assistée par un avocat, méd-arb, arbitrage en amiable compositeur.....), les justiciables ne savent plus très bien à qui s’adresser !!!
enfin, le développement des modes de règlement amiable ne révèle t-il pas un désengagement de l’Etat dans l’une de ses fonctions régaliennes essentielles, RENDRE LA JUSTICE conformément à l’ Etat de droit ???
n’oublions pas que la conciliation est l’une des prérogatives du juge civil (art 21 du CPC) et qu’il peut également statuer en "amiable compositeur" à la demande des parties (art 12-5 CPC), prérogatives judiciaires hélas !!!! très peu souvent mises en oeuvre faute de moyens suffisants accordés au service public de la justice ..
Saturnin