Le choix du double Barreau en France et à l'étranger : témoignage d'un avocat exerçant à Aix-en-Provence et Stuttgart.

Le choix du double Barreau en France et à l’étranger : témoignage d’un avocat exerçant à Aix-en-Provence et Stuttgart.

Interview de Daniel Smyrek, réalisée par Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.

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Explorer : # droit franco-allemand # double barreau # contentieux international # arbitrage

Le métier d’avocat offre une grande liberté dans son exercice et certains de ces professionnels font le choix d’exercer à la fois en France et à l’étranger. Si un tel exercice n’est pas majoritaire, il n’est pas anecdotique pour autant. En effet, Au 1ᵉʳ janvier 2023, 3 143 avocats avaient fait ce choix, soit 4,2% des avocats [1] (le barreau de Paris propose ainsi un vade-mecum de l’exercice international ainsi qu’un guichet dédié [2]). Pourquoi ce choix ? Quelles sont leurs motivations ? Qu’est-ce que cela apporte aux avocats ainsi qu’à leurs clients ? Quels conseils transmettre aux confrères tentés par l’aventure ?
Pour apporter des réponses et dans un souci de partage des expériences, la Rédaction a recueilli le témoignage de Daniel Smyrek, avocat (Rechtsanwalt) inscrit aux barreaux d’Aix-en-Provence et de Stuttgart en Allemagne.

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Village de la Justice : Pourquoi un tel choix de vie professionnelle (et donc personnelle) ? Pourquoi le barreau de Stuttgart ?

Daniel Smyrek : « Après avoir effectué mon service militaire au sein de la brigade franco-allemande, il m’est apparu comme une évidence que je souhaitais étudier le droit en France et en Allemagne. J’ai passé mon deuxième examen d’État, qui correspond à peu près au CAPA, à Tübingen, une ville universitaire située à proximité de Stuttgart. C’est à Stuttgart que j’ai entamé mon parcours professionnel, d’abord au sein du département juridique d’une grande banque, puis dans un cabinet d’avocats d’affaires.

J’ai eu la chance d’être accepté comme collaborateur par l’un des premiers avocats français établis en Allemagne, Jean-Gabriel Recq. J’ai beaucoup appris de lui ; il était une figure emblématique du monde des avocats franco-allemands. Malheureusement, il nous a quittés il y a quelques années.

Par ailleurs, Stuttgart est l’un des centres industriels les plus importants d’Allemagne. La ville abrite plusieurs fleurons de l’industrie allemande, tels que Mercedes-Benz, Daimler Truck, Bosch et Porsche. En plus de ces géants industriels, Stuttgart et l’ensemble du Bade-Wurtemberg comptent de nombreuses entreprises familiales dynamiques, souvent désignées comme des « hidden champions ».

Grâce à sa proximité géographique et culturelle avec l’est de la France et la Suisse, le Bade-Wurtemberg a toujours entretenu des relations étroites avec ses voisins d’outre-Rhin. Pour un avocat spécialisé dans le droit franco-allemand, Stuttgart est donc un lieu d’exercice idéal. De plus, grâce au TGV, Paris est accessible en un peu plus de trois heures ».

Quel(s) intérêt(s) à exercer dans deux barreaux, dont l’un à l’étranger, que ce soit pour l’avocat lui-même ou ses clients ?

"Expliquer à mes clients les différences entre les systèmes juridiques des deux pays."

« Au quotidien, j’accompagne régulièrement des entreprises françaises dans leurs relations commerciales avec des partenaires allemands, et inversement. Mon expertise couvre aussi bien le conseil en matière de contrats transfrontaliers que la représentation devant les juridictions étatiques et les tribunaux arbitraux.
Cette double inscription me permet d’expliquer à mes clients français et allemands les différences entre les systèmes juridiques des deux pays, non seulement en théorie, mais aussi en pratique.
Malgré l’harmonisation croissante du droit au sein de l’UE, des différences importantes subsistent entre nos deux systèmes juridiques, tant en droit matériel qu’en procédure civile, en règles de preuve et plus largement en culture juridique. Par exemple, la relation entre l’avocat et son client ainsi que celle entre confrères diffère notablement d’un pays à l’autre ».

Quelles sont les spécificités et les différences les plus marquantes entre votre appartenance à un barreau français et un barreau allemand, que ce soit dans l’exercice de votre profession (organisation, cadre juridique, formation, relation client...) ou dans leur approche du droit ?

« C’est une question vaste, et pour y répondre de manière exhaustive, il faudrait probablement écrire un livre.
Voici toutefois quelques différences marquantes. Les clients allemands sont généralement plus exigeants que les clients français en termes de réactivité. Souvent, ils attendent une réponse à un e-mail dans la journée, même si la question est complexe. En France, il semble plus admis qu’un client doive attendre une réponse plus longue. Entre avocats français, même en cas de litige, il existe un esprit de confraternité : on appartient au même corps. Cet esprit est moins marqué en Allemagne, où l’opposition entre les avocats des parties adverses est plus prononcée.

"En Allemagne, il est assez probable que les parties trouvent un accord en cours de procédure."

La manière de conduire un contentieux diffère également entre nos deux pays. En Allemagne, dans un litige en droit des affaires, il est assez probable que les parties trouvent un accord en cours de procédure. Les juges sont tenus de favoriser une résolution amiable et insistent souvent en proposant un compromis. Si un accord est trouvé devant le juge, celui-ci est confirmé par le tribunal. De plus, dans ce cas, les deux tiers des frais de justice –avancés au début du litige par le demandeur– sont restitués, et le tiers restant est réparti entre les parties. Le système incite également les avocats à favoriser une transaction, car ils perçoivent des honoraires supplémentaires selon le barème allemand ».

Quels conseils transmettriez-vous à un(e) avocat(e) tenté(e) par l’aventure de l’avocature dans deux barreaux, dont l’un à l’étranger ?

"Effectuer une partie de sa formation dans le pays où l’on souhaite être admis."« Mon conseil à un(e) avocat(e) tenté(e) par l’aventure de l’exercice dans deux barreaux est de passer du temps dans le pays où il/elle souhaite être admis(e). Souvent, cela peut se faire dans le cadre d’un détachement auprès d’un cabinet partenaire dans ce pays.
Si le/la candidat(e) est encore en formation, il/elle devrait essayer d’en effectuer une partie de sa formation dans ce pays, par exemple en réalisant le Projet Pédagogique Individuel (PPI) dans le cadre du stage d’avocat ».

Le parcours de Daniel Smyrek :
Titutlaire d’une maîtrise en droit international et européen à l’Université d’Aix-Marseille, ainsi que des deux examens d’État allemands et un doctorat à l’Université de Tübingen.
Certifié comme arbitre auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de Paris (CMAP).
Ses spécialisations portent sur le droit international des affaires et le droit de l’Union européenne. Le contentieux international et l’arbitrage occupent une place de plus en plus importante dans son activité.

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