Il est clair qu’avec l’avènement de l’Internet et le développement des techniques d’information et de communication, la cybercriminalité est devenue la nouvelle menace du XXIème siècle. En effet, l’époque des moyens frauduleux traditionnels est révolue, tandis que le crime a évolué et a pris de nouvelles formes, offrant ainsi des facilités aux cybercriminels du fait de la numérisation des données. Contrairement à la criminalité traditionnelle, la cybercriminalité ou « criminalité en ligne », est une forme de crime révolutionnaire qui peut atteindre une dimension internationale, et inciter les forces de police à repenser leurs moyens d’actions et à développer des outils transnationaux, allant jusqu’à la collaboration internationale. Par ailleurs, le cybercrime peut être commis en dehors des frontières, à des milliers de kilomètres de l’objet ou de la personne ciblée.
C’est la raison pour laquelle il est important de ne pas assimiler cette nouvelle forme de crime au crime traditionnel.
La cybercriminalité peut prendre diverses formes qui menacent particulièrement l’e-commerce. Ce dernier constitue la cible préférée des hackers, compte tenu des avantages qu’ils tirent de l’Internet. Les crimes, dans ce cas, sont perpétrés dans le cyberespace et ont une forme dématérialisée par rapport aux crimes traditionnels commis dans le monde physique.
Elle présente, cependant, certaines particularités par rapport à la criminalité normale.
Celle-ci enlève tout contact physique et toute barrière psychologique entre les parties contractantes et donne l’occasion aux cybercriminels d’organiser leur méfait aisément. Elle peut également impliquer plusieurs ordres judiciaires, vu que certaines ventes présentent un caractère international. Par contre dans cette forme de criminalité, les opérations effectuées peuvent être facilement identifiée, même en cas d’utilisation de techniques sophistiquées ayant pour but de rendre le traçage plus complexe, ce qui n’est, cependant, pas toujours le cas.
La cybercriminalité consiste en des activités telles que la fraude en ligne, l’accès non-autorisé, le harcèlement, etc. Cependant dans cette recherche, et vu la vastitude de cette notion, nous nous focaliserons uniquement sur la cybercriminalité qui touche directement l’e-commerce.
L’e-commerce est en pleine croissance au Maroc, mais il doit faire face à des pratiques criminelles qui sont susceptibles d’entraver son épanouissement. Il s’agit des crimes numériques connus communément sous le terme « cybercriminalité ».
Par ailleurs, il convient de noter que les crimes qui contreviennent au commerce électronique sont des pratiques parmi d’autres qui portent atteinte à d’autres secteurs. Le législateur, par contre, doit être attentif aux menaces potentielles que des personnes peu scrupuleuses peuvent faire peser sur une boutique en ligne.
Les menaces concernant l’e-commerce peuvent être classées en deux catégories :
Les pratiques cybercriminelles portant atteinte aux personnes (I) et les pratiques cybercriminelles portant atteinte aux biens (II).
I- Les pratiques cybercriminelles portant atteinte aux personnes.
Dans cette partie, il y a lieu de nous concentrer sur des pratiques qui sont dangereuses et particulièrement nouvelles. Il s’agit des trois pratiques suivantes : le spamming (A), le cybersquatting (B) et le phishing (C).
A- Le spamming.
Le spamming est une pratique nuisible qui porte atteinte à la vie privée, trompe les consommateurs et provoque des surcoûts pour les entreprises et fournisseurs d’accès.
Le spamming est caractérisé par un envoi volumineux de courriers électroniques non-sollicités par les destinataires, souvent à des fins publicitaires. Les spammeurs envoient ce type de courriers à des personnes avec qui ils n’ont jamais eu de contact et ce, pour faire de la publicité à moindre coût. Le spamming peut être également être destiné à obtenir des sommes d’argent. En effet, les spammeurs font croire aux destinataires des courriers électroniques qu’ils acquerront une récompense en échange d’une aide matérielle. Le spamming utilisé à cette fin est communément appelé « escroquerie à la nigériane ».
En France, le spamming est une infraction qualifiée de délit et est prévue et sanctionnée par le Code pénal. Au niveau européen, il existe un réseau qui a été créé par la commission européenne, chargé de traiter les plaintes transfrontalières relatives au spam. Il s’agit du Contact Network of spam enforcement authorities (CNSA). Qu’en est-il alors du Maroc ? Est-ce que cette pratique cybercriminelle est prévue dans ses textes de loi ? Comment compte-t-il la réprimer ?
D’abord, il faut souligner le fait que les courriers électroniques envoyés en guise de spam sont avant tout de la publicité, abstraction faite de leurs effets. Dans la loi 31-08 relative à la protection du consommateur, le Maroc a fixé certaines conditions relatives à la publicité par courrier électronique. En plus d’être claire et compréhensible, toute utilisation d’adresse électronique ou de l’identité d’un tiers à des fins commerciales, est interdite.
Cependant, cet article constitue la seule disposition en relation directe avec la publicité par courriers électroniques. Or, le spamming va au-delà de cette disposition puisque le spammeur ne s’approprie pas l’identité d’un tiers. Celui-ci peut être soit anonyme, soit il affiche son nom de manière claire. D’abord c’est ce qui fait la différence entre le spamming et le phishing. On peut donc constater que la loi 31-08 ne prévoit pas le spamming et donc, ne peut pas le sanctionner.
Ensuite, il s’agit d’une pratique illégale qui porte préjudice à autrui et qui se doit d’être réprimée. A cet effet, le législateur marocain a réagi, mais de manière timide.
C’est ainsi que l’auteur d’un spam peut se rendre coupable d’infraction, comme il est prévu dans le Code pénal. En effet, il est stipulé dans l’article 607-5 de ce code ce qui suit :
« Le fait d’entraver ou de fausser intentionnellement le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données est puni d’un an à 3 ans d’emprisonnement et de 10.000 à 200.000 dirhams d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».
En France, il est strictement interdit d’utiliser le courrier électronique d’une personne physique pour les besoins d’une prospection commerciale, sans son consentement préalable. Il s’agit de la règle de l’opt-in. Par contre, la règle de « l’opt-out » lui permet de s’opposer de manière effective à l’envoi d’un message avant réception. Au niveau européen, constituent une pratique déloyale interdite les sollicitations répétées et non souhaitées par le consommateur.
Néanmoins, il existe des spams qui ne portent pas forcément atteinte à un système de traitement automatisé de données, mais qui ne sont pas prévus dans la législation marocaine. Pourtant, même en présence d’un arsenal juridique répressif, il est difficile pour le législateur marocain de réprimer cette pratique. Ceci peut s’expliquer de deux manières : premièrement, le spamming n’est pas défini dans le Code pénal, ce qui rend difficile l’application de l’article 607-5. Deuxièmement, cette pratique a un caractère international. Il n’est donc pas évident que le Maroc puisse à lui seul contrecarrer définitivement le spamming, ce qui rend nécessaire une coopération internationale entre Etats.
B- Le « cybersquatting » et le « typosquatting ».
Le cybersquatting et le typosquatting sont deux pratiques quasiment identiques qui portent atteinte aux titulaires de noms de domaine et à leurs sites web respectifs.
Elles consistent toutes les deux à usurper l’identité d’autrui.
Le cyberquatting consiste à enregistrer un nom de domaine identique ou ressemblant à une marque, à un nom commercial, à un nom patronymique ou à tout autre dénomination appartenant à autrui et ce, sans en avoir ni le droit ni l’intérêt légitime de le faire. Le cybersquatting est donc le fait de réserver, de mauvaise foi, des noms de domaines, au préjudice du titulaire légitime du nom ou de la marque concernée. Cette usurpation d’identité s’effectue sans passer par les organes publics ou privés habilités par l’Etat à gérer les noms de domaine.
Ces pratiques se sont largement développées en raison du principe du « premier arrivé, premier servi ». Le cybersquatting et le typosquatting sont apparus à une époque où les entreprises n’étaient pas encore conscientes de l’importance des opportunités commerciales sur l’Internet. Elles se sont plus intensifiées jusqu’à devenir de véritables opérations de chantages. En effet, celles-ci obligent les véritables titulaires des marques à acquérir les noms de domaine correspondant à leurs propres marques, à des prix exorbitants.
De grandes entreprises comme Panasonic, Hertz et Avon ont déjà été victimes de cyberquatteurs et typosquatteurs. Ces pratiques sont d’autant plus dangereuses que, parfois, payer les cybercriminels devient la seule option qui existe devant l’entreprise. La somme à payer pourrait même être dérisoire par rapport aux frais de la justice ou de l’arbitrage, ce qui lui permet de gagner énormément de temps.
Au Maroc dans une décision du 17 Juillet 2007, le Tribunal de première instance de Casablanca a considéré comme inadmissible et illégale l’utilisation de la marque commerciale d’Attijariwafa Bank en utilisant abusivement les mêmes couleurs, et en ajoutant certaines formes géométriques identiques à celles de ladite banque.
La même décision a défini le cybersquatting comme étant « une pratique abusive consistant à enregistrer un nom de domaine dans l’unique but de détourner le trafic destiné à une marque à forte notoriété ». L’auteur du cybersquatting a, en modifiant le nom de la banque (« Atijariwafa Bank » au lieu de « Attijariwafa Bank »), commis une autre infraction appelée « Typosquatting ».
Il s’agit d’une pratique qui a pour but d’exploiter des noms de domaine en les modifiant légèrement afin de créer une confusion. Celle-ci, conformément à la décision, est définie comme étant « une forme de cybersquatting qui consiste à enregistrer un nom de domaine dont l’orthographe est très similaire à une marque notoirement célèbre ». En outre, en visitant le site e-commerce faisant l’objet d’un cybersquatting ou d’un typosquatting, les clients risquent de voir leurs données personnelles volées, après avoir cru qu’ils étaient sur le bon site. Il s’agit d’une pratique abusive dénommée « phishing ».
C- Le « phishing » ou l’hameçonnage.
Appelé aussi hameçonnage, le « phishing » est une pratique frauduleuse qui consiste à usurper une identité numérique de certaines institutions financières ou entreprises commerciales pour piéger les e-commerçants et les e-consommateurs.
L’e-consommateur, en recevant un e-mail qui a pour but de l’alerter ; par exemple en lui faisant croire que son compte bancaire a été désactivé et qu’il faudrait le réactiver dans les plus brefs délais ; croit s’adresser à un tiers de confiance, autrement dit sa banque.
En ce faisant, l’e-consommateur risque de ne pas faire preuve de vigilance à cause du caractère urgent de la demande. Il se pourrait même que celui-ci ne soit pas client de la prétendue banque, mais par manque de vigilance, il peut facilement tomber dans le piège.
L’usage de cette pratique est destiné à rediriger ce dernier vers une parfaite copie du site qu’il connait, afin de lui soustraire frauduleusement ses données personnelles ou encore avoir accès à des comptes bancaires ou des cartes de paiements. Dans ce cas, le cybercriminel exploite non pas la « faille technique » existant sur le site, mais la « faille humaine » qui est la bonne foi de l’e-consommateur. Le phishing peut également viser l’e-commerçant.
Ce dernier, en sa qualité de salarié au sein d’une entreprise e-commerce, reçoit un e-mail de son supérieur qui lui demande d’effectuer un travail donné. Cette action n’a en réalité pour but que d’installer des programmes malveillants destinés à soustraire des données personnelles existant sur son ordinateur. La même situation peut se reproduire, mais cette fois le supérieur va lui demander de lui envoyer urgemment des données bancaires. Ceci fait, l’e-commerçant ne fait que remplir le compte du pirate. Ici, c’est le caractère hiérarchique existant entre employeur et employé qui est la cause du manque de vigilance de ce dernier, faisant perdre à l’entreprise des sommes d’argent considérables.
Le phishing est une pratique qui réunit plusieurs autres infractions, à savoir la collecte frauduleuse des données à caractère personnel, la contrefaçon de droits intellectuels (marques, logos, pages web…) ainsi que l’escroquerie. Cependant, les données soustraites peuvent être des données personnelles comme l’e-mail, le numéro de téléphone et l’adresse de l’e-consommateur. Dans ce dernier cas, le cybercriminel vend ces données sur le marché noir à d’autres personnes ou entités qui pourraient en tirer profit. Le caractère virtuel et distribué du e-commerce facilite l’opération d’usurpation d’identité qui est plus difficile à réaliser, lorsque tous les salariés se trouvent groupés dans un seul bureau.
Néanmoins, il ne faut pas rejeter complétement la possibilité que même les e-commerçants peuvent commettre des erreurs. En effet, celui-ci peut commettre de façon non-intentionnelle des infractions et se mettre en danger, sans être nécessairement une victime. Au Royaume-Uni, un vendeur a vendu un ordinateur contenant les numéros de compte d’un million de clients de banques sur eBay et ce, sans être conscient de son erreur. Il n’est donc pas nécessaire d’être de mauvaise foi pour se mettre soi-même ou mettre autrui en danger.
Il faut en outre souligner en ce sens que les techniques d’information et de communication ne sont pas à la portée de tout le monde. L’utilisation de ces techniques par un profane peut soit lui porter préjudice, soit porter atteinte aux intérêts des autres.
Toutefois, « Nul n’est censé ignorer la loi ». Puisque l’Internet, dans certains aspects, est réglementé, l’auteur de la faute, qu’il soit profane ou professionnel, encourra des sanctions. A cet effet, comment le Maroc procède-t-il pour protéger les deux acteurs du e-commerce ?
Etant encore récent, le phishing n’est prévu dans aucun texte juridique marocain, que ce soit la loi 31-05 modifiant et complétant la loi 17.97 relative à la protection de la propriété industrielle, la loi 34-05 modifiant et complétant la loi 2.00 relative à la protection de la propriété littéraire et artistique, la loi 31-08 relative à la protection du consommateur, la loi 09-08 relative à la protection des données à caractère personnel, la loi 53-05 relative au traitement automatisé des données ou encore le Code pénal. Pour l’instant, L’e-consommateur et l’e-commerçant n’ont que leur vigilance pour se protéger contre cette pratique pourtant dangereuse.
Concernant les données bancaires, l’auteur du phishing procède à l’interception des paiements en ligne réalisés par l’e-consommateur.
Après avoir mis en exergue les menaces cybercriminelles qui portent préjudice aux personnes, il convient maintenant de nous étaler sur les pratiques cybercriminelles portant préjudice aux biens.
II- Les pratiques cybercriminelles portant atteinte aux biens.
Les crimes numériques qui atteignent les biens font perdre des sommes d’argent importantes aux consommateurs et aux entreprises. Ces pratiques sont au nombre de trois : L’interception du paiement en ligne (A), la fraude aux enchères en ligne (B) et l’atteinte à la propriété intellectuelle (C).
A- L’interception du paiement en ligne.
L’acte de vente se concrétise par le paiement. L’Internet offre la possibilité de payer par carte bancaire en ce qui concerne l’e-commerce.
Au Maroc, le système de la carte de paiement est déjà utilisé dans les transactions électroniques. Après l’avènement de ce nouveau mode de paiement, il est devenu nécessaire de le sécuriser pour permettre aux consommateurs d’en faire usage en toute sécurité, la sécurisation constituant un élément indispensable au développement du e-commerce.
Télécommerce est la première entreprise au Maroc à avoir pris l’initiative de sécuriser cette méthode de paiement. Celle-ci s’est conformée aux dispositions de la loi 09-08 et a obtenu tous les agréments relatifs au paiement en ligne par carte bancaire. Ce pouvoir lui permet, avec la collaboration de la Commission Nationale de contrôle et de protection des Données à caractère Personnel, de sécuriser le paiement effectué sur les sites e-commerce « affiliés à son service ». Ceci peut également signifier que l’e-consommateur ne sera pas protégé contre d’éventuelles fraudes, s’il effectue un paiement sur un site non-affilié au service de Télécommerce.
Mais au-delà de la protection technique, existe-t-il une protection juridique contre les fraudes en ligne ?
Le paiement en ligne est une méthode simple, rapide et particulièrement efficace, mais qui peut comporter certains risques. En effet, certaines personnes peu consciencieuses exploitent le paiement en ligne pour nuire aux autres. Les cybercriminels voient les e-commerçants comme une cible très rentable qu’ils attaquent par des moyens diversifiés.
Le moyen le plus connu et le plus dangereux qui nuit aux paiements en ligne est « l’interception des paiements en ligne ».
Cette pratique peut s’appliquer de deux manières : soit directement en interceptant les identifiants bancaires sur le site marchand, soit indirectement en accédant à des sites Internet contenant des données bancaires importantes.
La première méthode est appelée l’attaque de « l’homme au milieu » ou « the man in the middle » en anglais. L’attaque directe met en jeu trois parties : l’e-consommateur, le site e-commerce auquel ce dernier est connecté ainsi que le pirate.
Dans ce cas, le pirate se fait passer pour l’e-consommateur auprès du serveur pour usurper l’identité du site. Une fois l’e-consommateur connecté, le pirate commence à espionner toute communication entre lui et le serveur pour collecter des données importantes. C’est aussi un moyen qui lui permet d’intercepter tout paiement en ligne effectué par l’e-consommateur pour le règlement d’une transaction. Concernant l’attaque indirecte, elle consiste à collecter les coordonnées relatives aux cartes bancaires sur différentes plateformes e-commerce, sur des forums de discussion privés ou encore sur des marchés en ligne où d’autres criminels offrent leurs services illégaux. L’interception du paiement en ligne est une pratique dangereuse qui fait perdre aux titulaires de cartes bancaires d’énormes sommes d’argents. En plus, la réputation du e-commerçant sera ternie et l’image de la boutique virtuelle serait limitée à un site dangereux, même si cette dernière est indubitablement fiable.
Cependant, si le consommateur constate que son compte a été débité à tort par quelqu’un d’autre en utilisant les données de sa carte bancaire, ledit compte sera immédiatement crédité. Quant à l’interception du paiement en ligne, c’est au commerçant de sécuriser la transaction et de procéder aux vérifications nécessaires pour éviter toute transaction réalisée au moyen d’une carte non-valide, périmée ou annulée.
B- La fraude aux enchères en ligne.
L’enchère est l’offre d’acheter à un prix donné au cours d’une adjudication, la plupart du temps à une somme supérieure au prix initial ou à la mise à prix ultérieurement modifiée.
Désormais, la vente aux enchères peut être effectuée en ligne.
A raison de la dimension transfrontalière des enchères électroniques, « les juges français ont considéré que l’Internet, pour les besoins de l’organisation et de la réalisation de la vente aux enchères, est une vaste salle de vente modulable et extensible à l’infini ».
Autrement dit, les enchères sur l’Internet peuvent avoir lieu non seulement dans une seule ville, mais également dans tout un pays, voire dans le monde entier.
En 2012, plusieurs sites e-commerce dédiés aux enchères ont vu le jour au Maroc après le succès de cette pratique aux Etats-Unis et en Europe. Certes, les enchères par voie électronique ont des avantages affriolants à savoir des prix moins chers que les prix de vente, ainsi que la possibilité d’enchérir à domicile sans avoir à se déplacer. Toutefois, l’enchérisseur n’est pas à l’abri des pratiques trompeuses. Celui-ci peut aussi bien recevoir un produit de qualité inférieure que de ne rien recevoir après avoir payé. Parfois, le produit mis en enchère n’existe même pas. Ce nouveau type d’enchère donne la possibilité aux cybercriminels de réaliser des gains d’argent importants, en profitant de la bonne foi des enchérisseurs. Ceux-ci peuvent également mettre en enchère des biens dont la vente est illicite ou contraire aux bonnes mœurs vu qu’ils vendent, dans la plupart des cas, tout en demeurant anonymes.
Dans le cadre de la mise en enchère des biens interdits par la loi, la société Yahoo a été condamnée par les juges français pour avoir proposé des objets nazis sur sa plateforme.
Elle a été condamnée « à prendre des mesures de nature à dissuader et à rendre impossible toute consultation du service de vente aux enchères d’objets nazis et tout autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme et une contestation des crimes nazis ». En plus, la consultation de sites proposant des objets dont la vente est interdite en France, constitue une infraction pénale selon les juges français. La finalité de cette jurisprudence est d’éviter que des sites malintentionnés proposent la vente d’objets volés, illicites ou portant atteinte aux bonnes mœurs.
La vente aux enchères en ligne présente quelques particularités par rapport à la vente aux enchères classiques. Son mode de fonctionnement diffère car l’opération se déroule dans le cyberespace. Le vendeur s’inscrit sur le site et y décrit le bien offert et son prix indicatif. L’acheteur s’inscrit également pour formuler sa demande. Une fois l’objet adjugé et le délai fixé arrivé à terme, les enchères prennent fin et le rôle du site avec. Et puis, le transfert de propriété n’est pas immédiat vu que les parties ont la possibilité de négocier dans les conditions qu’elles souhaitent, contrairement aux enchères classiques dont l’adjudication est définitive. Il convient toutefois de s’interroger sur le rôle exact du site ainsi que sur ses responsabilités.
N’intervenant que comme un intermédiaire, le site dédié aux enchères en ligne a un rôle très limité et ne pose pas de contraintes aux parties. Le site proposant le courtage en ligne ressemble beaucoup au site e-commerce C to C, dans la mesure où celui-ci n’est qu’une plateforme où se rencontrent le vendeur et l’enchérisseur. En France, le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV), doté de la personnalité morale et indépendante, est l’autorité chargée de réguler ce type de commerce. Il est également compétent pour les ventes réalisées par un système de communication électronique, notamment l’Internet. De surcroît, les enchères en ligne sont réglementées par la loi du 10 Juillet 2000. Il est donc nécessaire de savoir est-ce qu’au Maroc, les enchères en ligne sont soumises au régime des enchères classiques ou existe-t-il un régime qui leur sont propre, d’autant plus qu’il s’agit d’une pratique commerciale encore récente ?
En dehors des dispositions du Code de commerce relatives aux enchères publiques, il n’existe pas de textes juridiques dédiés aux enchères en ligne même si les enjeux sont importants (produits contrefaits, faux vendeurs, hameçonnage…). Vu l’expansion des enchères en ligne au Maroc et compte tenu du vide juridique dont il souffre dans ce domaine, il serait préférable que le législateur marocain puisse :
Etablir des lois adaptées aux opérateurs d’enchères ;
S’assurer de la licéité des biens proposés à la vente avant leur mise en enchères ;
Proposer des garanties pour protéger l’enchérisseur contre tout abus, que ce soit au niveau du paiement en ligne par carte bancaire ou au niveau du paiement à la livraison et ;
Protéger le titulaire du site contre les attaques cybercriminelles.
Il convient de noter que les particularités des enchères en ligne rendent impossible l’application des dispositions du Code de commerce relatives aux enchères publiques.
C- Atteinte à la propriété intellectuelle.
La propriété intellectuelle est particulièrement liée au commerce électronique, et ce à plusieurs égards. D’abord, l’e-commerce est une activité par laquelle le cybercommerçant vend fréquemment des produits ou des services qui sont protégés par la propriété intellectuelle. Ensuite, le site web d’un cybercommerçant peut être un élément clé dans la promotion d’une activité commerciale en ligne.
Cependant, à mesure que l’e-commerce prend son essor, le risque de voir des tiers tirer profit des droits d’autrui sera toujours présent. Ces tiers, ou cybercriminels, procèdent dans ce cas à la violation des droits d’auteur, des marques, des dessins, modèles et brevets. Ce problème est plus apparent au niveau du « Typosquatting » comme susmentionné plus haut. L’auteur de cette pratique viole les droits de plusieurs personnes en même temps. Toutefois, il convient de nous pencher plus sur une autre pratique dangereuse devenue un phénomène social et qui fait partie du quotidien des internautes.
Il s’agit du téléchargement illégal.
La propriété intellectuelle est soumise à un régime spécial de protection. Au Maroc, il s’agit de la loi 34-05 modifiant et complétant la loi 2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins, de la loi 17-97 relative à la propriété industrielle ainsi que des conventions internationales signés avec d’autres Etats. Ces textes juridiques protègent non seulement l’auteur de la création, mais également l’éditeur et le distributeur. Seulement, l’évolution de l’Internet a engendré un ensemble de problèmes qui a déstabilisé les relations entre les acteurs précités. Par ailleurs, le droit d’auteur n’a eu aucune difficulté à migrer vers le numérique, ce qui a apporté son lot de difficultés et de problèmes. La dématérialisation de certaines créations de l’esprit et l’avènement des plateformes e-commerce ont facilité la multiplication des téléchargements illégaux. En outre, il est possible que les auteurs de ces téléchargements ne soient pas des cybercriminels.
Ceci peut être expliqué par le téléchargement effectué par l’internaute qui peut, dans certains cas, être légal. Dans un esprit de partage, celui-ci met une copie gratuitement sur l’Internet. Par conséquent, des milliers d’internautes téléchargeront la même copie plusieurs fois. Même si ces fichiers sont grevés d’une forte protection via un chiffrement puissant, le décoder ne relève pas de l’impossible. Ceci pourrait causer des pertes considérables non seulement aux sites proposant le téléchargement licite sur leur plateforme, mais également à l’auteur de la copie originale. En effet, les droits de celui-ci pourront être bafoués, une fois perdu le monopole sur sa propre création, et l’empreinte de sa personnalité modifiée, altérée ou supprimée. En ce faisant, chaque internaute ayant téléchargé illégalement une copie de l’œuvre devient indirectement complice de l’auteur de l’infraction originel.
L’équilibre universel du système du droit d’auteur et des droits voisins repose sur des facteurs socio-économiques, à lisière entre le domaine public qui est gratuit, et le domaine privé qui est payant.
Actuellement au Maroc, Il n’y pas encore de loi réglementant les téléchargements en ligne pour réprimer ceux effectués de manière illicite. Cependant, même s’il en existait une, est-ce qu’il serait possible d’anéantir ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur à l’échelle internationale ? Est-ce qu’il serait envisageable de sanctionner toute personne effectuant un téléchargement illégal ?
L’internet est un des aspects de la mondialisation. Celui-ci a, depuis le début, été considéré comme un espace de liberté et même de résistance pour certains. Le côté négatif de la mondialisation consiste à transgresser les identités individuelles et collectives des individus afin d’anéantir la notion de propriété. « Tout appartient à tout le monde », telle est l’idée fondatrice de l’Internet. Par conséquent, il devient particulièrement impossible de complétement le réguler et le siéger. Pour l’instant, l’enjeu est de concilier les libertés et la sécurité du réseau pour protéger les cyberconsommateurs et les cybercommerçants. Le rôle de l’Etat demeure exclusif en matière de lutte contre la cybercriminalité et la sauvegarde des droits des individus en particulier, et les intérêts de la société en général. Ceci s’explique par le fait que le droit possède une dimension nationale, tandis que l’Internet est mondial.
Il nous parait donc opportun de poser la question suivante ; est-ce que le Maroc peut, à lui seul, défier les pratiques cybercriminelles, tout en suivant l’évolution constante et célère des technologies et de l’Internet ?