1. Comprendre son audience : adapter son discours à son interlocuteur.
L’une des premières règles d’une bonne communication est de connaître son audience. Les juristes travaillent avec un large éventail d’interlocuteurs : des dirigeants d’entreprise, des équipes opérationnelles, des clients externes, ou encore des autorités de régulation. Chaque groupe a des attentes différentes et un niveau de compréhension variable des questions juridiques. Adapter son discours à chaque interlocuteur est donc essentiel.
Un directeur commercial n’aura pas besoin d’un exposé exhaustif sur l’état du droit, mais attendra des conseils pratiques sur la manière de conclure un contrat tout en limitant les risques pour l’entreprise. À l’inverse, un collaborateur d’un cabinet d’avocats souhaitera une analyse juridique détaillée et argumentée. Le juriste doit être capable de passer d’un registre à l’autre avec aisance.
Conseil pratique : avant chaque réunion ou échange, prenez le temps de réfléchir à qui vous vous adressez et aux informations dont cette personne a besoin pour prendre des décisions. En interne, faites des réunions préparatoires avec vos collègues non-juristes pour comprendre leurs priorités et anticiper leurs questions.
2. Simplifier le jargon juridique sans en compromettre l’exactitude.
Les juristes sont formés à utiliser un langage technique précis, indispensable pour la rédaction de documents contractuels, d’avis juridiques, etc. Cependant, ce langage peut vite devenir hermétique pour des non-initiés. La clé est de trouver un équilibre entre la simplification et l’exactitude. Le but n’est pas de vulgariser à outrance, mais d’expliquer de manière intelligible.
Plutôt que dire « La responsabilité de la partie contractante est limitée à la réparation du préjudice direct, à l’exclusion de tout dommage indirect, perte de chance, perte de profit ou toute autre conséquence économique » on pourrait dire : « Nous limitons notre responsabilité aux dommages immédiats causés par un problème avec notre produit. Cela signifie que nous ne couvrirons pas les pertes financières indirectes, comme la perte de revenus futurs ».
Conseil pratique : faites l’exercice de réécrire vos recommandations dans un langage accessible. Utilisez des analogies ou des exemples concrets pour illustrer les concepts complexes. Si vous expliquez une clause contractuelle, essayez de l’illustrer par des scénarios concrets que votre interlocuteur pourrait rencontrer.
3. Structurer ses propos : la clarté avant tout.
Un bon communicant est avant tout un bon organisateur de ses idées. Face à des questions juridiques complexes, il est facile de s’égarer dans des explications techniques ou dans des détails accessoires. Or, l’interlocuteur, surtout s’il n’a pas de formation juridique, a besoin d’une structure claire pour comprendre les enjeux et les solutions proposées.
Au lieu de plonger directement dans les détails d’une analyse juridique, commencez par exposer brièvement le problème, puis présentez les différentes solutions possibles, avant de conclure par une recommandation claire. Utilisez la méthode du "pyramidal inversé" : commencez par l’essentiel, puis détaillez si nécessaire.
Conseil pratique : avant chaque présentation ou rédaction d’un avis, prenez le temps d’organiser vos idées. Utilisez des sous-titres ou des bullet points pour faciliter la lecture et la compréhension. Évitez les longues phrases complexes qui risquent de noyer votre message.
4. La gestion des émotions dans la communication.
Le métier de juriste peut impliquer des situations conflictuelles : négociations contractuelles difficiles, gestion de litiges, ou encore conflits internes. Dans ces moments, la capacité à gérer ses émotions, tout en maintenant une communication claire et professionnelle, est cruciale.
Lors d’une négociation tendue avec un partenaire commercial, il peut être tentant de s’emporter si l’autre partie refuse de céder sur un point crucial. Cependant, céder à l’émotion peut nuire à la relation et compliquer la résolution du problème. En maintenant un ton calme et professionnel, vous serez plus à même de faire valoir vos arguments de manière convaincante.
Conseil pratique : apprenez à reconnaître vos émotions et à les contrôler dans un contexte professionnel. Si une situation devient trop tendue, n’hésitez pas à proposer une pause ou à différer la discussion à un moment où tous les participants seront plus sereins.
5. Savoir écouter : la clé d’une communication efficace.
La communication n’est pas seulement un échange d’informations. Elle implique également une écoute active. Savoir écouter ses interlocuteurs permet non seulement de mieux comprendre leurs attentes, mais aussi de construire des relations de confiance. Pour un juriste, cela signifie prêter attention aux préoccupations des autres, qu’elles soient juridiques ou non.
Un juriste en entreprise peut être tenté de se concentrer uniquement sur les aspects légaux d’un projet. Pourtant, en écoutant les préoccupations des équipes commerciales ou techniques, il pourra mieux anticiper les risques, mais aussi proposer des solutions plus adaptées à la réalité opérationnelle.
Conseil pratique : lors de réunions ou d’échanges, résistez à l’envie de couper la parole ou d’interrompre pour corriger une incompréhension juridique. Laissez votre interlocuteur finir son propos, puis reformulez ce que vous avez compris avant de donner votre point de vue.
6. Utiliser la communication non-verbale.
La communication non-verbale - gestes, expressions faciales, ton de la voix, posture - joue un rôle important dans la manière dont vos messages sont perçus. Même si vous maîtrisez parfaitement le fond, une attitude fermée ou un ton trop autoritaire peut freiner la coopération de vos interlocuteurs.
Un juriste qui, lors d’une réunion, garde les bras croisés et évite le contact visuel peut donner l’impression qu’il est sur la défensive ou peu ouvert aux idées des autres, même si ce n’est pas son intention.
Conseil pratique : travaillez sur votre langage corporel. Maintenez un contact visuel, adoptez une posture ouverte et assurez-vous que le ton de votre voix reflète l’empathie et la collaboration. N’oubliez pas que la communication non-verbale peut souvent renforcer ou affaiblir vos propos.
7. Être concis et aller à l’essentiel.
Les juristes ont souvent une tendance naturelle à vouloir tout expliquer en détail, afin de s’assurer que leurs interlocuteurs comprennent parfaitement les risques et les enjeux. Cependant, cela peut parfois donner lieu à des explications longues et fastidieuses qui noient l’essentiel. Dans un monde où le temps est précieux, la capacité à être concis est un atout majeur.
Lors d’une présentation aux dirigeants, un juriste qui explique en dix minutes ce qui pourrait être résumé en trois, risque de perdre l’attention de son audience. Les dirigeants veulent des réponses claires et concises pour pouvoir prendre des décisions rapidement.
Conseil pratique : entraînez-vous à résumer vos propos en quelques phrases avant de développer. Pensez à l’impact du "pitch elevator" : si vous aviez 30 secondes pour expliquer une question complexe, que diriez-vous ? Ce type d’exercice vous aidera à clarifier vos idées et à les communiquer de manière plus efficace.
8. Anticiper les questions et objections.
Les juristes, en raison de leur expertise, doivent souvent convaincre leurs interlocuteurs de la pertinence de leur analyse ou de leur recommandation. Une bonne préparation implique d’anticiper les questions et objections qui pourraient être soulevées.
Lors d’une réunion sur un nouveau contrat commercial, si vous savez que certaines clauses peuvent poser des problèmes à l’équipe commerciale, anticipez ces questions et préparez des réponses adaptées avant la réunion.
Conseil pratique : avant toute réunion ou présentation, dressez une liste des questions potentielles ou des objections possibles. En préparant des réponses à l’avance, vous paraîtrez plus confiant et compétent, tout en renforçant la confiance de vos interlocuteurs dans vos recommandations.
9. Favoriser la collaboration et éviter le jargon d’autorité.
Il peut être tentant pour un juriste de se réfugier derrière l’autorité de la loi pour justifier une position. Cependant, adopter une posture autoritaire peut souvent entraîner des résistances, surtout lorsque les enjeux commerciaux ou opérationnels sont importants.
Dire à un client interne « Ce n’est pas possible, c’est illégal » sans explication complémentaire peut freiner la collaboration. En revanche, en expliquant pourquoi une solution alternative est plus appropriée et comment elle peut répondre à ses besoins tout en restant conforme à la législation, vous favorisez la coopération.
Conseil pratique : plutôt que de rejeter une demande en invoquant uniquement le droit, proposez toujours des solutions alternatives. Cela montre que vous êtes non seulement un expert juridique, mais aussi un partenaire stratégique dans la réalisation des objectifs de l’entreprise.
10. Savoir dire non de manière diplomatique.
Dans le cadre de leurs missions, les juristes doivent parfois refuser certaines demandes, que ce soit pour des raisons légales ou pour protéger l’entreprise. Apprendre à dire non de manière diplomatique est crucial, afin de ne pas créer de tensions ou de frustrations chez les interlocuteurs.
Lorsqu’une équipe commerciale demande à inclure une clause risquée dans un contrat, un refus sec pourrait être mal perçu. En expliquant les raisons de ce refus et en proposant des alternatives plus sûres, le juriste peut maintenir une bonne relation tout en assurant la protection de l’entreprise.
Conseil pratique : Utilisez des formules du type : « Je comprends vos besoins, cependant, pour protéger l’entreprise, il serait plus sûr d’opter pour cette solution… ». Cela montre que vous êtes à l’écoute tout en affirmant votre expertise.
11. Utiliser des supports visuels pour clarifier les propos.
Un bon moyen d’améliorer la clarté de vos explications, surtout lors de réunions ou de présentations, est d’utiliser des supports visuels tels que des tableaux, des graphiques ou des schémas. Cela permet de rendre les informations juridiques plus accessibles et visuellement compréhensibles, notamment pour des interlocuteurs non-juristes.
Lors de la présentation d’une stratégie de gestion des risques, un schéma montrant les différentes étapes du processus de conformité peut aider les équipes à mieux visualiser le travail à accomplir et les bénéfices pour l’entreprise.
Conseil pratique : investissez du temps dans la création de supports visuels simples et efficaces. Vous pouvez utiliser des outils comme PowerPoint ou des infographies pour rendre vos présentations plus percutantes. N’hésitez pas à appliquer les principes du legal design, il existe une multitude de formations disponibles.
12. Adapter sa communication en fonction du canal utilisé.
La communication d’un juriste ne se fait pas uniquement en face-à-face. Elle peut prendre différentes formes : emails, réunions, visioconférences, ou même appels téléphoniques. Chaque canal de communication demande une approche spécifique.
Un email juridique doit être clair et concis, tandis qu’une visioconférence permet un échange plus direct et informel. Lors d’une visioconférence, l’utilisation d’éléments visuels peut faciliter la compréhension, tandis que la rédaction d’un email nécessite plus de rigueur pour éviter les ambiguïtés.
Conseil pratique : soyez conscient des limites de chaque canal. Pour les sujets complexes, privilégiez les discussions en personne ou en visioconférence. Pour les échanges écrits, relisez toujours vos emails pour éviter les malentendus ou les incompréhensions.
14. Prendre en compte le contexte culturel dans la communication.
Dans des contextes internationaux, il est important de comprendre que la communication peut varier en fonction des cultures. Ce qui est perçu comme direct ou approprié en France peut être vu différemment dans d’autres pays.
Dans la culture d’affaires japonaise, la hiérarchie et le respect jouent un rôle crucial. Les Japonais ont tendance à éviter les confrontations directes et à s’exprimer de manière indirecte. Lors de négociations, il est important de ne pas être trop direct ou pressant, surtout en présence de hauts dirigeants. La prise de décisions peut être plus longue car les Japonais privilégient un consensus interne avant de donner une réponse définitive.
Ainsi si vous négociez avec une entreprise japonaise, adaptez votre style en faisant preuve de patience et en évitant de mettre la pression pour obtenir des réponses rapides. Utilisez des phrases plus indirectes, comme : « Peut-être pourrions-nous envisager cette option ? » plutôt que « Nous devons finaliser cette clause aujourd’hui ».
Aux États-Unis, la communication est souvent directe et orientée vers les résultats. Les Américains apprécient les discussions ouvertes et les solutions rapides. Un style trop indirect ou des discussions trop longues peuvent être perçus comme inefficaces ou comme une perte de temps.
Ainsi, lorsque vous traitez avec des clients ou des partenaires américains, soyez concis, allez droit au but et soyez prêt à proposer des solutions concrètes immédiatement. Par exemple, au lieu de commencer par une longue explication théorique, vous pourriez dire : « Voici trois options claires pour résoudre ce problème ».
En Allemagne, la communication est souvent très directe et factuelle. Les Allemands valorisent la précision, la rigueur et l’exactitude des informations. Il est important d’éviter les ambiguïtés ou les déclarations vagues, car cela peut être perçu comme un manque de sérieux ou de préparation. Lors de discussions avec des interlocuteurs allemands, préparez-vous à fournir des faits et des données concrètes. Par exemple, lors de la présentation d’un contrat, vous pourriez dire : « Voici les chiffres exacts, les risques identifiés, et les solutions proposées, basées sur les lois applicables ». Ne laissez aucune place à l’improvisation.
En Chine, les relations professionnelles sont souvent basées sur le principe du "guanxi", c’est-à-dire la création de liens personnels et de confiance avant de conclure des affaires. Il peut être mal perçu de se précipiter pour parler de contrats ou de chiffres sans avoir pris le temps de développer cette relation. Avant d’entrer dans des discussions contractuelles ou techniques avec des partenaires chinois, investissez du temps pour renforcer les relations personnelles. Participez à des événements sociaux ou à des dîners d’affaires et montrez un intérêt sincère pour leur culture et leurs valeurs. Utilisez des expressions de politesse et de respect comme : « Nous sommes honorés de cette collaboration et espérons que cela renforce nos relations à long terme ».
En Inde, la communication peut parfois être indirecte, et il est important de lire entre les lignes. Dire "oui" peut ne pas signifier un accord complet, mais plutôt une manière polie de poursuivre la discussion. Par ailleurs, les Indiens accordent une grande importance aux relations personnelles avant de finaliser un accord. Dans vos échanges avec des partenaires indiens, ne prenez pas les réponses affirmatives pour argent comptant. Posez des questions de clarification pour être certain que tout le monde est sur la même longueur d’onde. Par exemple, après un "oui", vous pourriez demander : « Est-ce que cela signifie que nous sommes tous d’accord sur les détails ou devrions-nous encore en discuter ? »
Conseil pratique : renseignez-vous sur les pratiques culturelles de vos interlocuteurs avant toute réunion ou négociation internationale. Prenez le temps d’adapter votre ton et votre style de communication pour éviter les malentendus.
Discussion en cours :
Bonjour , Madame Garoux,
Je vous remercie le contenu précieux, de cet article. Je suis convaincu de l’importance de développer nos compétences en tant que juriste, il s’agit à mon avis d’un sujet essentiel , si nous envisageons de maintenir des bonnes relations interpersonnelles.
Je vous souhaite une excellente fin journée.
Cordialement,
Rodrigo Durán Valdebenito