Il s’agit en effet, d’un parcours semé d’embûches durant lequel seuls les plus chanceux ou les plus persévérants pourront espérer toucher le précieux sésame : un travail de juriste.
1ère embûche : Le juriste débutant n’est pas un juriste junior !
90% des offres d’emplois proposées aux jeunes juristes sont destinées aux juristes dits "juniors" ; or, ne vous y trompez surtout pas, juriste junior et juriste débutant ne sont absolument pas synonymes. Le juriste junior doit posséder entre 1 et 3 ans d’expérience dans une fonction similaire à l’offre d’emploi. Quid de vos stages ? Là encore, les désillusions s’enchaînent, vos stages, en dehors d’une longue durée (comptez environ 6 mois) ne sont que très peu/ou pas pris en considération par les entreprises. Or, tout étudiant sait qu’il est très difficile de faire un stage sur une période aussi étendue tout en faisant des études.
2ème embûche : le réseau
La 1ère difficulté et la 2nde diffculté vont presque de paire. En effet, il est légitime de se demander comment il est possible de passer du statut de juriste débutant à celui de juriste junior, si presque aucun poste de juriste débutant n’est proposé sur le marché de l’emploi ? La réponse est : le réseau. Là encore l’écart se creuse entre le juriste qui a la chance d’avoir de la famille ou des amis biens placés dans le monde juridique et celui qui n’en a pas. Il faut être conscient, que bon nombre de postes de juristes débutants sont proposés directement par le biais de connaissances et ne figurent ainsi jamais sur le marché de l’emploi.
3ème embûche : Le choix de son Master 2
Aujourd’hui peu de domaines dans le droit sont véritablement porteurs en terme d’emploi pour des juristes. Il vaut mieux donc prioriser le droit social, le droit des affaires, le droit bancaire, voire le droit de la propriété intellectuelle. Mais là encore, ne croyez pas votre directeur de Master sur parole, celui-ci étant souvent prompt à vous faire croire que son Master est le meilleur et qu’il vous conduira à un travail garanti. En dehors de certains Masters biens spécifiques (DJCE, LLM...), un Master 2 de droit des affaires par exemple ne vous garantira absolument pas un poste de juriste d’affaires, même si la faculté dans laquelle vous l’avez obtenu est réputée.
4ème embûche : La concurrence
Il faut vous y préparer, la concurrence est rude, très rude. Avoir un Master 1 ou un Master 2 de droit vous aura coûté au moins 5 ans d’études, mais à la sortie, vous serez loin d’être seul. Les offres d’emplois pour les juristes font partie de celles qui reçoivent le plus de réponses. A partir de là, il est important d’être conscient que son CV sera comparé à au moins des dizaines d’autres CV. Autant de concurrents parmi lesquels, là encore, l’expérience prime. Ce sont ces candidats expérimentés qui vous feront de l’ombre, ceux-ci étant plus rentables car plus rapidement opérationnels.
A cela s’ajoute le fait que de plus en plus d’entreprises et cabinets préfèrent recruter des titulaires du CAPA en tant que juristes à la place des "simples" juristes.
5ème embûche : la mobilité
Je le répète, si l’offre pour juriste junior existe réellement, celle pour juriste débutant est presque inexistante. Il est donc fortement déconseillé de faire la fine bouche et il est indispensable de ratisser le plus large possible ! Il ne faut donc pas hésiter à être mobile, même si, malheureusement, les villes donnant le plus leur chance aux débutants sont celles qui ont le moins de candidats, donc pas forcément celles qui vous faisaient rêver.
6ème embûche : Accepter de revoir ses exigences
Le juriste débutant devra presque systématiquement être capable de revoir ses exigences à la baisse. Tout d’abord, il ne devra pas rechigner à travailler dans un domaine qui n’est pas du tout sa spécialité initiale. Ensuite, les entreprises sont conscientes de la concurrence et n’hésiteront pas à essayer de recruter en cherchant à obtenir un juriste pour un salaire minimum.
7ème embûche : le manque de préparation à la réalité de l’emploi
Cet article a pour principal objectif de tirer la sonnette d’alarme. Désormais, un bon bac+5 en droit accompagné de stages d’été en cabinet n’est pas véritablement suffisant. Beaucoup de diplomés Bac+4 ou +5 finissent par faire du secrétariat juridique, qui ne nécessite pourtant qu’un Bac+2. J’apporte d’ailleurs une critique au monde universitaire, qui a énormément de mal à préparer ses futurs étudiants à cette réalité. D’un point de vu comparatif, au sein des bonnes écoles de commerce, il est fait en sorte que les étudiants soient professonnellement opérationnels dès la fin de leurs études. A l’inverse, en droit, même au sein des Master dits "professionnels", le théorique a tendance à toujours primer sur la pratique. Ainsi, beaucoup d’étudiants s’aperçoivent, en finissant leurs études, qu’ils ont seulement acquis le raisonnement juridique. En revanche, tous les actes relevant de la pratique leur sont totalement étrangers.
Si ce constat est une réalité, je ne cherche pas à désespérer tous les jeunes juristes à la recherche d’un poste. La tâche est ardue mais pas impossible.
De plus, pour les étudiants qui liraient cet article, je ne peux m’empêcher d’attirer leur attention car des solutions existent. Ainsi, bien que ce genre de Master ne soit que très rarement proposé, un Master en alternance est, à titre d’exemple, un excellent moyen de se professionnaliser tout en continuant ses études. Egalement, il est essentiel de ne pas négliger les langues étrangères, plus particulièrement l’anglais (attention : un véritable anglais opérationnel et juridique). Enfin, n’hésitez pas à consulter, dès maintenant, les offres présentes sur internet afin de vous faire une idée des branches du droit qui recrutent le plus...
Discussions en cours :
cet article reflète bien l’esprit de mon blog
http://juriste-debutant-accepte.blogvie.com/
Du meme avis !!!!!
... j’apporterai juste quelques conseils supplémentaires à tous nos juristes débutant français "normaux" (ie sans réseau particulier, sans fortune personnelle etc.) :
1/ Scotchez cet article sur les murs de votre fac, faites le suivre à vos profs, il est d’utilité publique. La fac est trop souvent déconnectée du monde de l’entreprise. Faites venir des juristes d’entreprise dans vos Master 2, on vous racontera la vraie vie.
2/plus sérieusement, la maîtrise de l’anglais est primordiale. Les plus chanceux feront une année dans un lycée américain puis en école de commerce type EM avec échanges internationaux, mais... Les autres ? Et bien pensez Erasmus, pensez VIE, stage dans un cabinet anglo-saxon (ça c’est top !) etc. Et passez votre TOEIC !!
3/ce qu’un grand groupe veut voir ce n’est pas tant un jeune brillant sûr-diplômé (un peu quand même parfois, mais pas forcement...), mais surtout quelqu’un d’ancré dans la réalité, qui connait déjà un peu le monde des entreprises, qui a bougé à l’étranger, qui a fait des stages (pas des stages de 3 mois, des vrais stages en grand groupe, genre 9-12 mois). Parce que oui, c’est ça la réalité, ce n’est pas un CDI/CDD qu’il faut chercher en sortant de la fac : c’est un stage rémunéré qui va vous apprendre le boulot de juriste. Vous partez en APPRENTISSAGE pendant 2 ans... C’est là que vous allez tout apprendre : la vie de l’entreprise, les contrats en anglais, le réseau ; bref vous faire votre carte de visite. Et ce n’est qu’APRES que vous pourrez postuler vers un poste de junior. On ne vous le dit pas en fac, mais il faut se préparer à ces 2 ans d’apprentissage !
4/ Pour finir sur la mobilité, un petit témoignage : il y a 10 ans de cela, fraîchement sortie de la fac, j’ai tout laché (un CDI pas intéressant et sous payé que je venais de décrocher, les copains etc.) et j’ai fait 1000 bornes avec ma vieille voiture pour un stage de juriste en usine, en province, sur le terrain. J’y ai tout appris. Tout. 9 mois plus tard, mon nouveau carnet d’adresses en poche, j’ai mis 1 mois pour trouver un CDD de junior. Qui s’est ensuite transformé en CDI.
Alors certains me diront "oui mais ça Mamie c’était y’a 10 ans !". Certes. Sauf qu’aujourd’hui je suis de l’autre côté de la barrière et je les vois les "jeunes" arriver ; et on les repère tout de suite, ceux qui en veulent vraiment, qu’on sait qu’ils vont se faire une place dans le monde de l’entreprises et les autres.
Alors... posez-vous les bonnes questions et soyez acteur de vos vies, pas spectateur !
CHEER UP !
L’enfer du juriste débutant : le titre résume à lui seul la situation du candidat récemment diplômé.
Alors qu’un collaborateur junior libéral aura pour la plupart des offres en cabinet d’avocats relativement facilement, le juriste aura plus de difficulté à trouver un premier emploi.
Que se soit en entreprise ou en cabinet, la crise est passée par là.
C’est là où peut se positionner le cabinet de recrutement. D’abord dans le conseil auprès du candidat et l’orientation vers un marché plus demandeur.
Le cabinet pourra plus facilement mettre en avant une candidature junior vers lequel le recruteur ne serait pas tourné directement.
La motivation du candidat sera ensuite déterminante lors de l’entretien.
Christine Messier, conseil en recrutement juridique.
Excellent article d’Alexandre Cassagne, tout est dit sur l’enfer des jeunes juristes…
En tant que recruteurs pour des cabinets d’avocats et des directions juridiques et fiscales, nous recevons énormément de candidatures spontanées via notre espace candidats (http://www.sourcink.com/emploi-droit-fiscalite-rh) et il n’y a pas photo : les juristes débutants (et également juniors) sont les plus nombreux dans notre système…
Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de leur proposer des opportunités, car nos clients ne prennent jamais le parti (le risque ?) d’embaucher un débutant. Il nous est même plusieurs fois arrivé de recevoir des appels ou des mails de jeunes juristes nous demandant des conseils, savoir s’ils devaient passer le CAPA, refaire un LLM ou un 3e Master 2 (!!) pour espérer enfin décrocher le St Graal !
Les « chanceux » sont embauchés après leur stage final de M2 ou par cooptation, pour ceux-ci : accrochez-vous à votre poste au moins 1 an (2, c’est mieux !) avant d’entrer en recherche d’une nouvelle opportunité.
Pour les autres, première étape : suivre les conseils de l’article de M. Cassagne auxquels j’ajouterais : soyez ultra-connecté ! De plus en plus de personnes recrutent avec un simple post sur Linkedin ! Et enfin, comme le dit M. Cassagne, la formation en droit est très théorique et n’offre que très peu d’opportunités de s’exercer sur des cas opérationnels, alors des stages – même facultatifs et non rémunérés – peuvent vous offrir un vrai plus sur votre CV !
Justine Cordey – Dirigeant associée (en charge de la relation candidats, communication & marque employeur) de Sourcink, l’agence de sourcing spécialisée en recrutement juridique, fiscal & RH.