Un bien acheté aux enchères est-il susceptible de faire l’objet d’une action en rescision pour lésion ?
Plaçons-nous dans l’hypothèse où un bien serait acheté à la suite d’une saisie immobilière et qu’il serait revendu, quelques mois plus tard, à un prix de plus de 7/12ᵉ par rapport au prix d’adjudication.
L’action en rescision pour lésion de plus des 7/12ᵉ s’applique-t-elle alors ?
En effet, en matière d’immeuble, l’article 1674 du Code Civil prévoit la possibilité d’annuler la vente lorsque le vendeur est victime d’une lésion pécuniaire de plus des 7/12ᵉ, environ 58,33% dans le prix de vente, par rapport à la valeur réelle du bien.
A priori, seul le vendeur peut agir puisqu’il a seul un intérêt pour engager une telle action. En effet l’acquéreur, lequel a dans cette hypothèse, acheté à vil prix, n’a aucun intérêt à agir.
Le délai de cette action est limité à deux ans à compter du jour de la vente.
En effet, il paraît légitime que le vendeur lésé intente une action en justice afin de faire réparer son préjudice, soit par l’annulation de la vente, soit par le versement d’un complément de prix.
En l’espèce, le débiteur saisi peut-il se retourner contre l’adjudicataire, étant donné que le prix de revente est supérieur de plus des 7/12ᵉ ?
Cette action limitée à la vente immobilière, est enfermée dans des conditions très strictes d’engagement, et est strictement réservée à la vente d’un immeuble.
Si un immeuble est indirectement cédé, par exemple, lors de la vente de parts de SCI ou s’il fait l’objet d’une donation, d’un apport en société, la jurisprudence a considéré qu’une action en rescision pour lésion était irrecevable.
De même, ce type d’action n’est pas possible en matière de vente aléatoire, c’est-à-dire lors d’une vente pour laquelle le prix ne sera pas définitivement fixé, lors de la réalisation du contrat.
S’il existe un élément incertain sur le prix, on ne peut donc invoquer une lésion.
De même, mais pour des raisons très différentes, les ventes sur saisie immobilière sont exclues de la rescision pour lésion puisque le prix est fixé en fonction des enchères dont il est considéré par la jurisprudence que le droit applicable est celui des voies d’exécution et non celui des contrats.
En outre, la jurisprudence considère que le montant des enchères est celui du juste prix.
La vente aux enchères offre un contexte de concurrence pure et parfaite : les amateurs disposent de la même information et peuvent acheter en toute liberté.
Les enchères sont pures et simples, ce qui exclut donc qu’elles soient assorties d’une condition ou affectées d’un terme. Il convient de souligner que les enchères sont publiques et qu’elles se tiennent sous la direction du juge de l’exécution [1].
Même la vente amiable sur autorisation judiciaire qui produit les effets d’une vente volontaire, ne peut donner lieu à rescision pour lésion [2].
Ainsi, la jurisprudence affirme dans l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation [3], complété par l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation [4] que la vente de l’immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire par le liquidateur, fût-elle de gré à gré, est une vente qui, selon l’article L622-16 [5] du Code de commerce, ne peut être faite que par autorité de justice et n’est donc pas rescindable pour cause de lésion.
Notons également que la procédure d’adjudication peut être suivie d’une surenchère qui permet la vente du bien immobilier à son meilleur prix.
Enfin, l’article 1684 du Code Civil dispose que la rescision pour lésion :
« … n’a pas lieu en toutes ventes qui, d’après la loi, ne peuvent être faites que d’autorité de justice ».
Dans le cadre d’un attendu de principe clair, la troisième chambre de la Cour de cassation précise la notion de ventes d’autorité de justice [6] :
« Les ventes d’autorité de justice peuvent être définies comme celles qui interviennent à l’initiative d’une autorité judiciaire, par opposition à une vente qui interviendrait à l’initiative du propriétaire de la chose vendue et qui serait donc une vente volontaire ».
Force est de constater que la saisie immobilière entre dans le champ d’application de cette définition des « ventes faites par autorité de justice ».
Par conséquent, il semble qu’il convienne de répondre par la négative à la question posée plus avant. La procédure prévue par l’article 1674 du Code Civil ne s’applique donc pas dans le cas d’une vente aux enchères immobilières.