Le traducteur franco-suisse - sa réaction face à la crise.

Par Jane Kochanski
Expert Judiciaire Cour d\’appel de Paris
Traduction FR-EN / EN-FR

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Explorer : # gestion du temps # relation client # compétitivité

La pandémie actuelle a bouleversé la vie de toute la population dans les quatre coins du monde et la plupart des activités professionnelles. Nous constatons une baisse réelle de chiffre d’affaires dans chaque industrie confondue. Et la traduction n’est pas épargnée. Le marché français de la traduction a été confronté à de maintes contraintes budgétaires et une perte de clientèle internationale suite à la période de la fermeture des frontières. Les échanges et les négociations transfrontières étaient en berne et le traducteur a souffert également davantage. Il y a eu moins de commandes et les clients utilisaient de plus en plus leurs ressources internes. Des nombreuses études de marché ont illustré la baisse nette de chiffres d’affaires dans le secteur de la traduction, toute spécialisation confondue. Cependant, le traducteur français n’était pas le seul à souffrir davantage, nos confrères en Suisse ont ressenti la crise de manière un peu plus tempérée qu’en France.

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Le traducteur suisse face à la crise

En Suisse, le fonctionnement de l’économie a toujours été privilégié, en toutes circonstances, y compris pendant la gestion de la pandémie. D’ailleurs, celle-ci a mis en évidence le rôle crucial joué par les presque 350’000 frontaliers sans lesquels l’économie ne fonctionnerait pas correctement. Nous avons connu les restrictions les moins sévères de toute l’Europe, pas d’obligations, seulement des recommandations et toujours dans l’optique de conserver le mieux possible le chiffre d’affaires des sociétés.

Et qu’en est-il de la profession de traducteur dans un si petit pays de 8,7 millions d’habitants qui a déjà quatre langues officielles (l’allemand, le français, l’italien et le romanche) et une cinquième, non officielle, l’anglais. Les grands bureaux qui bénéficient des mandats des nombreux organismes internationaux implantés à Genève n’ont guère vu de changement. Par contre, les petits bureaux ont eu beaucoup de mal à vivre ou plutôt à survivre. Hormis la clientèle fidèle, il a été difficile d’acquérir de nouveaux clients, en particulier au niveau des sociétés. Celles-ci ont eu tendance à privilégier les traductions en interne plutôt que de les externaliser à un bureau professionnel. Naturellement, les prix ont dû être revus à la baisse, les budgets étant encore plus serrés qu’avant et la concurrence bien plus grande. Parfois, un mandat est perdu pour quelques centaines de francs… Quant aux privés, pour toutes les traductions officielles, ils n’ont pas eu d’autre choix que de confier les traductions à des professionnels. Dans ce cas-là, la crise sanitaire n’a pas eu de gros impact.

Le traducteur face aux défis

Le traducteur français qui travaille dans les secteurs du tourisme, l’évènementiel, l’art, la mode et l’automobile constate une nette baisse de son activité suite à la situation de la crise.

En Suisse, ces secteurs ont été très touchés, notamment avec la suppression de nombreux salons internationaux, comme par exemple, le salon international de l’automobile de Genève ou le salon de la haute horlogerie. Tous les traducteurs liés à ces secteurs ont été fortement impactés et ont vu leur chiffre d’affaires chuter sérieusement.

Cependant, les secteurs de la santé, le médical, les brevets, la pharmaceutique, les logiciels, le streaming et I.T. sont en hausse depuis le début de cette crise sanitaire inédite.

C’est le côté positif de cette crise car elle a permis des développements très rapides dans tous les domaines médicaux et informatiques et cela s’est vu aussi en Suisse.

Néanmoins pour rester compétitif, on a besoin de s’adapter voire de faire quelques sacrifices sur le prix. Le traducteur a besoin de plus en plus de proposer des prix plus bas, de travailler avec des délais plus serrés tout en respectant une charte de qualité qui va de pair avec ce métier. Ceci demande une bonne maîtrise de la gestion du temps.

S’il veut rester compétitif et quel que soit le pays, le traducteur doit appliquer une gestion rigoureuse de son temps. Autour de l’acte de traduction, il y a tout un processus qu’il faut mettre en place et respecter parfaitement. C’est l’assurance d’une qualité de prestation de haut niveau et à laquelle il ne faut renoncer pour rien au monde. Certes, la question du prix de la traduction est récurrente et il est vrai qu’avec la crise, il a été nécessaire d’adapter les tarifs, principalement pour les privés.

Le traducteur, même s’il connaît bien le télétravail, doit s’adapter. Il y a tout de même un besoin de s’équiper en matériel informatique suffisamment puissant. Le marché de la traduction est un marché organisé et concurrentiel. Face à la crise actuelle, le traducteur est fortement concurrencé et pour rester en lice il doit proposer de plus en plus des remises aux clients, des prix au forfait et parfois même être prêt à élargir son domaine de compétence pour se rendre plus attractif. Toute crise implique nécessairement une perte et donc la nécessité de s’adapter.

Pour le traducteur, le télétravail instauré lors de la crise sanitaire n’a pas été une innovation. Il en a l’habitude depuis très longtemps et il a le matériel adéquat. Disposer d’une connexion internet à haut débit et d’un équipement informatique performant est indispensable et fait gagner un temps précieux.

La relation humaine prend de plus en plus d’importance

Qui dit crise dit besoin de rassurer et renouer des contacts durables avec les clients. Les traducteurs ont besoin de contacter leurs clients plus régulièrement par téléphone et non pas seulement par email pour assurer l’élément humain. Le client apprécie cette démarche et se sent rassuré surtout dans cette période de crise qui rime avec l’incertitude.

Même si la crise sanitaire a eu tendance à déshumaniser les relations avec les clients en évitant tout contact humain, il a toujours été essentiel de parler avec eux, de les écouter et de partager un petit moment dans une longue journée. Ils ont besoin d’être conseillés et rassurés dans leurs démarches et de se savoir compris par le traducteur Ce n’est pas « faire du social » mais agir en tant qu’être humain et faire preuve d’empathie. Un robot n’en serait pas capable, même avec les progrès fulgurants de l’IA !

Un traducteur à plusieurs casquettes…

Pour rester compétitif lors de la crise et après, le traducteur doit jouer un rôle à la fois technique, de négociateur, psychologue et commercial. Une formation continue dans ces différents secteurs pourrait aider le traducteur pendant la crise.

Certes, on peut toujours suivre des formations pour améliorer sa capacité à négocier avec le client, à lui vendre une prestation à un prix correct ou parfois à le calmer lorsqu’il n’est pas satisfait du prix mais, en général, ce n’est qu’une question de bon sens. Il faut savoir rester à la fois « zen » et ferme.

L’expérience a aussi un rôle important à jouer car, avec le temps, on gagne en confiance en soi et on développe de nouvelles aptitudes psychologiques, indépendamment de toute crise.

Enfin, à travers notre comparaison entre les traducteurs français et suisses, nous constatons que la pandémie a relevé de nouveaux défis, jusqu’à présent si peu mis en avant, notamment, le rôle de l’empathie et la notion de solidarité dans un secteur d’activité comme la traduction. Le milieu a changé certes et le traducteur doit s’adapter. Le monde post-Covid ne sera pas le monde d’avant. Les ajustements en télétravail, l’éloignement, la difficulté de joindre des interlocuteurs dans les entreprises…Ces soucis sont connus et avérés. Néanmoins et malgré tout, les traducteurs sont encore dans une logique de concurrence individuelle, résultant en une stagnation de l’offre et la demande. La crise nous oblige à surpasser cette concurrence pour arriver à une concurrence collective. Pour surmonter la crise, le traducteur a besoin du réseau pour franchir tous ces nouveaux défis.

Soyons forts, soudés, à l’écoute du marché avec une capacité de s’adapter de manière modulable lors de la période post-pandémie.

Par Jane Kochanski
Expert Judiciaire Cour d\’appel de Paris
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