de
WenSen
le Dim 08 Juin 2014 16:04
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Profession: Etudiant
Bonjour,
Petites précisions terminologiques pour commencer (parler de « juriste bancaire » pour un juriste en lien avec les marchés financiers n’est pas approprié) et situer la discussion.
On distingue deux grandes branches dans le secteur de la banque, même si les acteurs de ces deux branches sont souvent les mêmes, à la faveur du modèle français de « banques universelles » : la banque de détail et la banque de financement et d’investissement (BFI).
La banque de détail/de réseau s’adresse aux particuliers et aux artisans, PME. On y trouve des juristes de banque plutôt spécialisés dans la gestion de patrimoine, le droit des assurances, la fiscalité patrimoniale, les sociétés civiles et, dans une moindre mesure, des juristes dédiés à l’activité des PME.
La BFI ne s’adresse qu’à des entreprises, de taille relativement remarquable, avec des besoins de financement et d’investissement importants. A l’intérieur de ce type de banque, on trouve des juristes de quasiment toutes les spécialité du droit des affaires (fiscalité, corporate, concurrence, contentieux, « affaires internationales »), dont des juristes de droit bancaire et des juristes financiers. La distinction (à mon sens) entre ces deux derniers se fait essentiellement sur un critère discriminant dont découle un certain nombre d’éléments pratiques. Le critère en question est celui du mode de financement proposé par la banque: lorsqu’un juriste sera attaché à une activité de la banque reposant sur le crédit, l’on parlera de juriste de droit bancaire ou « juriste bancaire » ; lorsqu’un juriste sera attaché à une activité de la banque reposant sur les marchés financiers, l’on parlera de juriste financier.
Ainsi, de ce que je comprends de votre message, vous souhaitez obtenir des informations moins sur le métier de juriste de droit bancaire que sur celui de juriste financier. (votre crédit auprès de recruteurs ou de directeurs de M2 pourrait prendre un coup à cause de ce genre de confusion).
Pour ce que j’en ai vu jusqu’à présent, il y a un certain nombre d’éléments à prendre en compte :
1) en banque, la fonction juridique est dite « fonction support » ; support de quoi ?des activités commerciales, évidemment. Par forcément péjoratif, ce terme dénote bien cependant de la mentalité qui peut régner dans certaines banques et, par conséquent, la place qui en découle pour le droit :
- en dépit de la crise de 2008 et de ses conséquences (économiques, réglementaires, etc ) le droit est souvent vécu comme une contrainte extérieure au business et ses petits soldats que sont les juristes ne sont que des empêcheurs de dealer en rond ;
- cet état d’esprit est diffus dans les fonctions commerciales (les « front office » ou « originateurs » pour reprendre le jargon du microcosme) : vu par les front office comme imposé de l’extérieur de la banque, le droit fait malheureusement figure d’accessoire : on deale d’abord et on voit ensuite si juridiquement ça passe…
- autant vous dire que les juristes ne sont pas les stars de la banque et ne bénéficient pas non plus de l’aura des avocats. A vous donc, face aux comportements teintés de dédain à peine voilé que vous pourrez sentir de la part des front-office, de faire preuve de rigueur intellectuelle, de méthode, de rectitude et ne pas vous laissez impressionner. Sachez que, plus qu’en cabinet, vous ne devrez vous départir de ces qualités, car vous serez certainement le/la seule (ac votre équipe) à les incarner dans votre entourage professionnel immédiat. Autant les originateurs râlent quand vous ralentissez le processus de signature d’un deal, autant ils sont contents de vous trouver pour leur expliquer des contrats et quand ça commence à sentir le roussi en matière de responsabilité et de compliance. (« on peut le faire, nos juristes ont dit que… »)
2) les postes de juristes sont divers et très spécialisés :
- en comparaison avec un cabinet d’avocats, où tout ce qui se passe sur les marchés financiers est géré par le département Capital Markets et/ou Corporate, ce périmètre de compétences, en banque, peut-être divisé en une demi-douzaine d’équipes au moins, avec des spécialités propres.
- cette très forte spécialisation peut être intéressante car elle permet, dans un domaine ciblé, d’être à la pointe des tendances des marchés et des questions juridiques qui se posent et d’envisager celles qui se poseront dans les prochaines années.
- en revanche, cette très forte spécialisation peut également à moyen terme être un facteur de lassitude, voire à long terme constituer une difficulté pour changer de domaine.
- pour autant, les aspects négatifs de cette spécialisation sont corrigés par l’incitation à la mobilité interne au sein des banques, ce qui est très appréciable.
Quant aux questions de stress, de salaires, de temps de travail…tout cela est assez variable en fonction des banques, de la géographie (Londres, Paris, NY, HK, Singap’) et des équipes.
Sachez, en tout état de cause, qu’un juriste est sensiblement moins bien payé qu’un avocat dans le même domaine (pas loin de 2 fois moins au début, le delta s'accroissant rapidement du fait que les avocats sont bcp plus mobiles et peuvent voir leurs rémunérations augmenter plus vite) mais qu’en conséquence, on ne peut pas exiger d’un juriste le même investissement qu’un avocat. Si en tant que juriste vous étiez amené(e) à faire plus de 50h00 hebdo(effectives, sans compter les pauses, les repas) il faudrait sérieusement penser à passer en cabinet où votre travail serait bien plus considéré et rémunéré (même si je n’envie pas franchement la position des avocats juniors en capital markets chez Linklaters, Clifford et consorts, qui travaillent bien plus que 50h00 par semaine…).
Si je peux me permettre de vous donner quelques conseils :
- faites un M2 de droit bancaire et financier, ou à défaut de droit des affaires, pour avoir une approche théorique qui me semble nécessaire sinon indispensable à l’entrée dans cette sphère professionnelle ;
- perfectionnez votre anglais, parce que cela sera votre langue de travail (contrats, mails, conversations téléphoniques, jargon technique) et cela vous permettra également de vous expatrier si l’envie vous en dit – les marchés de capitaux sont en effet un très bon passeport vers Londres, l’Asie, etc. ;
- tentez l’expérience en banque et ne vous arrêtez pas forcément à la première : ce(s) métier(s) a(ont) de multiples facettes et évolue(nt) constamment ; la désaffection d’une de ces facettes ne signifie pas que les autres vous déplairont.
Bon courage
W