En l’espèce, à la suite d’une intervention de chirurgie cardiaque le patient avait été transféré dans le service de rééducation de l’hôpital Broussai, dépendant de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Ce dernier est toutefois resté atteint, malgré les soins reçus, d’une hémiplégie et d’une aphasie. L’intéressé a donc saisi la Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Paris au titre de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.
Cette dernière a estimé que la responsabilité de l’AP-HP était engagée en raison des fautes commises dans la prise en charge de l’intéressé.
Face à l’absence de proposition d’indemnisation de la part de l’établissement public et de son assureur, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s’est, en application des dispositions de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, substitué à ces derniers et a versé à la victime une indemnité transactionnelle d’un montant de 700 952,44 euros.
L’intéressé est toutefois malheureusement décédé quelques mois suivant la conclusion de cette transaction.
Néanmoins, l’ONIAM, subrogé dans les droits de ce dernier, a saisi le Tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à la condamnation de l’AP-HP à lui verser une somme correspondant au montant de la transaction qu’il a conclu, outre le remboursement des frais d’expertise que la CRCI avait engagés dans le cadre de sa saisine et de la pénalité de retard prévue à l’article L. 1141-15 du code de la santé publique.
Par un jugement en date du 18 juin 2010, ledit Tribunal a fait droit à sa demande et a condamné l’AP-HP à verser à l’office une somme de 467 491,37 euros, outres les frais d’expertise et une pénalité de 10 000 euros.
L’office a interjeté appel de ce jugement en ce que ce dernier a limité à 467 491,37 euros le montant de la condamnation principale de l’établissement public de santé et à 10 000 euros le montant de la pénalité financière.
Par un arrêt en date du 19 janvier 2012, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement attaqué s’agissant du montant de la condamnation principal de l’AP-HP mais a toutefois porté à 30 000 euros le montant de la pénalité financière.
L’office a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Par cet arrêt de principe, la Haute Assemblée a précisé l’office du juge en cas de saisine par l’ONIAM dans le cadre d’une action subrogatoire après que ce dernier a conclu une transaction avec la victime.
Il précise ainsi la portée à donner aux dispositions de l’article L.1142-15 du code de la santé publique.
En application de ces dernières, il appartient au juge de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé est engagée et, dans l’affirmative, d’évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l’office.
A ce titre, le juge administratif n’est donc pas lié par le montant retenu dans la transaction intervenue entre l’ONIAM est la victime.
Ainsi et de manière identique, si l’ONIAM n’est pas lié par l’avis de la CRCI (bien que ce cas ne soit que marginal dans la pratique, l’office suivant dans environ 95% des cas l’avis rendu par les commissions), le juge administratif n’est pas plus lié par la transaction conclue entre l’office et la victime.
La liberté du juge est grande en ce domaine. Il pourra en effet s’agir d’une éventuelle remise en cause, tant du principe même de la responsabilité retenue par la transaction, que du montant de l’indemnisation.
Cette solution renvoie au principe selon lequel bien qu’une convention, y compris transactionnelle, puisse avoir force de loi entre les parties, le juge administratif assure néanmoins un contrôle sur cette dernière.
Ce dernier s’était déjà réservé un pouvoir de contrôle du prix retenu dans une transaction entre un particulier et une personne publique, en déclarant nulle et non avenue une transaction conduisant à ce que la personne publique réalise une libéralité ou paie une somme qu’elle ne devait pas pour tout ou partie [1].
Ce principe est constant de longue date et constitue en outre un moyen d’ordre public pouvant être soulevé d’office par le juge administratif [2].
Ainsi en matière de contrat public, le juge administratif s’assure notamment que le montant de la transaction ne dépasse pas celui du marché [3]. Il convient également de rappeler que le juge administratif est compétent pour homologuer de telles transactions.
Si nous ne pensons pas que ce principe entraînera une diminution des propositions d’indemnisation formulées par l’office, l’application de ce dernier principe pourra toutefois avoir d’importantes conséquences sur l’équilibre budgétaire de l’office.
Néanmoins, le professionnalisme qui caractérise l’action de l’ONIAM et l’expérience d’une dizaine d’années dont ce dernier peut désormais se prévaloir, devraient limiter le nombre de cas dans lesquels le juge administratif sera amené à diminuer le montant de l’indemnisation transactionnelle retenu par l’office.
Références : CE, 25 juillet 2013, ONIAM, N° 357703 ; CE, ass.,11 juillet 2008, Société krupp hazemag, n°287354 ; CE, 8 décembre 1995, Commune de Saint-Tropez, n°144029 ; CE, 19 mars 1971, M. Mergui, n°79962 ;