Il faut rappeler en effet que le Conseil Constitutionnel - aux termes d’une décision du 4 mai 2012 qui a fait couler beaucoup d’encre - a abrogé l’article 222-33 du code pénal qui réprimait le délit de harcèlement sexuel.
Il y a lieu de s’interroger dans un premier temps, sur :
le sort des victimes après la décision du conseil constitutionnel du 4 mai 2012 (I)
le contenu de la loi du 6 août 2012 et notamment, les nouveaux délits qu’elle crée (II).
I – LE SORT DES VICTIMES APRES LA DECISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 4 MAI 2012 :
A° La motivation de la décision du Conseil Constitutionnel :
Rappelons que l’article 222-33 du code pénal désormais abrogé, définissait le harcèlement sexuel comme : « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».
Le Conseil Constitutionnel avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Par sa décision en date du 4 mai 2012, il a jugé que les éléments constitutifs de l’infraction de « harcèlement sexuel » étaient insuffisamment définis de telle sorte que cet article méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique.
Le Conseil Constitutionnel jugeait que les justiciables ne pouvaient savoir avec précision à la lecture de cet article, quels faits constituaient un harcèlement sexuel et étaient donc interdits et punis par la loi et au contraire, quels faits étaient en revanche licites.
En conséquence, le Conseil Constitutionnel abrogeait cet article.
B° Toutes les procédures pénales en cours ne sont pas automatiquement et irrémédiablement compromises :
Beaucoup ont écrit que l’abrogation de cet article du code pénal créait un vide juridique et sonnait la mort de toutes les procédures pénales en cours. Cela n’est pas exact. Les conséquences de cette abrogation doivent être nuancées.
Certes, aucune condamnation pénale ne pouvait plus intervenir après la décision du Conseil Constitutionnel du 4 mai 2012 pour des faits de harcèlement sexuel, dès lors que cette infraction du fait de l’abrogation de l’article L222-33 du code pénal, n’existait plus.
Il est vrai par ailleurs, qu’aucune plainte ne pouvait plus être déposée après cette même date pour « harcèlement sexuel ».
Pour autant, il n’en résulte pas automatiquement la fin de toutes les procédures pénales engagées.
Bien évidemment, les Juridictions pénales déjà saisies de poursuites diligentées pour harcèlement sexuel auront à statuer sur les dossiers qui leur sont soumis.
Elles ne prononceront pas automatiquement l’extinction de l’action publique au motif de la disparition du délit de harcèlement sexuel.
Ce serait en effet oublier un peu vite, qu’elles ont la possibilité de requalifier éventuellement les faits poursuivis en d’autres infractions pénales.
Elles peuvent ainsi, condamner l’auteur des faits reprochés pour une autre infraction prévue par le code pénal s’il s’avère que les faits dont elles sont saisies peuvent relever d’une autre qualification pénale.
Certes, la requalification ne sera probablement pas possible dans toutes les affaires en cours. Cependant dans certaines d’entre elles, l’auteur des faits pourra être condamné pour ceux-ci parce qu’ils pourront être requalifiés en harcèlement moral, agression sexuelle, tentative d’agression sexuelle, ou encore en violences volontaires, par exemple.
À cet égard, la Ministre de la Justice a annoncé que les Procureurs Généraux seront rendus destinataires, dans les prochaines semaines, d’une circulaire les invitant à rechercher les éventuelles possibilités de requalification des faits reprochés.
C° Le sort des victimes des procédures en cours est envisagé par le Législateur :
Heureusement, dans la loi du 6 août 2012 par laquelle il crée ce nouveau délit de harcèlement sexuel, le Législateur n’a pas oublié le sort des victimes plongées dans le désarroi après la décision du Conseil Constitutionnel.
C’est ainsi que l’article 12 de la loi nouvelle prévoit l’hypothèse dans laquelle le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels saisi prononcerait l’extinction de l’action publique.
La juridiction restera compétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts qui serait présentée par la partie civile avant la clôture des débats.
Statuant en application des règles du droit civil, elle pourra accorder à la victime, des dommages-intérêts en réparation de tous les dommages causés par les faits qui ont fondé la poursuite.
Elle pourra par ailleurs lui octroyer une indemnité pour les frais exposés par elle dans le cadre de la procédure, notamment pour se faire assister d’un avocat.
II – LES NOUVEAUX DÉLITS CRÉÉS PAR LA LOI DU 6 AOÛT 2012 :
La loi nouvelle qui crée le nouveau délit de harcèlement sexuel a vocation à s’appliquer à des faits commis à compter du 8 août 2012, soit un jour après sa publication au journal officiel.
Rappelons qu’en vertu du principe de légalité des peines, la loi pénale ne peut s’appliquer avec effet rétroactif c’est-à-dire à des faits antérieurs à sa publication.
À défaut, cela conduirait à sanctionner des personnes pour des faits qui n’étaient pas répréhensibles au moment où ils ont été commis et de créer, par là même, une insécurité juridique pour tous.
La loi du 6 août 2012 répond à un quadruple objectif :
1° Définir le harcèlement sexuel au regard des exigences constitutionnelles et couvrir l’ensemble des situations auxquelles les victimes se trouvent confrontées par la création d’un délit assimilé.
2° Assurer une répression adaptée à la gravité des faits, et en cohérence avec l’échelle des peines applicables aux infractions sexuelles.
3° Punir de manière cohérente et exhaustive les discriminations qui découlent du harcèlement sexuel.
4° Permettre aux victimes d’agir vite et efficacement tout en les protégeant.
A° Les deux nouvelles incriminations :
• Le harcèlement sexuel est désormais défini à l’article 222-33 du code pénal comme :
« Le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »
Ainsi, la répétition des actes, qu’il s’agisse de propos ou de comportements, est indispensable pour que le délit de harcèlement sexuel soit constitué.
• Le législateur a par ailleurs, souhaité créer une autre incrimination aux côtés de celle de harcèlement sexuel afin de couvrir l’ensemble des situations auxquelles les victimes peuvent se trouver confrontées.
C’est ainsi que le II de l’article 222-33 du code pénal est rédigé ainsi qu’il suit :
« Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »
Cette seconde incrimination crée un délit qui ne relève pas du harcèlement sexuel stricto sensu mais d’une infraction qui lui est assimilée. Il s’agit ici de réprimer un acte unique par opposition aux propos ou comportements répétés visés dans la définition du harcèlement sexuel.
Par ailleurs, le législateur a préféré écarter les notions de "contrainte", "menace", ou "surprise" et a préféré celle de « pression grave ».
Les notions de "contrainte", "menace" ou "surprise" étant en effet présentes dans la définition des infractions de viol et d’agression sexuelle, il a souhaité ne pas les retenir afin d’éviter une possibilité de requalification de faits de harcèlement sensuel en tentative de viol ou agression sexuelle.
• Cinq circonstances aggravantes applicables à ces deux incriminations sont créées :
1) L’abus par l’auteur des faits de l’autorité conférée par les fonctions exercées,
2) La minorité de la victime âgée de moins de 15 ans,
3) La vulnérabilité de la victime en raison de son âge, de sa maladie, de son infirmité, de sa déficience physique ou psychique, ou de son état de grossesse, vulnérabilité apparente ou connue de l’auteur des faits.
4) La particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, vulnérabilité apparente ou connue de l’auteur des faits.
5) La réunion quand plusieurs personnes agissent en qualité d’auteur ou de complice.
• Indiquons encore que le code du travail est modifié de manière à intégrer la même définition du harcèlement sexuel ou du délit assimilé.
La précision y est apportée que les personnes en formation ou en stage bénéficient de la protection de ce texte.
Le statut applicable à la fonction publique et les textes applicables aux collectivités d’outre-mer sont également modifiés.
B° La répression :
Le délit de harcèlement sexuel était précédemment puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 15 000 € d’amende.
Les sanctions sont doublées puisque peut être désormais prononcée, une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
En cas de circonstances aggravantes, la peine peut être portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Le Législateur a souhaité que ces nouvelles sanctions restent en cohérence avec l’échelle des peines prévues en cas d’infraction sexuelle.
Certaines associations de défense des victimes se sont offusquées de ce que l’auteur d’un harcèlement sexuel encourt une sanction moins sévère que l’auteur du vol d’un téléphone portable.
Lors des débats parlementaires, le Ministre de la Justice a annoncé une remise à plat de l’échelle des peines, toutes infractions confondues.
C° Les discriminations découlant du harcèlement sexuel :
La loi nouvelle introduit une sanction à l’encontre des discriminations souvent induites par le harcèlement sexuel.
Constitue désormais une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits.
Parmi les motifs de discrimination, figure désormais après la notion "d’orientation sexuelle", celle d’"identité sexuelle".
Il s’agit ici pour le Législateur d’assurer une protection des transsexuels.